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Prochains articles :MORTESIUM...INVERCAULD...KAMMARHEIT...
...musiques obscures, funèbres, oniriques et dépressives ...
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DARK, BLACK AND HAUNTED SOUNDSCAPES

DARK, BLACK AND HAUNTED SOUNDSCAPES
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DESIDERII MARGINIS

CAR LA BEAUTÉ EST DANS LA DOULEUR ET LA TRISTESSE…




Formidable créateur d’ambiances souffreteuses, sombres et oniriques, le suédois Johan Levin est l’apôtre de la beauté, de cette beauté qui nait de la souffrance, du désespoir, qui est l’expression même de nos vies.


SONGS OVER RUINS
(Cold Meat Industry) 1997/2001


1- Songs Over Ruins I
2- Scintillate II
3- Ephemeral
4- Chrism
5- Entombment
6- Ashes
7- Solemn Descent
8- The Core of Hell II
9- Embossed in Bones, Hidden…
10- Songs over Ruins II
11- Chreston

A l’écoute de ce superbe premier album de DESIDERII MARGINIS, on ne peut évidemment s’empêcher de penser au début de Raison d’Être ou de Necrophorus, mais Johan Levin a su insuffler à ce premier album une beauté, une tristesse, qui n’en font pas une simple copie mais au contraire l’expression d’un réel talent.
« Songs Over Ruins I » marque le début de cette exploration d’un monde gris et triste, un monde de ruines où règnent la solitude et la désolation. Le morceau débute par une mélodie répétitive, lancinante, au clavier, sorte de pizzicati comme on en trouve souvent dans les bandes sons fantastiques ; puis rapidement des percussions menaçantes, de lourdes nappes de synthé font leur apparition pour créer une atmosphère où plane une sorte de terrible fatalité.
On entre ensuite dans un royaume d’une tristesse envoûtante avec « Scintillate II ». Lent, planant, superposition de sons évoquant quelque tristesse onirique, de rythmes et de percussions ajoutant en contrepoint une note d’inquiétude.
Très proche aussi des premiers albums de Raison d’Être, de certains morceaux atmosphériques et mélancoliques de Die Sonne Satan, « Ephemeral » est un morceau à l’ambiance triste et méditative : nappes fluctuantes et imprécises de sons, cloches, basses sourdes et lointaines comme des voix de moines au fond d’une abbaye en ruine… Puis des percussions ténues et des samples de chant monastique renforcent cette impression de beauté et de tristesse qui traverse tout l’album.
Mélodies prenantes, boucles calmes et attristées, rythmes discrets, « Chrism » reste dans cette ambiance de ruines et de beauté.
Vient ensuite « Entombment » triste et funèbre avec ses drones lointains, ses cloches/percussions, ses échantillons de voix menaçantes rattrapés par des tourbillons de sons/voix qui égare l’esprit.
On retrouve les mêmes drones aériens et graves, les mêmes nappes de synthés tristes, les percussions mortes et égarées dans « Ashes ». Des sons industriels, des cliquetis, des froissements indéfinissables viennent s’ajouter à la musique et lui confèrent une sorte d’authenticité.
Présent sur la mythique compilation de chez Cold Meat Industry « … and even Wolves Hid their Teeth… » le titre suivant « Solemn Descent » égraine ses samples de chants religieux sur des notes de synthés vibrantes, éparses, et quelques percussions.
Lourd, rythmé, usant des mêmes nappes de synthé tristes et navrées « The Core of Hell II » poursuit cette exploration d’un monde mort. Des voix distantes, incompréhensibles, déformées, se mêlent aux harmonies fatidiques du morceau comme les derniers témoignages d’une humanité disparue.
Plus discret, réellement atmosphérique « Embossed in Bones, Hidden… » survole une fois de plus des villes abandonnées, livrées aux éléments, des paysages désolées...
Plus réussi que sa première version « Songs over Ruins II » est un superbe mélange de claviers désenchantés, de nappes oniriques, de rythmes et de percussions quasi martiales qui éveille en nous tout un tas de souvenirs douloureux et… beaux… Car décidemment cette œuvre reste d’une grande beauté, l’évocation transcendée de toutes les douleurs de l’âme, de toutes les souffrances de l’homme. Les ruines symbolisant les tragédies qui émaillent l’histoire tragique de l’humanité.
L’album se termine avec « Chreston » : boucles industrielles, voix dépérissant de moines, rythmes glacials…
Un premier coup de maître pour Johan Levin.




DEADBEAT
(Cold Meat Industry) 2001


1- Deadbeat I
2- Mantrap
3- In Harms Way
4- God’s Shadow on Earth
5- Angelus
6- And Never the Twain…
7- Souls Lost
8- Deadbeat II
9- A Bolt out of the Blues
10- Beyond Retrieval

Dans la parfaite lignée de « Songs over Ruins », « Deadbeat » en approfondit les thèmes, les ambiances s’enrichissent d’éléments industriels, les rythmes se font plus puissants, et la même idée d’une beauté sombre et triste se dégage de l’ensemble.
On commence avec « Deadbeat I » et son ambiance sombre, voire onirique, avec certaines sonorités industrielles et doucement ethnique comme l’on en trouve dans le superbe « Underneath the Spirit of Tranquility » de Necrophorus.
« Mantrap » est l’un des meilleurs titres de l’album. Rythme lourd, plombé, qui tourne en boucle sur un fond sonore imprécis de drones, de notes étirées, de crachements industriels. Noir et envoûtant… Rappelant aussi l’un des meilleur CD de Tho-So-Aa : « Absorb ».
« In Harms Way » et « God’s Shadow on Earth » nous replonge dans la beauté du premier album, ambiances tristes et fouillées, accompagnées ici et là de sonorités industrielles.
« Angelus » avec ses boucles tour à tour industrielles et rêveuses, annonce le superbe « And Never the Twain…», autre morceau au rythme pesant, indus, aux mélodies envoûtantes, qu’il est difficile de ne pas se passer en boucle…
Suivent les réverbérations oniriques, tristes, de « Souls Lost » qui porte bien son nom. Sons noyés, échos feutrés de percussions, notes éplorées et rêveuses qui semblent émaner d’un songe.
Moins réussi que sa première version « Deadbeat II » est une sorte de mélange de sonorités égarées, de rythmes perdus en réverbérations, qui plongent ici dans une sorte de semi conscience stuporeuse.
« A Bolt out of the Blues » continue à jouer sur ce registre de sonorités floues, perdues en échos, imbriquées, avec des grincements industriels, des voix erratiques qui s’élèvent ici et là. On songe à un compromis entre certaines pistes floues, multicouches, de New Risen Throne, et la religiosité triste de Raison d’Être, mais ce n’est encore une fois qu’un élément de comparaison, pas une copie !
« Beyond Retrieval » marque justement le retour à une religiosité triste et planante, avec de longues plages de synthés éthérés, désespérés, qui laisse notre âme glisser vers quelque ailleurs inaccessible, quelque beauté mortifié et douloureuse… Superbe conclusion !



