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Prochains articles :MORTESIUM...INVERCAULD...KAMMARHEIT...
...musiques obscures, funèbres, oniriques et dépressives ...
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DARK, BLACK AND HAUNTED SOUNDSCAPES

DARK, BLACK AND HAUNTED SOUNDSCAPES
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VISIONS

VISIONS OU LA METAPHYSIQUE DU VIDE CELESTE

VISIONS est le projet personnel de Frédéric Arbour (Instincts, Longing For Dawn) grand maître de cérémonie de l’excellent label Cyclic Law, où l’on retrouve des noms aussi prestigieux que Kammarheit, Northaunt, Arcana, Gustaf Hildebrand, Lacus Somniorum, Svartsinn, Karjalan Sissit…et j’en passe… C’est dire si l’œuvre de VISIONS se devait de tenir la route…
Car les différents albums de VISIONS sont autant de sondes lancées à la découverte des espaces infinis, du vide stellaire, de la noirceur sans borne d’un univers où le vide n’est jamais entrecoupé que de rares éclats de lumières, qui s’agitent et meurent dans l’indifférence générale, et où la vie n’est, après tout, elle aussi qu’un épiphénomène sans réelle importance… mais c’est encore une injustice que de dire cela, car l’œuvre de VISIONS est bien plus complexe, elle n’est pas de ces drones sans fin qui s’étirent à longueur d’album, non, elle exprime aussi toute la complexité d’un univers en perpétuelle changement, instable, gigantesque, où l’homme n’est qu’une poussière dans les rouages cosmiques…

LAPSE
Cyclic Law 2005
 


1- Abyssal Gaze
2-Auroral Glare
3-Visions
4-Passage
5-Lapsing
6-Devoid Of Shadows
7-Lightless

Le ton est donné dès le premier titre, « Abyssal Gaze » : drones profonds, monastiques, sorte de mantra cosmique et douloureux, mêlés de chœur désincarnés, de tintements mystérieux et d’une foule d’échos, de sonorités fatidiques qui expriment à la fois la noirceur abyssale de l’univers, toute sa beauté terrifiantes, et la solitude sans borne de l’homme perdu au milieu de ces splendeurs glacées.
Et là où chez NEW RISEN THRONE, par exemple, on ne retrouve que la noirceur d’une vie abhorrée, il y a des instants d’une calme – et spectrale - beauté chez VISIONS, pour exemple « Lightless » ou le troisième titre « Visions », à la fois calmes, hantés, spatiaux et dotés d’un lyrisme cosmique ; et même si l’on sent que les ténèbres, le doute, les déceptions ne sont jamais loin, on retrouve toujours ce subtile mélange de noirceur et de lumière propre aux grands noms du genre : RAISON D'ÊTRE, DESIDERII MARGINIS, CAUL...
Témoin de cette ambivalence, l’obscur et inquiétant « Passage », qui offre une vision exceptionnelle des espaces inexplorés et hostiles, de soleils rougeoyants en de multiples nuages gazeux, mais aussi de l’incommensurable finitude et petitesse de l’homme, de la vie.
Les plus mesurés « Auroral Glare» et « Lapsing », n’en demeurent pas moins inquiétants, surtout ce dernier, mêlant sonorités industrielles à un dark ambient spatial et fantomatique que l’on retrouve aussi dans « Devoid Of Shadows ».
Pas de doute, Frédéric Arbour mérite bien son titre de grand maître de Cyclic Law


CELESTIAL SPHERE
.Angle.Rec. 2006 10”

A- Celestial Sphere
B- Stellar Echo

CELESTIAL SPHERE propose deux longs morceaux fascinants et hantés ; la face A tout d’abord, « Celestial Sphere », qui reprend ce subtile mélange de chœurs, de drones pulsants, de lointains tintements que l’on trouvait dans « Lightless », tiré du précédent album, et qui donnent au titre une fascinante aura de mystère, de beauté, à la fois trouble et éthéré.
Puis la face B, avec « Stellar Echo » qui joue sur le même registre, mais une note plus inquiétante, une sorte de menace sous-jacente dans les spirales de sons qui s’agitent sur les ténèbres tachées de vagues lueurs de ces lointaines galaxies ou VISIONS nous entraine à chaque album…
Limité à 270 exemplaires, ce vinyle sorti chez .Angle.Rec. (à qui on doit - entre autre - un très bon split de Monstrare/Wilt ou des albums d’Aidan Baker) CELESTIAL SPHERE est un album à part entière et mérite vraiment que l’on s’y intéresse.

