CHRONOSTATIC SCENES
dataObscura, 2007, CDr01-Plato's Last Dream
02-A Divine Passage
03-Beyond The White Plainscapes
04-The Tower Of Deception
05- Drift Towards Zero
06-The Subterranean Border
07-Instant Drowning
08-Caught In A Spray Of Time
03-Beyond The White Plainscapes
04-The Tower Of Deception
05- Drift Towards Zero
06-The Subterranean Border
07-Instant Drowning
08-Caught In A Spray Of Time
Tout commence dans un état de semi rêve, un demi-sommeil méditatif, où l’élément liquide – déjà – est omniprésent. Lent, mystérieux, douloureux catalyseur qui par ces remuements, ces égouttures, ces clapotis, éveille la conscience à autre chose, à une autre réalité qui peut, tour à tour dans l’œuvre de Tobias Hornberger, revêtir un caractère onirique ou ténébreux.
Tout commence donc avec une sorte de douceur onirique, forcément, dira-t-on, puisque CHRONOSTATIC SCENES est l’évocation d’une suite de rêves, de rêveries, qu’il faut écouter dans un état évoluant entre le rêve et l’éveil. Douceur en effet, avec les trois premiers titres, ambiants, lents et méditatifs, où l’on sent l’esprit glisser dans le sommeil, quitter les berges grisâtres du quotidien pour celles plus étranges, plus improbables, du rêve. Les sons s’étirent, se fondent dans une aura imprécise, tel A Divine Passage, longue plage de synthés déréalisant, planants, qui s’étirent en une apparente tranquillité, une fallacieuse impression de calme ; car si les sonorités ont quelque chose d’oniriques, on sent malgré tout percer une certaine inquiétude au travers des notes, comme en ces songes où, toujours, on se doute bien qu’il ne faudrait pas grand-chose pour qu’ils s’assombrissent, se parent de couleurs inquiétantes, et – finalement – virent au cauchemar.
Et en effet, si Tobias Hornberger commence ce premier album dans une relative douceur, là n’est pas l’essentiel de son propos, comme le confirmeront les œuvres ultérieures, non, FALSE MIRROR évolue dans un univers gris, hanté, un monde crépusculaire où tout s’étiole, se désagrége, révélant par la même son vrai visage d’obscurité.
Si la littérature fantastique est – en principe – une manière de dépasser les apparences, de traverser les décors pour appréhender la réalité dans toute sa noirceur sous-jacente, le dark-ambient est une transposition abyssale du quotidien, d’une existence dont tous les faux-semblants sont abandonnés derrière soi pour laisser l’individu, le moi, à nu, au sein d’un univers ténébreux, marqué par le sceau du néant.
Et on se rend compte de ce glissement dès The Tower of Deception, dont l’ambiance se noircit, l’eau s’écoule, s’égoutte, formant de temps à autres de curieux remous au sein de cet univers que l’on sent lentement glisser, s’effacer, véritable déesse des abysses subissant l’appel des profondeurs.
On sent que l’eau s’infiltre de partout, eau-delà, eut dit l’écrivain fantastique Marcel Schneider, et il n’y aura pas d’échappatoire…
Mais il est encore une certaine lumière, douce, un lointain reflet d’aquarium au fond d’une pièce obscure, envahie par l’eau, et c’est le cas du beau, du lent et mystérieux Drift Toward Zero, qui a quelque chose du magnifique Drifting in Motion, de NECROPHORUS. Cet éclat improbable, sournois, où l’eau se moire et se perd en reflets indéfinissables.
Inquiétant, cette fois, The Subterrenean Border, notes graves, lentes, échos noyés de voix. Et, forcément, la noirceur se poursuit avec Instant Drowning, plus discret, révélant cet instant où, du dessous, on voit le corps descendre, glisser vers les profondeurs, lentement, ballotté par les flots, apaisé, calme. Noyé.
