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Prochains articles :MORTESIUM...INVERCAULD...KAMMARHEIT...
...musiques obscures, funèbres, oniriques et dépressives ...
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DARK, BLACK AND HAUNTED SOUNDSCAPES

DARK, BLACK AND HAUNTED SOUNDSCAPES
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ARCHON SATANI

ARCHON SATANI est le projet de Mikael Stavöstrand et de Tomas Pettersson. Musique industrielle froide, semée de rêves troubles, de processions funèbres et du nihilisme rageur de ses premières œuvres. Le projet évoluera - ou régressera selon les goûts ! - vers une forme de minimalisme industriel de plus en plus marquée, et ce jusqu'au split.
A leur séparation Mikael Stavöstrand poursuivit un temps l'expérience ARCHON SATANI, avant de l'abandonner définitivement pour son projet parallèle  : INANNA, proche musicalement des dernières œuvres d'ARCHON SATANI. Il continue aujourd'hui son chemin sous son propre nom avec une musique électronique somme toute assez classique. Après leur séparation, Tomas Pettersson partit lui fonder ORDO EQUILIBRIO et sa dark folk libidineuse...


VIRGIN BIRTH... (BORN AGAIN)
Functional Organisation, CD, 1993




















1 In the Body ov Christ 
2 Chambers ov Death 
3 Insain with Fear 
4 Hymn ov Despair 
5 Nailed 
6 Breath with Mortality 
7 Sanitorium ov Christ 
8 Witchcraft Holocaust 
9 Ritual Murder 
10 Female Muslim Genital Disposal 
11 You Will Burn

Album de death industrial nauséeux, sentant le souffre, le nihilisme et le désespoir, VIRGIN BIRTH se trouve aux confins d'une industrielle grinçante, sans concession, déjà amorcée par des formation comme BRIGHTER DEATH NOW, MEGAPTERA, EN NIHIL et autres projets de l'époque, et une musiques plus ambiante, mais toujours sombre, entêtante, martelée ici et là de coups sourds, et traversée par des voix qui ne laissent aucune place à l'espoir. Pour témoin les hymnes dépressifs et noirs que sont Insain with fear et surtout le très réussi Hymn ov despair. Boucles de sons mauvaises, éclats de voix, grincements et rythmes lourds qui feront la marque de fabrique des débuts d'ARCHON SATANI. Des titres qui fonctionnent comme des rituels païens, psychotiques et violents, dont on ne sait à quel moment le sang va couler -  mais il coulera, c'est une certitude. 
Certains titres, à la manière de l'excellente compilation de raretés et d'inédits, OF GOSPELS LOST AND FORSAKEN, sont plus ambiants, comme In the body ov Christ et Chambers ov death, mais de façon générale, la rage reste de mise sur cet album. Bien entendu il ne s'agit pas ici de power electronic, on reste assez éloigné des sommets de rage industrielle et martiale qu'atteindront par la suite SOPHIA ou KARJALAN SISSIT, mais là n'est pas le propos. ARCHON SATANI fonctionne sur un autre registre, celui d'un rituel noir et dépressif, dont filtre des sonorités hantées, inquiétantes, comme les très réussis Sanitorium ov Christ et surtout  Witchcraft Holocaust, morceau vénéneux, aux boucles sinistres, qui interviennent comme une ritournelle malsaine, avec des voix déchirées et des rythmes appuyés, qui renforcent le côté incantatoire de ce titre qui rappelle par certains côtés l'excellent AGHAST, voire MEGAPTERA ou le meilleur de MZ.412. Avec Female Muslim Genital Disposal, titre qui aurait aujourd'hui du mal à passer le barrage à sens unique de la censure, on poursuit dans les morceaux rituels et dérangeants qui ont la part belle sur cet album. 
Sombre, noir, plein de gémissements et de sons mauvais, VIRGIN BIRTH fonctionne un peu comme la bande-son d'une cérémonie qui tournerait mal en plein bois, libérant la folie, la haine et le désespoir de ses participants. Réfléchissez-bien avant d'y aller la prochaine fois...