STRIFE
(Cold Meat Industry) 2004


1- Forlorn pt 2
2- Blackout
3- A Failure at Liberty
4- From Glory to Where
5- In a Nameless Place
6- Deceit
7- Nightraid
8- The Sweet Hereafter



D’emblée, avec « Forlorn pt 2 » on entre dans un univers à l’atmosphère trouble, industrielle, d’une grande richesse sonore comme seuls Atrium Carceri, Letum, et bien sûr Raison d’Être savent en produire. Sorte de fin du monde, de vision apocalyptique d’un univers agonisant, et dont ne restent que des visions décharnées de machines, de voitures rouillées, de ruines en flammes.
« Blackout» poursuit cette quête de beauté et de tristesse que l’on retrouve d’album en album, mais ici enrichie par un fond sonore emprunt de bruits typiquement industriels, sur lequel une mélodie nous délivre son message de douleur et de regrets.
« A Failure at Liberty » et ces gémissements, ces grincements de tôles, ces échos de machineries bancals, formant une longue pièce ambient et indus exhalant la même impression de survoler des paysages désolés, de longues rues désertes, offertes aux hurlements du vent. On y retrouve à la fin les nappes attristées de synthé, les rythmes morts qui émaillaient Deadbeat.
De plus en plus gémissant, industriel, « From Glory to Where » fait penser au début aux paysages sonores glauques de Lithivm ou de certains titres de New Risen Throne avant que le morceau ne s’articule autour d’un thème au synthé, que des percussions sourdes ne fassent leur apparition.
« In a Nameless Place » commence dans un grésillement spectral de sons, de crépitements, de notes suspendues en une éternelle douleur, de bruits réverbérés, le tout formant une pièce inquiète et hantée. Une mélodie discrète, de longues nappes sourdes, viennent s’ajouter aux machineries fantômes dans les dernières minutes. Un très beau morceau, inquiétant, grinçant, aux textures sonores particulièrement réussies.
« Deceit » débute par une marée montante de boucles, de sons industriels, qui enflent rapidement, s’ajoutent de rythmes grondant, de larsens à vif, d’une mélodie sourde et oppressante. Véritable catharsis sonore, terrible et grinçante...
« Nightraid » multiplie les sons, les déflagrations, les sifflements de bombes, au milieu de son paysage d’industrial gémissante, d’ambient désolée.
Plus calme, plus épuré, « The Sweet Hereafter » termine de ces notes de piano, de ces envolées presque éthérées, ce voyage au cœur d’une apocalypse si lointaine, si proche.
Délaissant quelque peu les ambiances religieuses, calmes et envoûtantes de ces débuts, DESIDERII MARGINIS nous dévoile avec cet album ses talents pour créer des paysages sonores toujours aussi tristes et douloureux, mais enrichis des grincements les plus sournois d’une industriel de fin de monde.


THE EVER GREEN TREE
(Kaoesthetik Konspiration) 2005 LP / 2007 CD




1- The Ever Green Tree
2- Hibernation
3- Legends
4- Stalkinghorse
5- Hallmark
6- This Vale of Tears

Encore emprunt de l’esprit industriel de « Strife », mais déjà tourné vers les paysages sonores intemporelles de « That Which is Tragic and Timeless », «The Ever Green Tree » marque un tournant dans la carrière de DESIDERII MARGINIS.
« The Ever Green Tree » exprime parfaitement ce formidable équilibre. Débutant par des frottements de métal, des raclements, posés sur quelques notes hypnotiques, le titre évolue ensuite vers le style qui marquera les deux albums suivants : longues nappes de synthés définis, presque cinématographiques, soutenues par des accords répétitifs de guitare.
Atmosphérique et lent, « Hibernation » se perd dans un flou de notes égrainées ici et là, de percussions étouffées, de bruits fugitifs. Puis des mélodies s’élèvent, de plus en plus distinctement de cette brume sonore, enivrantes et belles, évoquant quelque région déserte, des solitudes sans fin de landes et de terres abandonnées. On pense parfois au plus beau de Northaunt dans ce mélange si particulier de bruits industriels, de frottements, et de nappes attristées de synthés.
« Legends » débute par un long drone venteux, complexe, plein de phaser et de reverb, ponctué de chuintements, de grondements souterrains, de bribes de voix et de chœurs cachés.
« Stalkinghorse » reste dans le même registre, boucles lancinantes, grondements de machineries, rythmes sourds issus de « Deadbeat », et enfin des mélodies qui confèrent au morceau toute sa douloureuse beauté.
Tout aussi beau et hypnotique, froid et nordique comme les terres stériles et les fjords de Northaunt, « Hallmark » étend les spires de son étrange rêverie au plus profond de nos âmes.
Plus épuré, « This Vale of Tears » termine ce superbe CD sur une note plus méditative.



THAT WHICH IS TRAGIC AND TIMELESS
(Cold Meat Industry) 2005


1- World’s Apart
2- Still Life
3- Secrets of the Future Past
4- The Weight of the World
5- It’s a Cold Trail
6- The Love you Find in Hell
7- Stolen Silence
8- Where I End and you Begin
9- Freedom’s Captive


Comme Deadbeat, That Which Is Tragic And Timeless (de même que certains covers de Kammarheit aussi) doit ses superbes illustrations à Viktor Kvant dont le site dreamhours mérite plus qu’un rapide coup d’œil…
http://www.dreamhours.com/intropage.shtml
http://www.dreamhours.com/desiderii.htm

Si des personnes doutaient encore jusque là de l’inventivité, du potentiel créatif de Johan Levin, « That Which is Tragic and Timeless » devrait balayer leurs derniers doutes. Véritablement intemporel, plus personnel que jamais, ce nouvel album fait référence à l’œuvre du peintre américain Mark Rothko selon laquelle l'art devrait traiter essentiellement de ce qui est tragique et sans repères dans le temps. Idée que l’on retrouve depuis le premier CD dans les survols de paysages désolés et dramatiques que forment l’essentiel des morceaux de DESIDERII MARGINIS.
Et c’est vraiment hors de l’espace, hors du temps que nous plonge cet album, une sorte d’ailleurs indéfinissable, gris, triste, onirique, traversé de rêves étranges ; des perspectives sans fin de rues désolées, brumeuses, perdu dans un flou mystérieux, et où rien ne semble devoir vivre que des ombres fuyantes, des existences fragiles. Si la comparaison avec l’œuvre de Peter Anderson revenait souvent – et trop facilement il me semble - dans les deux premiers opus, via les voix religieuses, les nappes éthérées et tristes de synthés, ici aucune comparaison n’est possible : il s’agit purement de DESIDERII MARGINIS.
Les superbes visuels de Viktor Kvant ajoutent à cette impression de déréalisation tenace qui traverse l’album de bout en bout.
« That Which is Tragic and Timeless » apparait donc comme une longue pièce énigmatique, un voyage « In a Glass Darkly », comme aurait pu le dire l’écrivain fantastique irlandais Joseph Sheridan Le Fanu.
« World’s Apart » donne la tonalité de l’album. Mélodies tristes, égarées dans un labyrinthe inextricables de ruelles nocturnes, tintements lointains, et accords discrets de guitares, toujours mélancoliques, qui accompagnent l’essentiel des morceaux. Malgré leur omniprésence, et même si je ne suis pas personnellement demandeur, il faut avouer que ceux-ci ne dénaturent en aucun cas les ambiances comme c’est souvent le cas lorsque l’ambient se nourrit de dark folk, mais au contraire, qu’ils renforcent cette terrible impression de nostalgie, d’égarement, de solitude.
Les bruits issus de l’indus qui composaient l’essentiel des morceaux de l’excellent « Strife », ont ici presque totalement disparus au profit d’un travail plus fouillé sur les nappes de synthés, les mélodies intemporelles, les accords de guitares et quelques notes de piano. Ou bien ils apparaissent plus discrets, plus souterrains comme dans « Secrets of the Future Past » et « The Weight of the World ». Ces deux morceaux étant lents, inquiétant, dégageant une terrible impression de fatalité, de mystère.
Vient ensuite le très beau « It’s a Cold Trail » rythme hypnotique, mélange envoutant de sons imprécis, de notes étirées qui disparaissent dans la brume, au détour d’une ruelle déserte… On retrouve ici toute la souffrance et la beauté qui ont fait la marque de fabrique de Johan Levin, cette idée d’un univers onirique, fantasmagorique et triste, voué à la nuit et à la solitude, à la désolation et à la tristesse.
« The Love you Find in Hell » reste dans le même esprit que « World’s Apart »
Plus ambiant, plus intériorisé, « Stolen Silence » égraine quelques notes, quelques sons, qui vont se perdre dans le silence de rues désertes, de vastes salles abandonnées.
« Where I End and you Begin » reste dans les mêmes ambiances feutrées, discrètes, avec quelque chose de doucement ethnique dans les voix, les sonorités, expression d’une philosophie lointaine et arcanique. On peut dire la même chose de « Freedom’s Captive » mais avec des ambiances plus marqués, touchant au spirituel, rappelant certaines envolées cosmiques de Voice of Eye par exemple.