Le temps d’un dernier titre, Caught in a Spray of Time, plein de bruits de marée, de courants souterrains et la messe est dite. Paix aux âmes des noyés, de ceux qui ont disparus dans les profondeurs instables, glauques, fatidiques, de leurs propres rêves.
NORTH
Thonar Records, 2007, CD01-Drift Ice
02-12 Bft
03-Novaya Zemlya
04-Tracepath
05-Blurred Visions / Kyrill
Avec Drift Ice, NORTH commence en fait là où s’arrête CHRONOSTATIC SCENES, dans un univers pénombreux, mystérieux, plein d’égouttures, de bruits d’eau, auxquels il faut ajouter ici les grincements, les craquements de la glace qui fond, bouge, se déplace comme une gigantesque créature. On reste ici assez proche de l’esprit de CHRONOSTATIC SCENES, mais en une version boréale, gémissante, et plus tumultueuse.
Ce premier titre fait penser au crépusculaire In Poor Visibility, de Tom WHITE ; il restitue toute la solitude, la désolation d’un paysage glacé, balayé par les vents,
NORTH est assez différent de ces deux autres grandes œuvres qui s’attachent à transcrire les mouvements de la glace, de la désolation du nord, avec, d’une part, Endurance d’IREZUMI, album qui se focalise plus sur l’aventure humaine, sorte de saga mystique, transcendantale, et d’autre part, Drifting in Motion de NECROPHORUS, plus axé lui sur les crispations de la glace, ces spasmes imprévisibles que traversent la lumière en des jeux irréels. NORTH lui s’intéresse d’avantage à décrire des paysages désolés, ce sentiment de solitude, d’abandon.
Ici tout s’obscurcit, tout gèle, la glace enserre les âmes, emprisonne l’esprit, et rien ne semble jamais devoir en briser le charme douloureux : 12 BFT. La glace qui fond, l’eau qui s’écoule, la lente déréliction d’un univers noir et sans horizon, où le Nord est la latitude de l’âme, et la noirceur sa longitude.
NORTH est riche en field recordings, pour témoin Novaya Zemlya, dont les remous, les bruits d’égouttures, créent à eux seuls toute une ambiance, moins dépouillé cependant que les œuvres d’HAZARD ou de Tomas KÖNER, car le titre n’est pas soutenu par de longs drones angoissés, par des notes crispées en une éternelle interrogation, mais juste par quelques notes éparses, inquiétantes, qui ne font que le renforcer.
Plus méditatif peut-être, Tracepath, proche aussi peut-être des premiers titres de CHRONOSTATIC SCENES, mais en une version plus mélancolique, pleine de doutes et d’interrogations, et où les bruits, le field recordings, reprennent lentement leurs droits vers la fin. L’eau investit l’espace. Et on se prend ici à songer au roman de l’écrivain français, Marcel Brion, Algues, qui retrace l’engloutissement progressif d’une étrange et somptueuse Venise du Nord.
L’album se termine en beauté avec le très réussi Blurred Visions, morceau qui atteint peu à peu la beauté envoutante de certain morceaux de PETER ANDERSSON. Lente spirale de sons, de voix, qui élève l’âme, la pousse vers d’hypothétiques et inatteignables cimes.
Les dernières minutes du morceau sont consacré à un enregistrement – en fait le morceau caché Kyrill – live de la tempête Kyrill réalisé par Tobias Hornberger lui-même ! Comme si vous y étiez…
LIVE AT KULTURNACHT ULM
dataObscura, MP3 File, 160kbs, 200701-Live At Kulturnacht Ulm, Synästhesiewerkstatt
D’abord doux, onirique et ambiant, LIVE AT KULTURNACHT ULM débute dans un mélange de calme, de longues plages de synthés atonales, mélancoliques, et belles. Jamais lassant, dans cet exercice pourtant difficile, Tobias Hornberger parvient à maintenir une certaine tension, une impression de crépuscule hivernal qui perdure le premier quart d’heure. On songe parfois ici au PETER ANDERSSON de Music for Film and Exhibition, premier opus, notamment les titres crées pour le film avorté, Tulpa.