SUMMONING THE VOID









 
 
 
 
 
 
 
 



1- Dawning
2- Summoning The Void
3- In The Midst Of Infinity
4- Vortexed
5- Invocation

Nous voilà avec SUMMONING THE VOID, là où LAPSE nous avez abandonné : c’est-à-dire perdu en pleine espace, loin de tout repère, déchiré par l’aveuglante beauté des nébuleuses qui s’étirent à l’infini, par les spires démesurées des galaxies, et ce sentiment de solitude sans borne qui renvoi l’homme, une fois de plus, à sa véritable place dans l’univers : celle d’atome éphémère et insignifiant…
Et dès « Dawning » : souffles cosmiques, tintements, voix gutturales, issus de quelque sombre monastère interstellaire, on sent que le voyage sera encore beau… beau et terrifiant, à la manière de ceux de GUSTAF HILDEBRAND, dont l’espace est l’océan ultime.
Et dès ce premier titre, on sent cette influence lointainement, discrètement, secrètement, asiatique qui transparait ici et là en filigrane de l’œuvre de VISIONS : « Summoning The Void » ou « In The Midst Of Infinity » avec leurs sonorités flûtées, à peine reconnaissables et venues droit d’un monastère tibétain ; mais toujours aussi dans les drones qui ont ce phrasé guttural, ici modifié bien sûr, mais que l’on retrouve dans les chants bouddhiques, de même que les tintements rituels.
Tout cela n’est évidemment pas là pour revendiquer tel ou tel appartenance religieuse, mais pour donner à l’œuvre cette profondeur sacrale, presque mystique, que Frédéric Arbour cherche à conférer à ces ambiances spatiales, ou, plus généralement, à la vision de l’espace qu’il développe au travers de son œuvre.
Et l’on retrouve ces influences dans chaque titre, perdues dans les couches de sons planants, rauques, les souffles intersidéraux, les échos meurtris et les bruits qui apportent à cet œuvre la noirceur, la terrifiante solitude de l’espace, de l’univers, mêlés à la curieuse ambivalence de ces splendeurs démesurées et fascinante.
Chaque titre devient alors un fragile compromis entre ces trois facteurs : les ténèbres ou le néant philosophique de l’espace, la beauté incommensurable de ces phénomènes célestes, et l’infini terrifiant de l’univers, qui dépasse l’entendement humain, et en devient, de fait, presque mystique…
Néant spatial, beauté céleste et infini mystique se partagent alors chaque morceau, créant ces ambiances particulières à VISIONS, où chaque titre laisse percer avec plus de force l’obscurité, la magnificence glacée, où la terreur quasi primitive que l’homme peut ressentir face à ces immensités. On reconnait ainsi la majesté envoûtante de « Invocation », le calme trouble de « Dawning », où la magie douloureuse de « Vortexed ».
Et s’il doit être un seul Dieu, ce sera l’univers : beau, immense, impitoyable, ténébreux, néantique et terrifiant ! Où l’homme n’est rien, et ne doit s’attendre à rien, sinon de contempler, en d’éphémères moments, la marche glorieuse des sphères célestes dont il sera à jamais exempt.


 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

...TROIS VOYAGES...



Car les plus beaux voyages sont ceux de l’esprit, des rêves, de l’imagination…
Voici trois voyages magiques, hors du temps, en des lieux mythiques ou fantasmés…
Trois voyages…

CELER
CAPRI
Humming Conch 2009



1. Mouthfeels of Capreae 2. Polaroid Family Portrait 3. Unequal Temperament 4. Ascensionaires 5. A Pause 6. An Erne Of A Sigh 7. With Ice, Anent The Steam 8. We Missed You Favonian 9. Listen To The Inverted Sounds, Falling 10. Op.0 11. Is Lands 12. Bracelets Passed to Spanish Hands 13. Paired Plateaus 14. When Ice Makes You Weep 15. Transposing Piano 16. In Characteristic Form 17. Transcribe This Past 18. Still Running 19. In A Past Of Haze, These Beaches 20. I’ve Got My Love to Keep Me Warm 21. Sonata for Dual, Unaccompanied Piano 22. Craven Gardens 23. Lint White 24. Others World 25. Symtolomny 26. Anacapri 27. Lists of Sycophants and Wishing 28. Rich Telescopes 29. A Sorted Ending