SEVEN SORROWS
(Cold Meat Industry) 2007


1- Constant like the Northern Stars
2- Why are you Fearful?
3- My Diamond in the Rough
4- The Bitter Potion
5- Silence will stop our Hearts
6- Lifeline
7- Night Pretenders
8- I Tell the Ancient Tale
9- Untitled

Un nouvel album très proche dans l’esprit de « The Ever Green Tree » qui marquait un compromis entre l’industriel « Drift », les deux premiers albums éthérés, et « That Which is Tragic and Timeless ».
Ce dernier dont on sent toute l’influence dans « Constant like the Northern Stars », nappes oniriques, chants lointains, accompagnés par les accords d’un instrument ancien (dulcimer ?) DESIDERII MARGINIS poursuit son exploration “de l’autre côté du miroir”, de ce monde imprécis, étrange et triste dont chacun perçoit, un jour ou l’autre, l’existence. Certes moins introspective que d’autre projet dark-ambient, l’œuvre de Johan Levin fait naître en nous, à chacun de ces albums, tout un cortège d’apparitions mystérieuses, d’images qui viennent nous hanter comme de douloureux souvenirs.
« Why are you Fearful? » se révèle plus ambient, melodies graves, râclements lointains comme dans « Drift » ou certains morceaux de « Deadbeat » puis d’amples nappes de synthés ouvrent le morceau sur un horizon mystérieux de landes sans fin, de terres abandonnées et désolées. Simple regret, les voix ou spoken words du début qui, à mon sens, gâche quelque peu le morceau, comme c’est souvent le cas dans l’œuvre de Coph Nia. Mais c’est un jugement personnel.
« My Diamond in the Rough » commence par une superbe boucle de sons oniriques et hypnotiques, dégageant une terrible impression de rêve, de douce tristesse, accrue par de lointaines sonorités industrielles, des distorsions oniriques de sons…
« The Bitter Potion » recommence hélas par des samples de voix qui, une fois de plus, me semblent gâcher la charge émotionnelle du morceau. Les nappes de synthés, les craquements et souffles industriels qui égarent l’esprit en un au-delà brumeux et mystérieux auraient largement suffit. Mais heureusement ils ne durent pas. Retour aussi ici de quelques arpèges discrets d’instruments anciens qui renforcent l’onirisme du titre.
Beaucoup plus industriel et grinçant, fait de boucles fantomatiques, de voix spectrales, de tourbillons imprécis et venteux de sons, « Silence will stop our Hearts » et une agréable parenthèse, un plaisant retour à l’album « Drift ». Beaucoup plus sombre que les autres titres de l’album, il n’en reste pas moins l’un des plus forts aussi.
Plus automnal et méditative, « Lifeline » est une lente ballade au piano sur un arrière-fond de sonorités fluctuantes, d’arpèges électroniques et discrets, d’accords de guitares tout aussi discrets.
« Night Pretenders» est un morceau dark-ambient, succession de mélodies éparses, de sons imbriqués, soutenus ici et là par des samples de voix plus intégrés à la musique que dans les titres précédents. Une critique d’Heathen Harvest nous éclaire sur leurs origines :
At the moment of death we will not be judged according to the number of good deeds we have done or by the diplomas we have received in our lifetime. We will be judged according to the love we have put into our work.” (Mother Theresa), et plus loin : “Man is made or unmade by himself; in the armory of thought he forges the weapons by which he destroys himself; he also fashions the tools with which he builds for himself heavenly mansions of joy and strength and peace.” (tiré de “As A Man Thinketh” de James Allen).
Plus acoustique et ambient, « I Tell the Ancient Tale » poursuit avec d’autres citations de James Allen, qui, une fois de plus, rejettent quelque peu la beauté de la musique au second plan. (“Man is the master of thought, the moulder of character, and the maker and shaper of condition, environment, and destiny. As a being of power, intelligence, and love, and the lord of his own thoughts, man holds the key to every situation, and contains within himself that transforming and regenerative agency by which he may make himself what he wills.”)
Tout se termine avec le très réussi « Untitled », mélangeant boucles oniriques de claviers, mélodies de piano, accords de guitare et rythme sourd.




YEARS LEND A GOLDEN CHARM


















1- Initium
2- Hostia
3- Corpus Delicti
4- Nimbus Incunabula
5- Inter Caro Et Cinis
6- Dies Mortis - Dies Natalis
7- Untitled II
8- The Garden Of Virtues Pt II
9- The Garden Of Virtues Pt III
10- The Laying On Of Hands
11- The Second Skin
12- Perish Unveiled
13- A Pace Away; The Core Of Hell
14- Memorial Ground

Voici donc, avec « Years Lend a Golden Charm », l’occasion de découvrir les débuts de DESIDERII MARGINIS avant la sortie de « Songs Over Ruins ». Évidemment, ces premières œuvres, assez inégales il faut bien l’admettre, n’atteignent que rarement la beauté, l’esthétique sonore des albums qui suivront, mais – et même si cela peut sembler convenu – demeurent un agréable témoignage de l’œuvre de Johan Levin.
Après deux premiers titres ambiants et rythmés qui nous permettent de découvrir une facette assez inhabituelle de DESIDERII MARGINIS, même si ces derniers ne décollent jamais vraiment, le troisième titre « Corpus Delicti » est déjà plus intéressant, une réelle atmosphère se dégage de ce morceau, même si, une fois de plus, on n’atteint pas la puissance évocatrice des derniers albums, son rythme, ses samples et ses mélodies fonctionnent.
Après un titre plus anodin, « Nimbus Incunabula », on trouve le fascinant « Inter Caro Et Cinis », rituel, hypnotique et magique, qui révèle déjà toute une part de l’œuvre de DESIDERII MARGINIS. Et on se dit qu’avec ce simple titre, l’achat du CD est déjà justifié ! Proche dans l’esprit de certains morceaux des albums « DEADBEAT » ou « STRIFE », mais on songe aussi à HERBST9, avec des albums tels que « The Gods Are Small Birds But I Am The Falcon » ou « Buried Under Time and Sand ». Il y a aussi quelque chose du meilleur de RUKKANOR, notamment avec l’album « DEORA », mais en moins ethnique,  avec ces mélanges de rythmes, de synthés, d’électronique, de samples et d’instruments anciens.
Beaucoup moins réussi, mais subissant toujours les mêmes influences : « Dies Mortis - Dies Natalis » et l’inédit mais relativement quelconque « Untitled II ». Il faut attendre les deux versions de « The Garden Of Virtues » pour avoir des morceaux plus intéressants, proches, une fois de plus de RUKKANOR, spirituellement parlant, puisque les titres de cet album sont bien entendu largement antérieurs à ceux de ce dernier.  Mais aussi du fameux SILK ROAD, en collaboration avec COLD FUSION.
« The Laying On Of Hands » est plus électronique, plus sombre aussi, et rappelle, avec ses samples de voix religieuses, les débuts de DESIDERII MARGINIS avec « Songs over Ruins ». On regrettera simplement la mélodie de synthé, intervenant ici et là, et qui, à mon sens, ne s’harmonise pas parfaitement avec l’atmosphère du morceau.
Curieux morceau de dark-wave, pas désagréable, et comme on en trouvait pas mal à une certaine époque, avec « The Second Skin », qui fait penser à Engelstaub ou Endraum, mais en bien meilleur. On songe aussi aux débuts de l’excellent LAND, avec les morceaux présents sur la compilation « 1988-1997 ». Mais aussi aux premières œuvres de LETŪM proposées, un temps, sur le site de son auteur.
Après l’anodin « Perish Unveiled », le calme et ambiant « A Pace Away; The Core Of Hell », agrémenté de quelques percussions en contrepoint, on termine l’album sur le rythme lent et solennel de « Memorial Ground ».
Evidemment, le but de cet album est de faire découvrir les premières œuvres de DESIDERII MARGINIS et ne s’adresse réellement qu’aux fans de l’œuvre de Johan Levin, pour les autres, il semble plus adapter de commencer par des albums tels que SEVEN SORROWS ou THAT WHICH IS TRAGIC AND TIMELESS, tout simplement superbes.


