VISIONS OU LA METAPHYSIQUE DU VIDE CELESTE
VISIONS est le projet personnel de Frédéric Arbour (Instincts, Longing For Dawn) grand maître de cérémonie de l’excellent label Cyclic Law, où l’on retrouve des noms aussi prestigieux que Kammarheit, Northaunt, Arcana, Gustaf Hildebrand, Lacus Somniorum, Svartsinn, Karjalan Sissit…et j’en passe… C’est dire si l’œuvre de VISIONS se devait de tenir la route…
Car les différents albums de VISIONS sont autant de sondes lancées à la découverte des espaces infinis, du vide stellaire, de la noirceur sans borne d’un univers où le vide n’est jamais entrecoupé que de rares éclats de lumières, qui s’agitent et meurent dans l’indifférence générale, et où la vie n’est, après tout, elle aussi qu’un épiphénomène sans réelle importance… mais c’est encore une injustice que de dire cela, car l’œuvre de VISIONS est bien plus complexe, elle n’est pas de ces drones sans fin qui s’étirent à longueur d’album, non, elle exprime aussi toute la complexité d’un univers en perpétuelle changement, instable, gigantesque, où l’homme n’est qu’une poussière dans les rouages cosmiques…
1- Abyssal Gaze
2-Auroral Glare
3-Visions
4-Passage
5-Lapsing
6-Devoid Of Shadows
7-Lightless
Le ton est donné dès le premier titre, « Abyssal Gaze » : drones profonds, monastiques, sorte de mantra cosmique et douloureux, mêlés de chœur désincarnés, de tintements mystérieux et d’une foule d’échos, de sonorités fatidiques qui expriment à la fois la noirceur abyssale de l’univers, toute sa beauté terrifiantes, et la solitude sans borne de l’homme perdu au milieu de ces splendeurs glacées.
Et là où chez NEW RISEN THRONE, par exemple, on ne retrouve que la noirceur d’une vie abhorrée, il y a des instants d’une calme – et spectrale - beauté chez VISIONS, pour exemple « Lightless » ou le troisième titre « Visions », à la fois calmes, hantés, spatiaux et dotés d’un lyrisme cosmique ; et même si l’on sent que les ténèbres, le doute, les déceptions ne sont jamais loin, on retrouve toujours ce subtile mélange de noirceur et de lumière propre aux grands noms du genre : RAISON D'ÊTRE, DESIDERII MARGINIS, CAUL...
Témoin de cette ambivalence, l’obscur et inquiétant « Passage », qui offre une vision exceptionnelle des espaces inexplorés et hostiles, de soleils rougeoyants en de multiples nuages gazeux, mais aussi de l’incommensurable finitude et petitesse de l’homme, de la vie.
Les plus mesurés « Auroral Glare» et « Lapsing », n’en demeurent pas moins inquiétants, surtout ce dernier, mêlant sonorités industrielles à un dark ambient spatial et fantomatique que l’on retrouve aussi dans « Devoid Of Shadows ».
Pas de doute, Frédéric Arbour mérite bien son titre de grand maître de Cyclic Law…
Pas de doute, Frédéric Arbour mérite bien son titre de grand maître de Cyclic Law…
CELESTIAL SPHERE
.Angle.Rec. 2006 10”
A- Celestial Sphere
B- Stellar Echo
CELESTIAL SPHERE propose deux longs morceaux fascinants et hantés ; la face A tout d’abord, « Celestial Sphere », qui reprend ce subtile mélange de chœurs, de drones pulsants, de lointains tintements que l’on trouvait dans « Lightless », tiré du précédent album, et qui donnent au titre une fascinante aura de mystère, de beauté, à la fois trouble et éthéré.
Puis la face B, avec « Stellar Echo » qui joue sur le même registre, mais une note plus inquiétante, une sorte de menace sous-jacente dans les spirales de sons qui s’agitent sur les ténèbres tachées de vagues lueurs de ces lointaines galaxies ou VISIONS nous entraine à chaque album…
Limité à 270 exemplaires, ce vinyle sorti chez .Angle.Rec. (à qui on doit - entre autre - un très bon split de Monstrare/Wilt ou des albums d’Aidan Baker) CELESTIAL SPHERE est un album à part entière et mérite vraiment que l’on s’y intéresse.
SUMMONING THE VOID
Cyclic Law 2010
1- Dawning
2- Summoning The Void
3- In The Midst Of Infinity
4- Vortexed
5- Invocation
Nous voilà avec SUMMONING THE VOID, là où LAPSE nous avez abandonné : c’est-à-dire perdu en pleine espace, loin de tout repère, déchiré par l’aveuglante beauté des nébuleuses qui s’étirent à l’infini, par les spires démesurées des galaxies, et ce sentiment de solitude sans borne qui renvoi l’homme, une fois de plus, à sa véritable place dans l’univers : celle d’atome éphémère et insignifiant…
Et dès « Dawning » : souffles cosmiques, tintements, voix gutturales, issus de quelque sombre monastère interstellaire, on sent que le voyage sera encore beau… beau et terrifiant, à la manière de ceux de GUSTAF HILDEBRAND, dont l’espace est l’océan ultime.
Et dès ce premier titre, on sent cette influence lointainement, discrètement, secrètement, asiatique qui transparait ici et là en filigrane de l’œuvre de VISIONS : « Summoning The Void » ou « In The Midst Of Infinity » avec leurs sonorités flûtées, à peine reconnaissables et venues droit d’un monastère tibétain ; mais toujours aussi dans les drones qui ont ce phrasé guttural, ici modifié bien sûr, mais que l’on retrouve dans les chants bouddhiques, de même que les tintements rituels.
Tout cela n’est évidemment pas là pour revendiquer tel ou tel appartenance religieuse, mais pour donner à l’œuvre cette profondeur sacrale, presque mystique, que Frédéric Arbour cherche à conférer à ces ambiances spatiales, ou, plus généralement, à la vision de l’espace qu’il développe au travers de son œuvre.
Et l’on retrouve ces influences dans chaque titre, perdues dans les couches de sons planants, rauques, les souffles intersidéraux, les échos meurtris et les bruits qui apportent à cet œuvre la noirceur, la terrifiante solitude de l’espace, de l’univers, mêlés à la curieuse ambivalence de ces splendeurs démesurées et fascinante.
Chaque titre devient alors un fragile compromis entre ces trois facteurs : les ténèbres ou le néant philosophique de l’espace, la beauté incommensurable de ces phénomènes célestes, et l’infini terrifiant de l’univers, qui dépasse l’entendement humain, et en devient, de fait, presque mystique…
Néant spatial, beauté céleste et infini mystique se partagent alors chaque morceau, créant ces ambiances particulières à VISIONS, où chaque titre laisse percer avec plus de force l’obscurité, la magnificence glacée, où la terreur quasi primitive que l’homme peut ressentir face à ces immensités. On reconnait ainsi la majesté envoûtante de « Invocation », le calme trouble de « Dawning », où la magie douloureuse de « Vortexed ».
Et s’il doit être un seul Dieu, ce sera l’univers : beau, immense, impitoyable, ténébreux, néantique et terrifiant ! Où l’homme n’est rien, et ne doit s’attendre à rien, sinon de contempler, en d’éphémères moments, la marche glorieuse des sphères célestes dont il sera à jamais exempt.
VISIONS live, Paris, Le Klub, 05 septembre 2008
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