MEMENTO MORI
Dark Vinyl, CD/LP, 1993




















1- Insane With Fear 
2- Ritual Murder
3- Hymn Of Despair
4- Pater Miles
5- Lost Souls Of Eden 
6- Sik 02.sic 02 
    
Enregistré live en 1991, MEMENTO MORI est un album noir, caverneux, qui sent la haine de l'humanité, le désespoir, et sut par tous les pores le refus, la négation d'un monde sans avenir. Cauchemardesque et létal, sans concession, cet album d'abord sorti en cassette, fait parti, au même titre que VIRGIN BIRTH, des œuvres essentielles, évidentes, qui ont fait l'histoire secrète d'une industrielle noire et sulfureuse.
Il y a une spontanéité, une authenticité dans ses titres répétitifs, entêtants, martelant, ces hymnes noirs et mauvais, que l'on ne retrouvera pas par la suite dans les œuvres du duo scandinave. Pour témoin le nihiliste Hymn Of Despair. Et malgré un son live approximatif, mais correct, qui ajoute au contraire à ce côté obscur, cryptique, et authentique de cet album, MEMENTO MORI reste l'une des pièces maîtresses de toute une école industrielle malsaine et viscérale, parfois - souvent - volontairement choquante (...TODAY, I'M DEAD, STRATVM TERROR, ou MEGAPTERA par exemple), naviguant entre satanisme, morbidité extrême, tératologie et psychopathologie, qui ne sont, en définitive, que les différentes manière parfois un peu dur de traduire une réalité souvent sordide, qui, en tout cas, un jour ou l'autre, ne nous fera pas de cadeau. A noter que les trois premiers titres de l'album, déjà présents sur VIRGIN BIRTH, paraissent ici encore plus lugubres, plus underground et sauvages.
CULTE...


BEYOND ALL THEE SICKNESS
A.C. Recordings, LP, 1992




















A1 Heavenly Inoculation
A2 Beyond All Thee Sickness
B1 Reigned Ov Flesh 
B2 Incubus 

Comme le chant lointain d'une messe noire qui filtrerait par quelque soupirail, quelque porte entrebâillée de crypte, BEYOND ALL THEE SICKNESS est un album noir, sulfureux, et sans doute l'un des meilleurs d'ARCHON SATANI. Rien de très démonstratif pourtant, comme toujours d'ailleurs avec le duo scandinave, mais les sons restent suffisamment évocateurs pour fonctionner. Sans doute l'album ou l'atmosphère surnaturelle, maléfique, est la plus forte. Certes, on s'éloigne un peu ici du nihilisme dévastateur de certains titres de BORN AGAIN ou de MEMENTO MORI, mais il se dégage de ces morceaux une aura de noirceur que renforcent les samples de voix hantées ou de pasteur apocalyptique (Anton La Vey à qui fait référence ce vinyle ?), comme sur Heavenly Inoculation par exemple.
Un album lent, rituel, aux titres répétitifs, fait de sonorités flûtées, nauséeuses, et aux martèlements insistants (Beyond All Thee Sickness). Seul Incubus semble légèrement plus faible. 
L'album a été repris dans son intégralité sur la très bonne compilation de raretés et d'inédits sortie chez Cold Meat Industry : OF GOSPELS LOST AND FORSAKEN.


MIND OF FLESH AND BONES
Staalplaat, CD, 1993
Cold Spring, CD, 2006




















1- Mental Shiver Dispersal I
2-Mental Shiver Dispersal II
3-Mental Shiver Dispersal III
4- Mental Shiver Dispersal IV
5- Mental Shiver Dispersal V

MIND OF FLEH AND BONES marque le début d'une seconde époque chez ARCHON SATANI, les hymnes nihilistes, rituels, des débuts laissant ici leur place à des titres à l'industrielle glacée, froide, mais nettement moins marquante que les premières œuvres, et moins sulfureuses que BEYOND ALL THEE SICKNESS. ARCHON SATANI ne parvient pas,  sur cet album et sur les suivants, a créer une ambiance suffisamment intéressante pour ne pas lasser.  
L'album s'articule en deux parties; d'abord les trois premiers morceaux : musique industrielle froide, lugubre, et dépouillée pour Mental Shiver Dispersal II ; boucles répétitives de sons industriels, ponctuées de notes désolées et soutenu par une voix lointaine, pour Mental Shiver Dispersal I et III. Trois titres froids, donc, glacials, mais hélas sans âme, car peu de variations et des boucles industrielles assez ennuyeuses qui ne se démarquent pas de la production de l'époque. Pourtant les martèlements sont là, les voix, les boucles industrielles comme sur les deux premiers albums, mais il manque l'authenticité de ces derniers, la hargne de MEMENTO MORI
Ensuite les deux derniers titres : Mental Shiver Dispersal IV et V qui s'en sortent mieux. D'abord le quatrième volet, lugubre, faits de martèlements, de notes sinistres, sans doute un peu trop long aussi, mais efficace sur le début avec ces chœurs discrets et funèbres, sorte de mantra pour dépressifs épris de catacombes. Le dernier titre, Mental Shiver Dispersal V, semble même plus efficace aussi, malgré une certaine longueur. 
On préférera sans hésiter VIRGIN BIRTH et MEMENTO MORI


IN SHELTER
Dark Vinyl, CD, 1994




















1- Sheltering - Offering
2- Fleshseed
3- Deadbeat
4- Entering An Soul
5- ....In Abhorence 