PROCESSION
Cyclic Law, 2012




















1- Come Ruin And Rapture
2- Land Of Strangers
3- Her Name Is Poverty
4- Silent Messenger
5- In Brightness
6- Here's To The Future (And The Harsh Frontier)
7- Adrift
8- Procession


THAW
Zoharum, CD, 2014




















1- Chaos Undivided
2- Latency 
3- Animation 
4- Muffled 
5- Forlorn 
6- Compression 
7- Untitled  
8- Dead Men's Choir
9- Deadbeat I Remix
10- Equinoxe 
11- Equinoxe II 
12- The Sleep Of Reason Produces Monsters    
 


LITHIVM

AU SEUIL DE LA FOLIE…

Torturée, dérangée, sentant la rouille et la maladie mentale, l’œuvre de LITHIVM est un superbe témoignage sur la noirceur de l’âme humaine, quintessence de ce que l’écurie Cold Meat, quant elle ne s’égare pas trop, parvient à enfanter des profondeurs de ces aciéries infernales…

THRESHOLD TO DISHARMONY
(Cold Meat Industry) 2003



1- Threshold to Disharmony
2- Distortion Cell
3- Last Sleep
4- The Entropy Within
5- Monstrum
6- Disturbed Asylum
7- The Dormant Urge
8- City of Machines – Segment I
9- City of Machines – Segment II



Projet parallèle de Gustaf Hildebrand, LITHIVM s’éloigne ici des ambiances cosmiques des deux albums sortis chez l’excellent label Cyclic Law.
Ce CD s’inscrit parfaitement dans la droite lignée des productions Cold Meat de l’époque : drones grondants, machineries rouillées, nappes glaciales et ténébreuses. On pense parfois à Letvm, Atrium Carceri, parfois Leak ou même Raison d’Être. Mais on se rapproche aussi par moments de Brighter Death Now et de certains passages de Megaptera.
Apparemment éphémère, ce projet nous offre un véritable album de dark-ambient grinçant, froid et désespéré, pour les puristes…
Tout commence avec le très beau « Threshold to Disharmony » quelques notes étirées de synthé, tristes, fatalistes, n’annonçant rien de bon, comme la voix désenchanté qui suit. Puis les grondements sourds, les échos distordus, les notes tourbillonnantes envahissent l’espace formant des couches successives de sons qui donnent l’impression d’entrer en un lieu maléfique, chargé de haine, où des vies ont été brisées, où se sont déroulés des drames sordides. Un endroit insane que renforcent les grincements de métal, les gémissements de tôles, le tout perdu dans un fouillis dérangeant de sons.
« Distortion Cell » poursuit cette exploration pour le moins névrosée. Tourbillons de sons, de souffles, de grincements, de notes angoissantes qui se succèdent, s’étirent, se recouvrent en un Pandémonium mauvais qui confine à la folie. Nous voici donc en quelque usine désaffectée, en quelque asile oublié, quelque hôpital livré aux rats, à l’obscurité et aux fantômes qui remontent, geignant, d’un passé torturé et douloureux. Car c’est bien de la folie, du mal, de la douleur, dont il est ici question.
Commençant par des notes graves et lugubres, par des drones souterrains qui servent de trame au morceau, rapidement rejoint par des martèlements de machineries, et toujours ce flou sonore riche et envoûtant qui plonge l’œuvre au cœur de quelque cauchemar récurrent, « Last Sleep » est tout aussi réussi que les précédents titres.
« The Entropy Within » ne laisse aucun espoir sur l’avenir de l’humanité, de cette humanité sombre, tourmentée, haineuse, dont il est ici question. Drones lourds et menaçants, échos fiévreux, voix émergeant d’une noirceur dont aucune lumière ne semble jamais devoir sourdre… le voyage au bout de nos propres ténèbres se poursuit inéluctablement…
Vient ensuite le maladif et dérangeant « Monstrum ». Tôles distordues comme on en rencontre chez Where, et auxquelles font échos des hurlements de femmes, des bourdonnements incessants, distorsions, venus d’on ne sait où. Glacial et terrifiant.
Tout aussi malade et décalé, « Disturbed Asylum » qui porte bien son nom. Les mêmes grondements, geignements de tôles, cris, au-dessus desquels une mélodie désarticulé issue du spectacle d’un cirque dépravé et dont les membres, les clients, semblent bons pour l’internement…
Retournant de prime abord à un dark-ambient/industrial plus introspectif, « The Dormant Urge » redevient rapidement agité de spasmes, de ses tourbillons sonores habituels ; tout aussi noir que les autres morceaux, on trouve derrière ses drones rituels tout une série de souffles, de grondements indéterminés, de vibrations mauvaises.
Mélodies glaciales, souffles menaçants, rythmes grondants et chtoniens, « City of Machines – Segment I » révèle une nouvelle facette de LITHIVM, un dark-ambient organisé, qui n’est plus ce souffle hanté et tourmenté des autres morceaux, mais une lourde et ténébreuse machinerie régulière et terrifiante.
Tout aussi superbe « City of Machines – Segment II » et dans le même style, basses lugubres, bourdonnantes, qui tournent en boucle, échos rythmés de sons industriels, et gémissements de métal qui s’enchaînent en un espace rituel et trouble. Excellent…
Même si elle reprend l’essentiel des poncifs du genre, l’œuvre de LITHIVM réussie à les transcender, à former un œuvre noire et torturée comme on aimerait en entendre plus souvent.
Même étouffement, même claustrophobie que dans le premier CD d'Atrium Carceri. Cette impression d’enfermement, de prostration, au milieu d’un univers de machineries rouillées, d’usines désaffectées, qui persiste jusqu’à la fin de l’album.
Indispensable…

WHERE

… E TU VIVRAI NEL TERRORE !...

Fervent adepte d’un dark-ambient extrême, sans concession, Zairo, qui officie aussi avec Massimo Magrini de Bad Sector, sur le non moins extrême et claustrophobique Olhon, nous convie à chacun de ses (trop) rares albums à une véritable plongée dans un univers d’une noirceur cauchemardesque.

THE CREATURES OF THE WIND
(Eibon Records) 1999


1- Boreas
2- Conoscenze Oscure
3- Sa’rka’ny
4- Creature del Vento
5- Cialarere
6- Streghe del Vento
7- Arpie
8- Sacro Terrore