Puis la nuit tombe, les eaux grondent quelque part, et les ambiances deviennent de plus en plus sombres, industrielles, et on sait – avec la certitude des condamnés – qu’il sera de plus en plus difficile de sortir la tête de l’eau. Tout devient grondements, souffles, notes esseulées, tristesse et abandon dans cet océan sans espoirs. Et même lorsque les sons se délitent, se font plus ténues, cette terrible impression de noirceur demeure.
Et si lumière il y a, mais une lueur indécise, fluctuante, entre deux eaux, elle renaît dans les derniers instants du live.
Passé les premières minutes, LIVE AT KULTURNACHT s’avère beaucoup plus sombre que le LIVE AT PHOBOS, réalisé deux années plus tard, et dont il n’est finalement pas qu’une pâle copie, révélant ainsi que chaque concert de FALSE MIRROR est unique, différent, et complémentaire.
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LIVE AT PHOBOS 2009
Not on Label, Flac File, 200901-Live At Phobos 2009
Jolie live de 44 minutes enregistré à Wuppertal, en 2009, aux côtés d’INADE ou d’HERBST9, LIVE AT PHOBOS 2009 est un titre d’une grande richesse, qui alterne les ambiances, surprend, et ne déçoit jamais.
Après un début onirique, mystérieux, au doux bruissement marin, naissent des échos métalliques, presque rythmés, puis on sent que l’on plonge, que s’amorce une lente descente sous les flots, pleine de remous, de courants secrets. Étonnement, quelques arpèges de guitares viennent ensuite rider la surface de cet océan, puis des rythmes marqués, et l’on découvre une face inconnu de FALSE MIRROR, quelque chose de plus ambiant, plus proche peut-être de ROBERT RICH, VIDNA OBMANA ou du meilleur de RAPOON.
Mais ce n’est qu’une parenthèse, et l’on replonge rapidement sous les flots, la musique reste ambiante, pleine de magie et de mystère… mais elle s’opacifie aussi, se noircit et se brouille en un lavis inquiétant et fantomatique.
Alternant les passage sombres, hantés, avec des séquences plus ambiantes, plus mélodieuses, LIVE AT PHOBOS est une réussite, il permet de découvrir FALSE MIRROR sous un autre jour.
On reconnaîtra bien sûr, ici et là, les ambiances marines, tempétueuses, oniriques ou inquiétantes, qui ont fait la marque de fabrique de Tobias Hornberger.
Ce live est disponible sur le site de FALSE MIRROR : http://www.falsemirror.de/shop
PHELIOS & FALSE MIRROR
ENTROPY REVERSED
Audiophob, MP3 File,200901-Entropy Reversed
02-Entropy Reversed (Mandelbrot Remix)
ENTROPY REVERSED est un morceau de 16 minutes, hanté, trouble, qui rappelle certaines œuvres des débuts de CAUL (Reliquary, par exemple). Le morceau devient plus ambiant, plus lumineux dans sa seconde moitié. Un titre qui semble plus proche de FALSE MIRROR que de PHELIOS, auquel on doit le très réussi Astral Unity, chez Malignant Records. Ou s’il se rapproche de PHELIOS, c’est alors du premier album, plus ambiant, Images and Spheres, mais en une version plus complexe.
Le second titre est un jolie remix de MANDELBROT qui n'enlève rien à la noirceur, à l'étrangeté de l'album.