Toujours aussi minimaliste que MIND OF FLEH AND BONES, IN SHELTER est un album dépouillé, parmi les premiers d'un genre qui devait rapidement atteindre ses limites. IN SHELTER s'écoute à fort volume pour en saisir toutes les nuances mauvaises. Même si, à mon sens, il s'agit plus ici du fond sonore d'un album en devenir, que d'un réel album. Pour que ce style fonctionne vraiment, il faut des boucles de sons envoûtantes, dont on ne se lasse pas au bout de quelques secondes, ou en tout cas un travail plus subtil que celui-ci sur les nuances glauques, les touches hantées, qui génèrent un réelle atmosphère. Comme NORDVARGR arrive parfois à le faire, alors que, ici, on se rapproche plus du minimalisme de NO FESTIVAL OF LIGHT
Placé sous le signe du bondage, de la soumission, etc, IN SHELTER reste malgré tout un album glauque, à l'industriel froide et nauséeuse, avec toujours cette touche mauvaise, presque satanique, qui surnage et apparait au hasard de ses souffles, vibrations et coups sourds (Sheltering - Offering), de ses longues montées stridentes de sons, qui se terminent en notes lugubres, caverneuses, évocatrices de cryptes où se déroulent de biens curieuses cérémonies (Fleshseed). 
Deux morceaux de black ambiant avec Entering An Soul et ....In Abhorence ; deux titres bien dans l'esprit de l'époque, sans réelle originalité une fois de plus, mais plutôt réussis quand même, et fidèle à l'esprit des premières productions signées Cold Meat Industry ou Slaughter Productions qui regorgent, pour ce dernier surtout, de projets et titres semblables. Sur un format plus court, l'ensemble aurait pu rester suffisamment noir, sournois et vénéneux pour garder l'attention de l'auditeur, mais l'album pêche sans doute par la longueur de certains morceaux, comme Deadbeat, et l'ensemble de l'album aurait nettement gagné en puissance, en force, avec quelques minutes de moins (Entering An Soul et surtout Sheltering - Offering par exemple).
Pas le meilleur album d'ARCHON SATANI...





















THE FINAL COMPLETION
Cold Spring, 10", 1997




















A Sanctified Pins Or Nails 
B :Love One Another:

Proche des compositions de BEYOND ALL THEE SICKNESS, les deux titres de ce vinyle 10 pouces restent cependant en deçà de leur modèle. Pas désagréables, ils sont néanmoins trop linéaires, un peu comme s'il ne s'agissait que d'ébauches de morceaux dont on aurait oublié d'ajouter la touche finale, les quelques notes marquantes, les quelques samples qui font toute la différence sur un titre ambiant. Dommage car il ne manquait pas grand-chose à ces deux titres pour sentir le souffre et le malaise comme les premières œuvres d'ARCHON SATANI. En fait THE FINAL COMPLETION se classe entre le minimalisme d'IN SHELTER et la noirceur ambiantes de certains morceaux de VIRGIN BIRTH, sans la richesse des titres de BEYOND ALL THEE SICKNESS que j'évoquais déjà plus haut. 
Pas indispensable donc.


THE RIGHTEOUS WAY TO COMPLETION
Cold Spring, CD, 1997




















A Shiny Day Of Destruction 
Another Great Moment In Paradise
3 I Speak As I Lie
4 Ende

THE RIGHTEOUS WAY TO COMPLETION marque l'apogée du minimalisme d'ARCHON SATANI, un peu à la manière du signal/or/minimal que Mikael Stavöstrand devait sortir avec INANNA à la suite de la séparation des deux compères. Ce minimalisme que l'on sentait venir depuis MIND OF FLEH AND BONES, proche de NO FESTIVAL OF LIGHT encore une fois, et bien entendu, même si l'encéphalogramme - loin de là ! - ne reste pas complétement plat, les morceaux semblent soudainement longs, pour ne pas dire ennuyeux, et les quelques rythmes qui traversent les premiers titre, A Shiny Day Of Destruction ou Another Great Moment In Paradise, laissent plutôt froid, et on en vient très vite à regretter les martèlements de Witchcraft Holocaust parmi d'autres titres. On pourrait même dire qu'ils semblent plaquer sur la musique mais ne s'y intègrent jamais réellement. Et même si les drones, les boucles de sons, pris indépendamment, ne sont pas désagréables, ils ne tiennent pas sur la durée et les quelques rares variations ne parviennent pas à chasser la chape d'ennui qui peut gagner l'auditeur qui n'est pas fan d'un certain minimalisme. Un album qui en tout cas ne parvient pas à se démarquer des nombreuses productions de l'époque. Vraiment dommage comme adieu... Heureusement que Cold Meat a eu l'idée de sortir :