« The Creatures of the Wind » est un hommage à toutes les divinités sombres et fatales du vent, toutes les créatures qui glissent d’un monde à l’autre sur ses ailes spectrales.
Tout commence par des drones venteux, grinçants, puis des gémissements de tôles distendues, d’épouvantables grincements de ferrailles tordues, des claquements, le tout perdu dans les tourbillonnements d’un vent venu de quelque gouffre sans retour… Voici le long « Boreas » qui commence. Les grincements restent toujours là, ressemblant parfois aux gémissements de quelque violon infernal ; le tout à la limite - atteignant le seuil de la disharmonie cher à Lithivm. Le dark-ambient gémissant, expérimental, de WHERE est né.
C’est l’évocation de quelque au-delà sans espoir, tourmenté, où ne règne que la douleur et les cris sans espoir des damnés. Et même si ce premier morceau semble parfois un peu trop long, moins envoutant que d’autres titres plus aboutis, il n’en reste pas moins une superbe introduction à l’œuvre unique de WHERE.
Vient ensuite le superbe « Conoscenze Oscure ». Même sonorités que dans le précédent titre auxquelles s’ajoutent des drones grondants, des crépitements lointains qui se perdent dans les spires du vent, les mêmes gémissements de ferrailles malmenées, mais ici les sons se fondent les uns dans les autres, de façon plus harmonieuse.
Toujours sans concession, expression d’abîmes lointains, de terres obscures vouées aux démons du vent « Sa’rka’ny » est une symphonie entêtante, sinistre, ininterrompue de grincements et de gémissements qui s’enchaînent ici en quelques bacchanales démoniaques. On se prend à repenser à l’enfer de Bosch, aux lointaines silhouettes de tours, de villes, de machineries incongrues en flammes, avec les démons, les damnés souffrant dans la solitude glacée d’une multitude de scènes. En voici la bande son gémissante et noire…
« Creature del Vento » est plus « discret », jouant davantage avec les drones lointains, les grondements sourds, les grincements insidieux qui tissent une atmosphère tout aussi noire et apocalyptique.
Hanté, spectral, mais tout aussi douloureux, « Cialarere » assure avec brio la suite de cet album. Bourdonnements, échos indéfinissables, souffles persistants, qui ne lasse pas de rappeler le plus abyssale de l’œuvre d’Olhon. Des saturations remontent jusqu’à nous, vibrant comme quelques mélodies outre-tombales, les grincements de métal sont plus rares, assourdies, noyés dans l’espace sonore occupé, fait de couches superposées de sons.
Tout aussi réussi, « Streghe del Vento » continue d’égarer nos sens dans ce maelström tournoyant. Toujours aussi inquiétant, cauchemardesque, mais ici la terreur est plus intime, moins explicite. Ce sont les gémissements intérieurs de l’âme que l’on entend. Idem pour le très court « Arpie ».
Et l’album se termine en beauté avec « Sacro Terrore » qui porte bien son nom. Enfin quelques notes lugubres, profondément sinistres, émergent de sonorités sournoises et « doucement » gémissantes. Beau comme un cauchemar…

WERERAT
(Eibon Records) 2006


1- They are Coming to Catch us
2- Chased and Hunted Down by Rats
3- Rat’s Bite
4- They are Everywhere
5- In the Eyes of a Rat




Retour au cauchemar avec ce nouvel album dédié aux rats, ou plus exactement aux wererats, jeu de mot avec le loup-garou de werewolf et les rats…
Ce n’est pas l’animal en lui-même qui est jugé ici répugnant, nuisible, etc… puisque l’on se rend bien compte aujourd’hui qu’il n’est pas de plus grand nuisible que l’homme lui-même… qui a force de tout détruire, de tout modifier, de vivre dans un environnement qui n’a plus rien de naturel, se modifie lui aussi lentement. Mais aura-t-il la capacité d’adaptation des rats ?
Le problème vient de ce que l’homme fait des rats, qui grandissent dans ses déchets, dans ses saletés, ses résidus industriels toxiques et aux effets inconnus sur l’homme comme sur l’animal lui-même. Ceux qui croissent dans le labyrinthe de ces cités et qui, comme les bactéries, les virus de nos organismes, deviennent chaque jour un peu plus résistant… C’est de cette nouvelle espèce de rat qui voit lentement le jour dont il est ici question…
Demain les wererats !...
Pure album de field recordings puisque tout les sons de cet album proviennent de lieux infestés par les rats : entrepôts, passages souterrains, fosses, puits, etc. Et on commence l’exploration de sous-monde infesté par « They are Coming to Catch us »… Mélange de sons inquiétants en arrière-fond, de remuements, de sifflements de vents, de bruits indéfinissables qui mettent tout de suite dans l’ambiance, et avec un tel titre, autant dire que cette ambiance est trouble, insane, dérangeante et toujours aussi cauchemardesque. Et quand les hurlements mauvais, rauque, de quelque animal sans pitié retentissent, lents, gémissants, sinistres et sans espoirs… on sait que ces choses sont après nous, qu’il n’y aura pas d’issue…
La même ambiance s’installe très rapidement avec « Chased and Hunted Down by Rats » et ses échos sourds, ses roulements lointains, ses clapotis d’eau insalubres. Les couloirs, les souterrains, s’étirent devant nous, sombres, voués à une perpétuelle grisaille, et plus on avance, plus on s’enfonce dans leur domaine.
Court hurlement de rats pour « Rat’s Bite » avant deux long morceaux. Le premier « They are Everywhere » est composé d’un long drone venteux, aux bruits sourds et imprécis, évoquant quelque canalisation souterraine, l’écho distant d’une ville devenu inquiétant car passé au travers du miroir déformant de tout cet univers obscur et délétère. Là où beaucoup se cassent les dents, WHERE tient la route, on a l’impression de cheminer au cœur de ce sous-monde infesté et grondant.
« In the Eyes of a Rat » est conçu sur le même principe, long drone venteux, agité de bruits fugaces, de vibrations régulières, qui nous plongent dans un cauchemar sans fin. Sinistre comme un soir de tempête passé dans le sous-sol infesté d’une grande ville.
Wererat est donc un véritable album conceptuel, puisque, au regard des quelques explications que nous offre le livret, Zairo semble avoir poussé ses recherches jusqu’à vivre dans les lieux désolées, le sous-monde obscure où vivent les rats :

..." A life among shadows, obscurity, greyness and darkness : somewhere between crepuscule and nightfall, far from the light, the penetrating sun and the flashing rays of sunlight."

Quel sera le prochain cauchemar?


"This recording is dedicated to all the animals hated by humanity"

KRAKEN

......THE KRAKEN IS COMING......



Abyssale, torturée ou hypnotique, l’œuvre de KRAKEN est multiforme, tentaculaire, et semble évoluer d’album en album, insaisissable, mais toujours aussi noire, noire comme les abîmes dont elle est issue…


AQUANAUT
(Spectre – Nautilus) 1999 LP


At Dawn Nobody Knows Where He Will Sleep That Night
A1 Liquid Enchantress / Lured Underneath
A2 Demagogic Journey
A3 Point of Submersion / Maelstrom

He Who Gazed Into The Abyss For Too Long...
B1 Profound Aquatic Stasis
B2 Descending Into The Abyss
B3 Cerebral Core Of The Octopus / Hypnotic Preassure



Lourd, minimaliste et menaçant… « Aquanaut » n’est pas à mettre entre toutes les oreilles.
« Liquid Enchantress / Lured Underneath » débute cette étrange plongée dans les abysses où règne le KRAKEN. Sans doute le meilleur titre de l’album, le plus insidieux, hypnotique et abyssal, celui qui traduit avec évidence une sourde menace, une présence obscure que l’on ne voit pas mais que l’on sent, toute proche, de l’autre côté de la coque, où dans les eaux noires derrière le hublot d’un submersible. Drones évanescents, comme le sifflement lointain d’une machinerie, comme un son remonté d’une profondeur incommensurable, auxquels s’ajoutent des échos sourds, des remontées imprécises de chœurs, et surtout une voix de femme qui murmure quelques mots et confère au morceau une aura sensuelle et vénéneuse.
« Demagogic Journey » enchaîne avec toujours les mêmes boucles entêtantes, rituelles et hypnotiques, ici des sons de cloches déformés par la pression, des larsens, des drones toujours aussi sournois.
« Point of Submersion / Maelstrom » termine la face A intitulée : At Dawn Nobody Knows Where He Will Sleep That Night. Toujours aussi minimaliste et inquiétant.


La face B (He Who Gazed Into The Abyss For Too Long...) commence par « Profound Aquatic Stasis », encore plus sournois et minimaliste : quelques stridulations, quelques remontées de bulles grondantes…
Vient ensuite le grondant « Descending Into The Abyss » sonars irritants, bourdonnements, drones abyssaux… On peut se demander si cette descente est volontaire ou si, au contraire, nous n’aurions pas plutôt perdu le contrôle du submersible, si nous ne sommes pas dans un navire en train de sombrer ?
La face se termine par le plus fantomatique « Cerebral Core Of The Octopus / Hypnotic Preassure ».
Un premier essai envoûtant dont on regrette malgré tout qu’il ne soit pas moins minimaliste, que des sons étouffants, d’autres samples viennent s’ajouter ici et là à chaque descente, ou, à tout le moins, que les morceaux n’aient pas tous la puissance évocatrice de « Liquid Enchantress / Lured Underneath ».