PHELIOS : http://www.phelios.de/
DERELICT WORLD
Malignant Records, 2010, CD01-The Vent
02-Constant Descent
03-Wasteland
04-Landfall
05-Aftermath
06-Uncertain Shelter
07-A Sunken Dream
08-The Sea Of Oblivion / Untitled
Pur album de dark ambient tour à tour souffreteux, noir, hanté, mais non exempt d’une certaine lumière, d’une richesse d’éclairage qui ajoute à la complexité de l’œuvre, du propos, DERELICT WORLD atteint ce degré de perfection que l’on sentait si proche dans NORTH, notamment dans le dernier titre, Blurred Visions.
On retrouve dans DERELICT WORLD ce même contraste d’ambiances, cette même ambivalence d’atmosphères, ce clair-obscur à la fois délicieux et angoissant qui baigne parfois l’œuvre de projets comme DESIDERII MARGINIS, LETUM ou RAISON D’ÊTRE. Pour témoin, Constant Descent, tout en notes de synthés mêlées de voix désincarnées. Si la descente est terrifiante, il en résulte une certaine beauté dans la chute, un esthétisme douloureux qui s’affirme dans le plus hanté Wasteland.
Les voix sont chœurs désenchantés, les notes tourbillonnent et s’étirent en une lenteur chavirante, tout semble disparaitre, descendre avec nous dans cet abîme sans fond, ce gouffre où la réalité poudroie et le monde se désagrège irrémédiablement.
On retrouve les ambiances lacustres, les égouttements, les clapotis, avec Landfall, tout cet univers de noirceur moite et montante comme une marée de ténèbres. Mais DERELICT WORLD se distingue par ces ambiances troubles, ces moiteurs lugubres, ces évocations de ruines englouties, de souterrains baignés par une lueur incertaine, hésitante, qui donne aux lieux un curieux relief, à la fois inquiétant et fantastique, magique et onirique, tel Aftermath ou Uncertain Shelter, révélant tout un univers d’étrangeté, de désagrégation, d’obscurité mêlée de remous lumineux. On pourrait d’ailleurs aussi citer Sunken Dream, long travelling au milieu d’un paysage engloutis, ambiance fouillée et franchement réussie, et on peut dire que Tobias Hornberger a véritablement trouvé son propre style dans ces évocations sous-marines et tristes, ces remous ambiants autour desquels se cristallisent toute la noirceur du monde, sa lente désagrégation, son pourrissement somptueux et inéluctable.
Et ce n’est pas le magique et gémissant The Sea of Oblivion qui viendra contredire le propos.
Magique oui, car il y a de la magie, une beauté entêtante qui se dégage de ces titres, une beauté renforcée par ce sentiment de fin du monde, d’un univers qui sombre à jamais, auxquels s’ajoute le sentiment de tristesse, de perte, d’errance de l’esprit dans ces profondeurs mystérieuses. En fait, DERELICT WORLD est tout simplement un chef-d’œuvre d’ambiances troubles où le délitement du monde, sa lente chute vers l’abîme, se concrétise dans les profondeurs d’océans sournois et plein de remous, d’où naissent toutes les horreurs mais aussi, une certaine magie, une certaine beauté dans la douleur.
SCYLLA & CHARYBDIS
01-Scylla
02-Charybdis
Scylla est un morceau de field recordings hanté, tempétueux, où les sons industriels se mêlent aux enregistrements de bruits d’eau, aux grincements divers. Un titre en apnée, qui exhale toute la noirceur d’un univers mauvais, et où de discrètes notes de synthés, lointaines, irréels, apportent un semblant de lumière.
Moins de field recordings pour Charybdis, mais le morceau est franchement spectral, l’ambiance est prenante, notamment les trois dernières minutes et on ne se lasse pas de le réécouter.
Il est vrai que Scylla & Charybdis est un thème qui colle parfaitement aux ambiances habituellement traités par FALSE MIRROR. Et puisque l’on parle de thème, il serait fascinant de voir ce que Tobias Hornberger pourrait faire d’une adaptation des œuvres de l’écrivain anglais, William Hope Hodgson, dont les œuvres exhalent tout la noirceur, toute l’étrangeté et les horreurs de l’océan.
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