OF GOSPELS LOST AND FORSAKEN
Cold Meat Industry, 2CD, 2002





















CD1 LOST
1 Heavenly Inoculation
2 Beyond All Thee Sickness
3 Reigned Ov Flesh
4 Incubus
5 Voices Of Insanity
6 Grief...Taste Of Death
7 Eternal Suffering This Christian World

CD2 FORSAKEN
1 Session I Untitled
2 Session II Untitled
3 Session III Untitled
4 Session IV Untitled
5 Session V Exceeding Insalubrity
6 Session VI Untitled
7 Session VII Untitled
8 Session VIII Heavenly Inoculation Part II
9 Session IX & X Untitled

La plupart du temps, les compilations n'apportent pas grand-chose à l’œuvre d'un groupe, d'un artiste, sinon, dans le meilleur des cas, un ou deux inédits franchement pas indispensables; ce n'est pas le cas de ce double CD qui, en plus de reprendre l'une des meilleurs œuvres d'ARCHON SATANI, à savoir BEYOND ALL THEE SICKNESS, propose ensuite de nombreux titres rares ou essaimés sur des compilations de diverses qualités, en plus d'un second CD quasiment inédit que l'on peut considérer comme un album à part entière. Voire peut-être l'un des meilleurs d'ARCHON SATANI ! Là où la compilation que Cold Meat avait fait de HEID laissait à désirer (la moitié de deux albums et sans inédits... incompréhensible !), celle-ci reste une réussite. 
Un très bon premier CD donc, puisque après le noir et luciférien BEYOND ALL THEE SICKNESS, les trois autres titres, présents sur différentes compilations, restent dans le même registre : voix de prêtres habités, martèlements lugubres, boucles noires de sons, chants désenchantés et mélodies sinistres. Trois très bon morceaux pour finir ce premier CD. On retiendra la fin douloureuse de Eternal Suffering This Christian World.
Mais le second CD, FORSAKEN, n'est pas particulièrement en reste. Il semble même meilleur. Que des titres inédits, à part Exceeding Insalubrity; et on a d'ailleurs du mal à comprendre que ces titres soient restés un certain nombre d'années dans un tiroir, car ils sont nettement meilleurs que certains albums, comme IN SHELTER ou THE RIGHTEOUS WAY TO COMPLETION par exemple. La messe noire se poursuit donc avec l'excellent Session I Untitled, et durera jusqu’à la fin de ce second CD sans jamais décevoir. 
Indispensable. 

TREHA SEKTORI

SORIEH
Kaosthetik Konspiration, CD, 2009
Cyclic Law, LP, 2012


















01- Entori Kethesnah
02- Tentureh
03- Temneh Oh Sentireh
04- Interseiah Neh
05- Presceth Keonah
06- Solva Entera
07- Senteoreh Kerassiah
08- Reasiah Rehenerah Resoreh


Un flot de sons drossés par quelques vagues sournoises sur le sable noire d'une grève désolée, quelques chœurs perdus qui surgissent ici et là du néant, des voix prêchant la douleur, des martèlements qui se perdent dans la brume, voilà comment on pourrait essayer de s'approcher d'une définition de l’œuvre de TREHA SEKTORI.  
SORIEH fonctionne comme une longue bande-son de 45 minutes,  tout un film intérieur d'images jaunissantes, délavées, mordues par la poussière du temps, et rongées par l'obscurité montante de l'être. Toute cette noirceur, cette houle nocturne qui déferle, irrémédiablement, sur ces images fragiles et les éparpille, les renverse et les entraîne vers l'abîme.
Des arpèges mélancoliques de guitares traverse cette œuvre comme sur Tentureh ou le très beau Temneh Oh Sentireh, morceau envoûtant, sombre et rituel, où l'esprit se surprend à survoler des paysages désolés. Un jolie voyage en effet, digne d'un rêve surréaliste et désespéré, aux paysages abstraits, mais sombres, noires, presque cauchemardesques à certains moments (Temneh Oh Sentireh), et où l'âme se perd en des catacombes hermétiques où la lumière, curieusement, ne parvient jusqu'à nous que du bout d'un couloir, par un soupirail envahi de lierre, en une masse confuse et bilieuse. On notera encore Interseiah Neh et sa jolie mélopée, obsédante, mais l'ensemble des morceaux fonctionne bien et annonce déjà le très beau second album sorti chez Cyclic Law. On reconnait d'ailleurs assez facilement ici certains des sons que l'on retrouvera par la suite, sur ENDESSIAH, ce qui, plutôt qu'une répétition, est plutôt à voir comme une marque de fabrique, le sceau d'un univers en expansion, qui se développe, s'étire d'un album à l'autre. On pourrait aussi dire qu'il y a certaines accointances entre TREHA SEKTORI et SEMBLER DEAH, autre projet dark ambient dont Dehn Sora fait partie. Un très beau premier album en tout cas pour TREHA SEKTORI.