FÖRLISA
(Spectre – Nautilus) 2003 CD





1- Förlisa
2- Tuerie à la Port de Blankenberghe
3- La Cabine Noire
4- Le Buccin Perdu et la Néréide
5- La Petite Histoire de la Cuisinière Rasée et le Capitaine Barbu
6- The Seamen’s Club
7- Le Secret du Matelot R. Vego
8- The Chant for the Kraken

Beaucoup plus cauchemardesque et violent que le premier LP, « Förlisa » descend d’un pallier encore dans la noirceur et l’étouffement…
Tout commence avec le titre éponyme : « Förlisa » et ces drones tourbillonnants, ces grincements mauvais, ces voix plaintives et gémissantes de femmes allant jusqu’aux hurlements, le tout aux confins du death ambient et de l’industriel cauchemardesque.
Le supplice continue de plus belle avec « Tuerie à la Port de Blankenberghe » : multiples samples de voix, hurlements, au-dessus desquels on retrouve les structures hypnotiques d’« Aquanaut ». Mais tout reste toujours dans le cauchemar, le bourdonnement sonore, les stridulations, sans que l’on soit pour autant dans un pure album de noise, car il y a une certaine structure, une harmonie dans toute cette noirceur, toute cette haine.
Plus apaisé, « La Cabine Noire » n’en est pas moins aussi sinistre. Plus proche d’ailleurs d’une séquelle du premier LP, le morceau renoue avec le minimalisme des débuts.
« Le Buccin Perdu et la Néréide » reste dans le même esprit, avec un côté fantomatique, mystérieux, en plus.
Et avec « La Petite Histoire de la Cuisinière Rasée et le Capitaine Barbu » on entre au cœur de l’album, là où se cachent les plus belles pièces de ténèbres. Ce titre est un véritable morceau de dark ambient : arpèges ondoyants, drones grondants au fond de quelque abîme et dont on ne perçoit que le bruit lointain, nappes de sons monotones et sournoises exerçant leurs pressions sur la coque d’un navire, voix douloureuses… Quelle est donc l’histoire sordide de ce capitaine et de cette cuisinière ?
Tout aussi fascinant, « The Seamen’s Club » et son drone terrifiant, qui envahit l’espace, noir et infernal, se suffisant presque à lui-même jusqu’à l’arrivée de distorsions, de bruits épars et marquant le retour d’une certaine tourmente.
Autre cauchemar : « Le Secret du Matelot R. Vego » : drones vibrants, chœurs noirs, nappes de sons qui se décalent lentement d’une ou deux notes, voix déformées ou douloureuses. Quelque soit cette histoire, elle ne semble pas non plus très optimiste.
« The Chant for the Kraken » reprend certains chants tribaux mêlés de clapotis, de flutes, de bourdonnements et autres bruits indéfinissables.

AMORE
(Spectre) 2005 2CD




CD1
1- Kamer 354
2- In De Regen Gaat Het Ook
3- Veraad Van Rijovego
4- In De Diepte Is Alles Goed
5- Drie Wegen Naar De Dood
6- Alles Wordt Wit
7- De Hoorn In Je Hoofd

CD2
1- Untitled I
2- Untitled II

Différents des deux premiers albums et surtout du terrible et abyssal « Förlisa », « Amore » n’a d’amour que le nom, car ici les sentiments n’ont pas leur place. L’amour en question étant réduit à l’acte sexuel, au sida, et à la prostitution, voire même au film pornographique… Voici donc les nouveaux abîmes que KRAKEN souhaitent explorer (pas de mauvais jeu de mot ici) : la froideur, l’inhumanité, la détresse des rapports humains, même - et surtout - quant il s’agit d’amour.
Assez proche l’un de l’autre, « Kamer 354» et « Veraad Van Rijovego » propose une sorte d’ambient sombre, mêlée d’influences orientales, de field recordings venu tout droit de quelques villes lointaines et fourmillantes. Plutôt réussis mais décidemment bien loin de la noire terreur de « Förlisa ».
« In De Regen Gaat Het Ook » est une longue pièce plus inquiétante, notes se succédant avec froideur, bruits à demi estompés, voix fugitives, encore une fois, il n’y a pas ici d’amour… Tout est froid et glacial ; on a plus l’impression d’explorer une maison abandonnée, un soir de pluie et de désespoir, dans quelque banlieue déprimante… Si l’amour n’est pas qu’une illusion de plus parmi toutes les croyances hypocrites des hommes : religions, philosophies, science… ce n’est pas ici que nous en aurons la preuve !
Le quatrième morceau, « In De Diepte Is Alles Goed » reste dans cet esprit, mélodies profondes, gémissantes, semblant venir d’une cave, cris éloignés, presque inaudibles. Et toujours, au début ou à la fin des morceaux, ces dialogues en français sur la prostitution, le quotidien sordide, scabreux, du commerce de la chair.
On continue dans cet esprit avec les boucles hypnotiques (retour aux sources ?) de « Drie Wegen Naar De Dood » et ses rires obscènes et moqueurs, ses gémissements outrés, ses cris de douleurs, qui semblent venir droit d’un film pornographiques. Là aussi, aucun espoir de trouver l’amour, il n’y a que la chair offerte en sacrifice, les corps meurtris et souillés.
Vient ensuite le très hanté et hypnotique « Alles Wordt Wit ». Boucles fantomatiques, voix spectrales, samples habités…Un très beau morceau, rappelant quelque peu le superbe « Liquid Enchantress / Lured Underneath » d’ »Aquanaut ». Style que l’on retrouvera aussi par la suite, dans les albums suivants, et avec le plus grand plaisir !
« De Hoorn In Je Hoofd » poursuit dans ce dark ambient plus sournois, foisonnant de sonorités mystérieuses, de voix outre-tombales, d’échos et de rythmes feutrés. Riches et fascinants, ces deux titres révèlent tous les talents de KRAKEN pour créer des atmosphères troubles.
Le second CD propose deux morceaux sans titres, le premier de plus de 70 min.
Ambient épurée, minimaliste, mais dans un sens différent d’«Aquanaut » dont les boucles mesmérisaient l’espace de chaque morceau. Loin d’être aussi personnel que le premier CD, ce titre rappelle bien trop de morceaux ambient et interminables du même genre pour attirer vraiment l’intention (Caul avec Hidden ; Endvra avec The Watcher, Dense Vision Shrine, Troum entre autres…).
Alors que dire de ce nouveau CD ? De cette réorientation ? Et bien il ne s’agit pas réellement de réorientation : KRAKEN poursuit son exploration de tous les abîmes de l’existence ; sa musique est différente à chaque album et pourtant si proche. La première réaction peut être la déception après la noire fureur de « Förlisa » mais cela passe vite, tant certains morceaux sont fouillés, prenants, et toujours aussi hypnotiques.