Commençons notre voyage avec le regretté duo CELER qui, l’espace de quelques jours, posa ses valises à Capri, île fascinante, hors du temps, avec son interminables imbroglios de ruelles en pente, ses vieilles villas lorgnant le golfe de Naples depuis d’innombrables années, et les mystérieux jeux de lumière de la Grotte Bleu…
« CAPRI » est une œuvre intemporelle, d’une lenteur hypnotique, faites de notes suspendues, d’échos langoureux, qui évoluent lentement, se métamorphosent au gré des jeux de lumières qui glissent sur la baie, se perdent dans les arrière-cours ombreuses, dans les jardins en terrasses. Tout un espace sonore magnétique, fragile, empli de nostalgie « Polaroid Family Portrait », « Transcribe This Past » ou le court « In A Past Of Haze, These Beaches»…
« CAPRI » c’est cet instant ou l’on s’arrête, seul, au-dessus d’un promontoire, alors que le soleil joue avec les nuages, les vagues, glissent sur les toitures et que le vent caresse notre visage ; on se dit que des milliers d’autres fantômes ont vu cela, qu’ils sont à nos côtés, issu d’un lointain passé, et que nous même, tôt ou tard, nous les rejoindrons ; et il y a ce calme, cette douce mélancolie, et plein d’images, de souvenirs beaux et tristes défilent au plus profond de nous… Voilà, « CAPRI » n’est rien de plus que cette magie de l’instant, indéfinissable, complexe, contradictoire…


FENNESZ
VENICE
Touch 2004



1- Rivers of Sand
2- Château rouge
3- City of light
4- Onsra
5- Circassian
6- Onsay
7- The other face
8- Transit
9- The point of it all
10- Laguna
11- Asusu
12- The stone of impermanence

Ville onirique par excellence, hantée de rêves, de chimères, Venise est un espace parallèle de désirs étranges et brumeux ; et c’est avec le plus grand plaisir que Christian FENNESZ s’est abandonné à la magie des lieux. Bien entendu, pour évoquer les voyages « Black Sea », autre album de FENNESZ, aurait lui aussi pu être choisi, sans parler du fantasmatique – fantastique – « Hotel Paral.lel », mais « VENICE » est moins expérimental, plus ambiant, à l’exemple de « City of light », et convient mieux à la singularité calme et majestueuse des lieux.
Ici tout se joue sur la richesse des textures, les remous aquatiques qui agitent la plupart des morceaux, comme « Château Rouge » ou « The Other Face ». Et pour témoin le lyrique, grésillant et mystérieux à la fois, « Rivers of Sand » qui ouvre cette exploration, que l’on imagine solitaire, de la ville lacustre.
Seul titre à perturber la surface des eaux troubles de la lagune, « Transit », qui conviendrait mieux à un album de folk, mais heureusement, le fascinant « The Point of it All », titre suivant, replonge l’esprit dans la mélancolie ondoyante des reflets qui s’agitent à la surface des canaux…
Et loin d’être statique, « VENICE » est toujours en mouvements, comme les eaux qui battent inlassablement, hypnotiquement, ses murs, ses pontons, la musique évolue, les vagues de sons s’agitent en un mouvement perpétuel : « Circassian » ou le final « The Stone of Impermanence ». Venir à Venise, c’est déjà mettre un pied dans un univers à la fois fantastique, mélancolique et intemporel, FENNESZ en a fait la bande-son…

TIM HECKER
AN IMAGINARY COUNTRY
KRANK 2009



Cette fois-ci nous avons définitivement fait le pas… Nous sommes de l’autre côté, là où les rêves deviennent des voyages intérieurs « The Inner Shore », des errances au sein d’un univers brumeux et phantasmatique, fait de Venise enivrante, de contrées du bout du monde, de sentiers jamais explorés, où l’esprit sinue et se perd à la faveur des distorsions hypnagogiques du crépuscule délicieux qui berce nos sens.
Nous avons atteint les limites du monde : « Borderlands », où tout se perd en un éther intangible de formes, de constructions mouvantes, de ruelles changeantes, qui ne sont ni de ce monde, ni de l’autre, mais qui sont l’essence même de ce que nous cherchons, au plus profond de nous, au travers de ces errances oniriques.
« AN IMAGINARY COUNTRY » est un album envoûtant, une invitation aux voyages immobiles, qu’ils soient purement imaginaires, nostalgiques « 100 Years Ago », ou simple évocation introspective d’un univers baigné d’ombres et de lueurs incertaines : « Her Black Horizon » ou le plus douloureux « Where Shadows Make Shadows »
Et jamais les boucles de sons, les réverbérations subtiles, les notes fragiles et éphémères, les mélopées entêtantes ne lassent l’esprit, jamais, car elles sont l’essence même de nos rêves, de ces espaces enchevêtrés et singulier que notre esprit atteint, au plus profond de la nuit, et où il retrouve ce à quoi il aspire au plus profond de lui : le souvenir de l’éclat lancinant du soleil à la surface d’une vitre, par une soirée brumeuse d’été, il y a longtemps, dans notre enfance, ou peut-être, oui, peut-être demain…