ENDESSIAH
Cyclic Law, CD/LP 2012




















01- Berh Ehn Confession
02- Vocerah
03- Solvah
04- Vorah Esteh Konteriah
05- Despraorehn
06- Alterahethi Ethi Endessiah

Il y a dans la fragilité de titres d'ENDESSIAH, dans ce côté lent, méditatif, empreint d'une grande solennité (comme sur Berh Ehn Confession), une sourde aura de tristesse qui perce, la présence souterraine de tragédies existentielles qui s'exhalent inexorablement et avec plus de force encore dans les passages rythmés, comme si, enfin, toute cette sourde tristesse se voyait libérée. Comme si elle pouvait enfin remonter à la surface des eaux noires qui la cache.
Et on retrouve ce principe sur l'ensemble des titres. Vocerah par exemple, morceau hanté, mélancolique, plein de vieilles blessures qui suintent, s'infectent lentement sous la dentelle passée qui les cache; et malgré cette tenace impression de rêverie, de rêve inachevé dans laquelle baigne l'album, c'est presque toujours ce sentiment de délitement qui reste, même si, en définitive, on sent que chaque titre tend à atteindre la lumière sans réellement y parvenir. TREHA SEKTORI c'est presque un constat d'échec, malgré ce besoin irréductible de croire que la lumière se trouve quelque part : ici, ailleurs - nulle part peut-être.
Et toujours, sur chacun des titres, les rythmes servent de catharsis à toutes les hémorragies secrètes de l'âme, à toutes les névroses qui s'accumulent au long d'une vie qui n'en fini pas de nous détruire. Pour témoin les mélodies prenantes, envoûtantes, de Solvah, qui s'insinuent lentement en nous, deviennent le leitmotiv de quelques douleurs mal contenues, de spleens chthoniens qui ne demandent qu'à murir à la lumière trompeuse du jour. Despraorehn est lui aussi un titre lent, religieux, ponctué de rares percussions qui renforcent l'atmosphère; un superbe titre, obsédant, d'une grande beauté. D'ailleurs, aucun morceau ne dépareillent ENDESSIAH, tous sont dignes d'intérêt, jusqu’au plus douloureux Alterahethi Ethi Endessiah et ses accords de guitares mélancoliques.
Les titres sont assez longs, variés, et ne se contentent pas de drones poussifs ou de boucles de sons répétées à l'infini, non, il y a une unité de sons dans cet album; et si certaines sonorités reviennent ici et là,  au hasard des morceaux, un peu comme sur certaines bandes originales, ce n'est que pour renforcer cette impression d'unité, sorte de fil rouge émotionnel qui traverse ENDESSIAH comme la douleur traverse un nerf pour remonter jusqu'au cerveau. 
Là où, aujourd'hui, nombre de compositeurs de musiques ambiantes ou industrielles se contentent d'aligner les sons, les drones, TREHA SEKTORI travaille lui sur l'émotion. Un peu à la mesure du SOMNIA de SHRINE ou du DREAMSPHERE de DAHLIA'S TEAR. D'autant plus étonnant, lorsque l'on sait qu'aucun synthés n'a été utilisé sur cet album, mais des instruments (guitares, banjos, etc.) dont les sont ont été retravaillés.