CHAGRIN
(Spectre) 2006 CD


1- Drijvende Honden
2- Je Zus En Het Verkeerde Been
3- Valstrik In De Muur
4- Vrees Voor Vlees
5- Rouw Voor De Veerman
6- Splinterwoord
7- Het Gevaar Van De Starre Gedachte
8- Good Voor De Veerman
9- Elisa
10- Tor Aan Het Plafond En In De Wolken

Plus expérimental sans doute que les albums précédents, « Chagrin » semble être une sorte d’écho déformé, plus avant-gardiste, d’« Amore ». Sans doute moins marquant aussi, mais dont une part de l’étrangeté, de la noirceur, apparait encore ici et là. De plus en plus évidentes à chaque écoute.
On perçoit dans le premier titre quelque chose de la sombreur, de la violence de certains passages de « Förlisa » : chœurs maléfiques, déluge angoissant de sons, discours émergeant parfois en arrière-fond.
Avec le second morceau se profile une sorte d’ambient expérimentale, chargée de fréquences, de stridulations ; puis soudain c’est l’explosion, on tombe dans les boucles rythmées et industrielles de Stratvm Terror ou de Bocksholm.
Avec « Valstrik In De Muur » on retrouve une part des ambiances orientales, du field recordings d’«Amore », puis la musique émerge, boucles noires, et une certaine angoisse s’installe peu à peu, lavée de toutes ces sonorités.
« Vrees Voor Vlees » est un morceau purement expérimental, mélange de fréquences curieusement modulées, de discours, qui peut faire regretter aux fans de la première heure, la noirceur abyssale et suffocante de « Förlisa » ou les boucles hypnotiques d’« Aquanaut ».
On reste dans cette atmosphère avec « Rouw Voor De Veerman ».
« Splinterwoord » est plus fantastique, spectral, en tout cas dès que la musique se dégage de ses voix déformées, des dialogues, qui, il me semble, ne sont pas cette fois nécessaires.
« Het Gevaar Van De Starre Gedachte » gagne en intensité vers la fin dès que ces contours se définissent, que la musique s’affine, et devient véritablement hanté.
« Good Voor De Veerman » est un long morceau ambiant, triste, épuré, rappelant au début le second CD d’«Amore » mais qui décolle peu à peu, distillant au fur et à mesure que les minutes s’égrainent, une sorte de noirceur insidieuse aux sonorités riches mais toujours aussi tristes.
Petite pièce fantomatique avec « Elisa » qui sert de prélude à « Tor Aan Het Plafond En In De Wolken », onirique, planant et mystérieux. Nouvelle facette du tentaculaire KRAKEN.
« Chagrin » est un album contrasté, mêlant l’expérimentation, les harmonies spectrales de certaines de ses œuvres passées, mais aussi la tristesse et l’angoisse. Il faut l’écouter plusieurs fois pour commencer à en saisir toutes les nuances, toute la richesse qui peut ne pas être évidente de prime abord. Bref, après quelques hésitations, encore un très bon KRAKEN

DRIFT
(Spectre) 2007 CD



1- Vechten Met Potvissen
2- De Zoute Avatar
3- Zonder Morgen
4- De Patroondenker
5- 12 Mijl Buiten Westen
6- Baleinen Zijn Geen Paraplu's
7- Tuigbrander
8- Afscheid Van Een Zeemier
9- Stigma Plus
10- SOS Blauwvintonijn
11- Rode Vlekken
12- Sushi Is Moord





Superbe, d’une puissance évocatrice et sombre rarement égalée, « Drift » est un monument d’ambiances troubles et oppressantes, fantastiques et hantées…
Conclusion de la trilogie sortie chez Spectre, et non chez Nautilus, sous-label dédié à l’océan et aux bruits d’eau de façon général, « Drift » apparait d’emblée comme un superbe dernier chapitre, plus abouti encore que les deux volets précédents qui, d’une manière ou d’une autre, malgré leurs qualités relatives, nous poussaient toujours à regretter « Förlisa ».
Depuis « Amore » le style de KRAKEN semble de plus en plus défini.
« Vechten Met Potvissen » est un très bon morceau d’industriel tourmenté, hanté, plein de bruits et de bourdonnements.
« De Zoute Avatar » est un court interlude qui distille une sournoise angoisse, dans la voix de la femme, les craquements et les crachotements qui emplissent le morceau.
Tout aussi réussi, « Zonder Morgen » avec ses nappes spectrales, voix et synthés, ses agitations lointaines, au-dessus desquels une voix (sortie d’une mission spatiale ?) se noie de plus en plus, recouvertes par les harmonies cosmiques et hantées.
Curieux morceau de percussions ou instruments ethnique, rappelant certaines productions d’Alio Die ou de Robert Rich, « De Patroondenker » est une agréable parenthèse, plus apaisée, moins inquiétante que le reste de l’album.
Retour au spectral, à l’angoisse sournoise avec « 12 Mijl Buiten Westen » qui nous replonge presque dans les abîmes hypnotiques d’« Aquanaut » mais avec une plus grande maîtrise des ambiances troubles et pernicieuses. Lent, plein de souffles, de boucles envoûtantes, de nappes brumeuses, de voix éloignées qui sombrent dans le mystère fébrile de l’atmosphère. Très beau.
« Baleinen Zijn Geen Paraplu's » continue dans ces ambiances moites et sinistres qui rappellent décidemment bien les premières plongées de KRAKEN mais avec quelque chose en plus, une force dans la composition, l’élaboration de ses boucles oppressives et noires. Superbe aussi, ce morceau descend encore d’un cran dans l’angoisse, le mystère et la peur qui suintent littéralement de ce titre. Abyssal !
Suit le fantastique « Tuigbrander » : petites notes répétitives, boucles menaçantes, voix et instruments sinistres, l’ambiance est là et ne faiblit jamais, bien au contraire !
Plus sournois, « Afscheid Van Een Zeemier » commence par des drones remontant lourdement de quelques profondeurs inexplorées, grincements arrivant progressivement, chants égarées de sirènes dépressives, quelques paroles obscures ici et là, et nous voilà naviguant sur (sous…) les eaux troubles d’un océan maudit. Envoûtant… mais de l’envoûtement d’une goule maladive qui essaye de séduire sa proie…
« Stigma Plus » reste dans les mêmes eaux troubles, la même moiteur mauvaise, et – faut-il encore le rappeler ? – toujours très réussi, comme le court et fantastique interlude « SOS Blauwvintonijn ».
Il est mille manières différentes d’explorer les abîmes, que ce soient ceux de l’existence, de l’âme humaine ou des profondeurs de l’océan, KRAKEN en est la preuve au travers de chacun de ses albums, mais on pourrait aussi citer le méconnu Olhon. « Rode Vlekken » est une autre de ces descentes éprouvantes pour le corps, pour l’esprit.
Le CD se termine par « Sushi Is Moord » hypnotique, mystérieux, qui semble une version alternative du superbe « Liquid Enchantress / Lured Underneath » présent sur « Aquanaut ».
Véritablement hanté, très différent de « Förlisa » mais tout aussi superbe et noir, « Drift » est un monument de dark-ambient abyssal qui doit absolument figurer dans toute collection digne de ce nom.
A ne surtout pas manquer !

NACHTSCHADE
Spectre 2008



CD
01. N14 6:54
02. A01 4:50
03. C03 14:42
04. H08 6:44
05. T20 2:38
06. S19 5:40
07. C03 6:33
08. H08 5:22
09. A01 4:49
10. D04 8:59
11. E05 2:08
12. ---- 3:31

DVD 13 Chapitres 63:18



CD : NACHT
Parfait mélange d’expérimentations, d’ambiances troubles et agonisantes, de bandes-sons fantastiques et glauques, « Nachtschade » est une œuvre angoissante, noire et fascinante, parvenant à se hisser à un niveau que bien peu parviennent à atteindre. Et comme les grands noms du genre, le mérite de KRAKEN c’est de réussir, d’album en album, à proposer une œuvre cohérente, créative et passionnante.
KRAKEN, au travers de « Nachtschade » renouvelle une fois de plus le dark-amb… la musique dirons-nous. KRAKEN réussit toujours, et avec autant de brio, à utiliser l’arsenal d’outils que l’industrielle, l’expérimentale et le dark-ambient mettent à son service : boucles récurrentes, field-recordings, drones mauvais, pianos naufragés, synthés susurrants, comptines blafardes, voix et messages radios captés d’outre monde, ondes torturées, grincements noisy, bref la liste et longue – et passionnantes.
Le premier titre, « N14 6:54 », est une véritable bande-son de film noir, pianos lointains et mélodies inquiétantes se perdent dans l’obscurité, tachée uniquement par des bruits impossible à identifier, des bribes de sons fantomatiques. Plusieurs noms viennent à l’esprit, Onirot, Atrium Carceri, Raison d’Être ou Fennesz, mais il s’agit encore et toujours de KRAKEN et non d’un vulgaire ersatz de ces derniers, même si leurs univers, par certains angles impossibles, se côtoient volontiers.
« A01 4:50 » débute comme une expérimentation sonore de plus, mais rapidement, de ces tournoiements d’ondes se dégagent une sinistre volonté, un désir de nuire qui traverse l’éther ainsi perturbé pour nous atteindre.
Tout se poursuit avec le sournois « C03 14:42 » : voix lancinantes en arrière-fond, mélodies suspectes au premier plan, et malgré sa longueur, le titre ne lasse pas. Et les boucles endeuillés de « H08 6:44 » prennent possession de l’espace, simple mais efficace, à la manière de l’étrange comptine du morceau suivant « T20 2:38».
Le titre suivant fait penser à quelque étrange morceau de Northaunt, de Vinterriket ou Ildfrost, car on y retrouve les notes éparses de pianos propres à ces formations, ce côté mélancolique et brumeux, présent aussi chez Tor Lundvall.
Beaucoup plus fantomatique en revanche, et certainement l’une des meilleures ambiances aussi du CD, « C03 6:33» est vraiment réussi. Les deux titres suivants s’avèrent tout aussi hanté et efficace, comme « H08 5:22 », présent sur le DVD au chapitre 8, avec ces boucles spectrales d’arpèges.
Moins fort en revanche les titres suivants, comme le plus ethnique et ambiant « D04 8:59 » qui laisse la place au court « E05 2:08 » puis au dernier morceau qui n’atteint pas la puissance des meilleurs moments de l’album.