SEVERH SEHEHN
Cyclic Law, CD, 2014
















1- Severh Sehehn


HAVAN

YAJNA
Cyclic Law, CD, 2013


















1- Yajna

HAVAN est le nouveau projet de Frédéric Arbour, grand maître d’œuvres de Cyclic Law, label phare du dark ambient et autres musiques obscures et expérimentales, depuis la défection du mythique Cold Meat Industry ; mais il est bien entendu aussi le créateur du sombre et cosmique VISIONS, son propre projet musical. Nouveau départ, ou collaboration, puisque sur ce premier album, Frédéric Arbour s'est adjoint les talents d'Harlow MacFarlane (le dark/black ambient FUNERARY CALL ou le plus bruitiste SISTRENATUS) et d'une certaine Sarah Rosalina Brady au violon.
Le "Havan Yajna" est l'une des plus ancienne prière rituelle hindouiste. Avec une telle thématique, on pouvait s'attendre, avec ce long morceau de près de 30 minutes, à retrouver certaines des ambiances du regretté et (totalement ou presque) oublié ASIANOVA, ou encore de VOICE OF EYE, le tout sur un fond de musique industrielle et cosmique propre à VISIONS, mais on a surtout le sentiment à l'écoute de cet album, de découvrir une version plus dépouillée de SUMMONING THE VOID ou bien de LAPSE, les deux premiers albums de VISIONS. Un peu dommage donc, surtout que la participation d'Harlow MacFarlane laissait augurer une note plus industrielle, plus sombre, voire plus expérimentale et novatrice si l'on songe au récent FRAGMENTS FROM THE AETHYR.
Si l'on omet cela, que l'on est attiré par certaines musiques plus dépouillées, YAJNA n'en demeure pas moins un album agréable, une lente montée chromatique comme en connait le genre, un lent bouillonnement cosmique dont s'échappent quelques sonorités atrophiées, parfois gémissantes, peut-être ici et là dues violon de Sarah Rosalina Brady, mais retravaillé, noyé dans les sons.
L'ensemble reste malgré tout quand même un peu trop linéaire pour attirer durablement l'attention de la plupart des auditeurs, hélas. Il manque cette petite note, ces sonorités éphémères, lancinantes, qui interviennent comme des leitmotivs et donnent toute leur tonalité aux morceaux, les portant vers la lumière ou les tirant vers les ténèbres qui brouillent l'horizon. Dommage... dommage... car le fond sonore, très efficace, est là. Mais sans cette touche finale, l'album reste très minimaliste, à la manière des œuvres les moins marquantes de NORDVARGR ou de NEW RISEN THRONE. Certains chœurs plus appuyés, notamment vers la fin du morceau, donnent à la fois au passage une profondeur cosmique, presque mystique, qui rappelle une part de l’œuvre de VISIONS, notamment le très jolie EP CELESTIAL SPHERE, preuve que cela peut fonctionner si des éléments viennent s'ajouter à ce fond tournoyant de sons.




HAVAN à Paris, le 12 mai 2013, pour les 10 ans du label Cyclic Law.








SVARTSINN

Drones brumeux, longues plages grisâtres de sonorités qui se perdent, sans espoir, et tournoient dans un gouffre sans fin : SVARTSINN c'est un dark ambient  gris et désespéré dont ne perce que la face morne d'une existence qui a perdu depuis longtemps tout espoir de voir la lumière.
Une musique pour les esprits noirs (SVART / SINN).

 DEVOURING CONSCIOUSNESS
 Eibon Records, CD, 2002


















1- Draped in Shadows
2- I Mørkets Makt
3- Livredd
4- The Dark Covet
5- Reaching Desolation
6- Devouring Consciousness
7- Withering Visions
8- Skumringen Skjuler Skogens Sorg

D'abord gris, les morceaux de DEVOURING CONSCIOUSNESS gagnent peu à peu en puissance, une force semble émerger de toute cette grisaille à partir de Livredd. L'âme se perd dans la nuit, l'horizon se bouche et la vie semble enfin nous révéler son véritable visage fait de ténèbres et de gouffres, où la lumière s'étiole irrémédiablement, où les soleils se dissolvent dans une apostasie douloureuse qui conduit toujours à l'obscurité.
On reconnait dans cet album tout le style d'une certaine forme de dark ambient scandinave, avec des titres tels que Livredd ou Skumringen Skjuler Skogens Sorg qui rappellent certains moment du premier CD de NORTHAUNT, forcément, dira-t-on, puisque Hærleif Langas fut celui qui "initia" sur sa demande Jan Roger Pettersen au dark ambient. On songe aussi, quoique dans un moindre mesure, à VINTERRIKET voire plus lointainement à ILDFROST. Et puisqu'il faut donner des éléments de comparaison, quelques titres, notamment les premiers de cet album, se rapprochent beaucoup de certains morceaux du black ambient austère de NORDVARGR (sur PYRRHULA ou MURKHR) mais aussi des premières œuvres de NEW RISEN THRONE.
Reaching Desolation est sans doute l'un des morceaux les plus représentatifs de ces ambiances désolées, mais pas lassantes, propre à SVARTSINN : mélange de synthés désenchantés, de grondements sourds, de drones glacés, qui donnent aux titres toute son atmosphère. Mais on pourrait aussi citer les grondements, les échos caverneux et autres ambiances souterraines et abyssales du titre Devouring Consciousness. Un jolie premier CD, certes très sombre, parfois trop feutré, mais qui exhale déjà tout le dégout d'une vie abhorrée, d'une vie qui nous montre sa face sombre, celle des heures noires et du désespoir, de ces instants où tout se fige et glisse dans le néant.


OF DARKNESS AND RE-CREATION
Cyclic Law, CD, 2003





















1- As A Black Stone Monument
2- Entrance To Emptiness 
3- Mind Dust 
4- Towards The Dark And Cold 
5- The Oblivious Faces 
6- Of Darkness And Re-Creation 
7- Wasteland Corridors 
8- Tremors Within The Void
Video : Draped In Shadows 

Un album gris, rampant, où des notes éparses, comme une mécanique secrète, viennent ponctuer de longs drones ténébreux, des plages de synthés vouées à la noirceur d'un horizon bouché (on songe à Entrance To Emptiness). Sans doute plus atonal aussi que DEVOURING CONSCIOUSNESS, ce second album sorti chez Cyclic Law laisse l'âme se perdre dans la grisaille d'un océan de sonorités mortes dont n'émergent, ici et là, que quelques grincements, des bruits confus, à demi étouffés, qui se perdent dans un arrière-fond dépressif (Mind Dust) dont ne parviennent à s'extraire que de rares notes spectrales, que l'on sent solitaires, à bout de souffle, et qui ricochent comme une morne litanie sur cet horizon gris. On pense parfois sur cet album au regretté KEROVNIAN (notamment aussi avec le dernier titre : Tremors Within The Void); mais le propos est moins fantastique et plus désolé. Ici aussi des choses grattent, remontent, et l'on ne sait pas ce qu'elles sont ni d'où elles viennent. Tout ce que que l'on sait, c'est qu'elles finiront par nous trouver. Comme le vide et les ténèbres qui forment la thématique récurrente de cet album - de l’œuvre de SVARTSINN.
L'eau, la pluie, s'invitent au début de Towards The Dark And Cold, discrète, derrière des drones glacés, et l'on retrouve les notes mélancoliques de pianos du premier album qui rappelait, entre autre, le NORTHAUNT des débuts. Pas d'envolées ici bien entendu, mais des morceaux tout en abîme et en solitude, avec ce qu'il faut d'échos, de bruits, de grondements sourds, pour que l'ensemble ne sonne pas creux et ne génère pas l'ennui, mais devienne l'expression d'un dégout existentiel marqué. Quelques beaux passages quand même, comme la fin de Towards The Dark And Cold.
Quant à Draped In Shadows, présent sous forme de vidéo sur la première édition de OF DARKNESS AND RE-CREATION, il s'agit - musicalement parlant - de la même version que sur le premier album agrémentée ici d'images sombres et dépressives.


























TRACES OF NOTHINGNESS
Cyclic Law, CD, 2003




















1- Traces Of Nothingness
2- No Passage To The Innermost...
3- Lost In Reveries 
4- Misanthropic Odyssey 
5- Through Apathetic Eyes 
6- All The Colours Are Fading 
7-...But The Fire Burns No More
8- Emptiness Is Form 

Moins linéaire que OF DARKNESS AND RE-CREATION, ce troisième album de SVARTSINN poursuit son voyage dans les ténèbres, le néant et la solitude. 
Quelques notes désolées sortent de l'abîme gris de jours sans fin, des grondements, des synthés lointains (Traces of Nothingness), quelques bruits d'eau, des mélodies lugubres (No passage to the Innermost...) et il n'en faut pas plus pour plonger l'âme au fond du gouffre. Et à ce titre, Mysanthropic Odyssey est sans doute l'un des meilleurs moments de TRACES OF NOTHINGNESS. Après un début presque épique et sinistre, le titre prend forme, s'étoffe, se pare de toutes les nuances du dégoût. Les bruits, les grincements du début du morceau rappellent parfois LITHIVM ou WHERE. Sans doute l'un des moments les plus riches, les plus travaillés et les plus variés de l’œuvre de SVARTSINN.
Souffles, grondements souterrains pour Lost in Reveries, et de rares notes perdus dans un océan gris et tourmenté. Après une mélodie désolée, tout se termine dans un brouillard sonore. Les longues plages de synthés désolées de ...But The Fire Burns No More rappellent ici et là VINTERRIKET.
Plus abouti que que les précédents albums, plus évocateur aussi, TRACES OF NOTHINGNESS a su trouver le parfait équilibre entre des drones discrets, des bruits étouffés, des souffles moribonds et les rares mélodies exsangues qui traversent cette musique du bout de l'âme.   


ELEGIES FOR THE END
Cyclic Law, 2CD, 2009



















CD 1:
1-1 Vemod
1-2 September Dirge
1-3 And Time Will Erase
1-4 Torchbearer, Kill The Light (Collab. with Dahlia's Tear)
CD 2:
2-1 Lost In Reveries (Reconstructed By Triarii)
2-2 Traces Of Nothingness (Kammarheit Mix)
2-3 Livredd (Letum Mix)
2-4 All The Colours Are Fading (Life Toward Twilight Mix)
2-5 Lost In Reveries (Gustaf Hildebrand Mix)
2-6 Wasteland Corridors (Tenebrious Mix)
2-7 As A Black Stone Monument (New Risen Throne Mix)
2-8 But The Fire Burns No More (M. Griffin Mix)
2-9 Misanthropic Odyssey (Visions Mix)
2-10 No Passage To The Innermost (Hovmod Mix)