DVD : SCHADE



Essentiellement dérangeants, hantés et dotés d’une beauté fatidique, les différents titres de ce DVD trouvent sans problème leur place dans la discographie déjà riche de KRAKEN. Et ce, dès le malfaisant et glauque premier titre, illustré par une suite d’images superposées, de fondu enchaîné sans fin de corps, d’yeux, de formes indistinctes ; le second titre est plus ambiant, mais encore hanté et trouble, et prend possession de notre esprit avec ce buste de femme tournant sans cesse sur des superpositions incessantes d’images.
Tout aussi hanté et trouble donc que le CD, ce DVD apporte une nouvelle preuve de la puissance créatrice des deux compères. Et même si certains titres sont repris d’anciens albums, comme « De Patroondenker » tiré de « Drift » (chapitre 4) ou « Cerebral Core of the Octopus - Hypnotic Preassure » remontant à la genèse de l’œuvre de KRAKEN avec l’album « Aquanaut » (chapitre 12), l’ensemble des autres reprises, à différents degrés, sont vraiment originales. Pour exemple « Goud Voor de Veerman », tiré de l’album « Chagrin » en devient presque méconnaissable ainsi combiné à d’autres éléments. Et justement, la puissance de ce DVD, c’est de nous offrir une œuvre originale, même au travers des quelques reprises présentées, car les sons se combinent les uns aux autres, sont retravaillés de façon indéchiffrable et nouvelle. Et en effet, on reconnaîtra pêle-mêle certains éléments tirés de l’ensemble de l’œuvre de KRAKEN. A noter aussi que certains titres du DVD sont déjà présents sur le CD, comme les chapitres 8 (H08 5:22) et 9 (E05 2:08).
Il convient pourtant de faire une mise au point sur les vidéos présentes ici, car si la musique de KRAKEN m’intéresse, je suis en revanche moins fan de ce genre d’expérimentation vidéo, qui, si elles s’intègrent bien à un live, me semblent plus aléatoire sur DVD. C’est d’autant peu de chance pour moi, que présentées – en partie - comme proche de l’œuvre de Lynch, les différentes vidéos en rappellent plus les récentes œuvres que le magnifique et sombre Eraserhead des débuts. Ces dernières œuvres du cinéaste étant plus hermétiques, plus impénétrables, mais, et cela n’engage que moi, il faut bien avouer que le côté abscons d’une œuvre n’est pas forcément gage de qualité du propos.
On remarquera cependant la qualité irréprochable de l’image, la recherche esthétique et visuelle systématique dont on fait preuve les membres de KRAKEN ici, et même si je ne suis manifestement pas la personne la plus passionné par ce genre d’image, certains passages, comme le dérangeant chapitre 7, inquiétant, multiforme, autant par l’image que par le son, ou l’hypnotique chapitre 2, déjà évoqué, allient à merveille images et sons.
Bref, même si l’on reste insensible à certaines de ces explorations visuelles, cela ne gâche en aucun cas la puissance musicale des œuvres présentées ici, et, selon nos propensions esthétiques relatives, en renforce même l’impact.

STROP
Raubbau 2010




















1.   Waar Handen Falen
2.   Muziekje Om Te Kotsen
3 .  Onder Je Wil
4.   Ze Komen Me Halen
5.   Vriend In Een Fles
6.   Morgen Zal Mijn Reet Roesten
7.   Praatjes Van Je Sloerie
8.  Visioen Met De Gedrogeerde Puppy
9.   Afschrift Van De Hopeloze Daad

Étrangement plus calme que d’habitude, mais toujours aussi inquiétant, noir et claustrophobique, le nouvel album de KRAKEN, STROP, est un chapitre de plus dans l’œuvre infernal et obscure des deux compères. Et si l’album peut sembler aussi plus minimaliste, non pas à la manière du LP AQUANAUT, mais davantage dans l’optique de certaines œuvres plus récentes, plus épurées, comme Nachtschade (surtout le DVD), l’angoisse des précédents albums n’en demeure pas moins omniprésente. Pour témoin le premier titre, « Waar Handen Falen », lourd, sinistre, qui ouvre la voie au plus fantastique « Muziekje Om Te Kotsen » avec ces courtes mélodies hantées et décalées.
Avec le troisième titre, KRAKEN renoue avec certains drones mauvais, certaines boucles de sons sinistres, déjà utilisés (avec brio) par le passé et tout aussi efficace ici. L’angoisse va crescendo, répandant sa noirceur visqueuse dans l’esprit de l’auditeur, jetant ses spires glacées au plus profond de sa chair.
Suit le légèrement plus expérimental « Ze Komen Me Halen », qui rappelle certains titres d’AMORE ou de CHAGRIN, tout en continuant de jouer sur les ambiances troubles et glaçantes dont KRAKEN raffole. Field recordings, drones louvoyant sur quelque océan ténébreux, sons déformés et boucles malsaines s’étirent sur plus de douze minutes sans jamais faiblir. Et si, effectivement, quelque chose arrive vers vous – comme le dit le sample de voix – on se demande bien ce que cela peut être ?
« Vriend In Een Fles » fait partie de ces pièces fantastiques et inquiétantes, comme on en trouve dans l’essentiel des albums de KRAKEN, parfait préambule au court et industriel « Morgen Zal Mijn Reet Roesten ».
L’avantage, avec un album de KRAKEN, c’est que l’on a droit à toutes les palettes de l’horreur, en tout cas de l’angoisse, et on s’en rend une fois de plus compte avec le plus ambiant « Praatjes Van Je Sloerie ». Ambiant, oui, mais on reste ici dans le même registre : craquements, chants religieux, samples de voix, drones brumeux, et même si ce morceau demeure l’un des plus faibles de l’album, on ne peut pas dire qu’il respire la joie…
Autre morceau ambiant et fantomatique, « Visioen Met De Gedrogeerde Puppy », sorte de souffle planant et délétère… et une fois de plus, les titres des morceaux semblent à la fois ironiques, mordant et décalés - voire surréalistes ? -, car s’il est bien ici question de chiots, il ne peut s’agir que de spectres errant dans un laboratoire d’expérimentations animales, et soumis, par le despotisme aveugle et destructeur de l’homme, aux pires abominations de la chair et de l’esprit.
Quant au dernier titre, il fait penser à certaines boucles hypnotiques de sons utilisées par TROUM, notamment dans la série des « Tjukurrpa ».
Si STROP n’atteint pas la puissance évocatrice et ténébreuse de FÖRLISA ou de DRIFT, il n’en reste pas moins un album riche, à la noirceur rampante, plein de zones d’ombres et baignant dans une atmosphère étouffante et glauque à souhait. KRAKEN, quoi…