ELEGIES FOR THE END
Lent, pesant comme un ciel bas d'hiver, comme le marbre d'une tombe, ELEGIES FOR THE END est un hommage à ce qui n'est plus, à ce qui va disparaître, se fondre dans les ombres grises du souvenir cher à l'écrivain allemand Hans Theodor Storm. Un hommage à tout ce qui, irrémédiablement, va disparaître dans les brumes d'un passé dont plus personne ne se souviendra, comme des visages qui s'efface un à un sur une vieille photographie. Un album lent, solennel, tout en souffrance retenue, en longue notes de synthés étirées.
Il y a quelque chose de triste, de méditatif, de douloureux dans les morceaux de cet album, quelque chose de déréalisant aussi, comme si cette musique, ce qu'elle évoque, ne faisait déjà plus partie de ce monde, mais avait glissé de l'autre côté, rejoint le cortège des ombres. A moins que ce ne soit le néant ? Comme un noir bouillonnement au-dessus des eaux noires du temps, Vemod s'étire, formant quelques reflets éphémères, vite dilués dans les notes éplorées de synthés.
Et à chaque titre, on sent que tout va bientôt disparaître, que cette élégie est la dernière, et que, bientôt, tout aura était oublié. Qu'il n'y aura plus personne pour se souvenir. Que le temps, effectivement, effacera tout.
Plus douloureux, plus triste aussi, September Dirge est d'une beauté intemporelle, un peu à la manière de certains titres de DESIDERII MARGINIS ou de LAND.
En revanche, à partir de And Time Will Erase, il y a quelque chose de plus spectral, un note plus inquiétante, comme si on était déjà passé de l'Autre Côté. Presque fantomatique même, vers la fin de Torchbearer, Kill The Light, écris en collaboration avec DAHLIA'S TEAR.
Seul regret, ce premier CD ne fait que 30 minutes. 
REMIX
Jan Roger Pettersen peut-être fier d'avoir inspiré, avec autant de succès, ses condisciples, les "esprits noirs" du dark ambient. Un second CD de remix donc qui tient ces promesses, avec quelques faiblesses bien sûr, mais qui propose, dans la même thématique, des morceaux riches et variés, allant de la reprise épique, habité, de Lost In Reveries faites par TRIARII, au très jolie All The Colours Are Fading de LIFE TOWARD TWILIGHT (voix de femmes, cris de mouettes perdus dans le lointains, tout un univers de bruissements et de remous qui agitent l'espace et le transforme), jusqu’au jolie remix de Misanthropic Odyssey fait par VISIONS. Ce dernier nous propose sans doute l'un des plus beaux remix de l'album, pour un titre qui baigne dans la grisaille, lent, désolé, mais - chose rare dans le genre - avec juste ce qu’il faut de subtilité dans la recherche des sons, des grincements et autres sonorités éphémères, pour qu'il reste captivant du début à la fin. 
GUSTAF HILDEBRAND n'est lui non plus pas en reste, là aussi avec une reprise de Lost In Reveries cosmique et hantée; un jolie morceau où les sons tourbillonnent, se perdent dans l'éther, la nuit, et déchirés par des samples de voix. Moins connus, M. GRIFFIN et HOVMOD ne sont pas non plus en reste. D'abord M. GRIFFIN avec But The Fire Burns No More, moins volontairement obscur que la plupart des autres remix, et par la même presque lumineux - mais d'une lueur entraperçue au fond d'un abîme existentiel - ce titre, à la manière de certaines œuvres ambiantes de VINTERRIKET (comme l'original de SVARTSINN d'ailleurs parut sur TRACES OF NOTHINGNESS), baigne dans une sourde tristesse qui ne le quitte pas jusqu'à la fin. HOVMOD ensuite, avec un titre noir, lugubre, plutôt efficace là aussi. A ce propos, dommage qu’aucun album de ce projet ne soit sorti à ce jour. 
Les autres projets, quoique peut-être plus faible, ne sont pas en reste, surtout le remix de LETUM. KAMMARHEIT propose un morceau assez proche de ces deux albums sortis chez Cyclic Law; un titre dépouillé, qui retrouve assez fidèlement l'esprit de SVARTSINN. Quoique très classique aussi, le remix de NEW RISEN THRONE n'est pas désagréable non plus. Le morceau le plus faible reste peut-être celui de TENEBRIOUS, car - exercice difficile -  basé uniquement sur des grondements, des souffles et autres échos sourds, sans aucun autre motif particulier. 
Un très bel hommage à l’œuvre de SVARTSINN.


NORTHAUNT / SVARTSINN
THE BORROWED WORLD
LOKI FOUNDATION, CD, 2013




















1-  If Only My Heart Were Stone
2- Ashes Of The Late World