Formé à la
fin des années 80 par Richard Schneider
et Mark Burch, SCHLOSS TEGAL apparait d’emblée comme un projet audacieux,
novateur, qui a, en compagnie d’autres pionniers du genre bien sûr, permis de donner forme à un dark-ambient naissant, aux contours encore instables et flous. Loin de s’enfermer dans un style, le projet évolue aux confins des musiques
industrielles et expérimentales auxquelles les deux compères, en plus du dark-ambient, ont su apporter
toute la noirceur et l’étrangeté de leurs réflexions. Le résultat est un
mélange détonnant, grotesque et macabre, véritable métaphore d’une humanité qui
se cherche et ne semble jamais vouer à se trouver, sinon au fond de quelque
gouffre délétère.
La thématique de SCHLOSS
TEGAL est vaste : recherches sur l’au-delà, les extra-terrestres, la
violence, la chair, nos rapports avec une science destructrice, un intérêt pour des
savoirs parallèles décriés, une technologie qui apparait plus comme une forme
de drogue que comme un progrès réel, sans parler de toutes les obsessions d’un
monde qui va mal.
Le nom de SCHLOSS TEGAL vient d’un hôpital
psychiatrique établi dans un château, quelque part à l’est de l’Allemagne, près
de Berlin, et réputé pour soigner des vétérans entre 1937 et 1940.
L'emplacement où
fut construit le château est connu comme un ancien lieu de culte d’un peuple
oublié et sacrificateur qui fut exterminé par les romains. Ceux-ci, horrifiés
par ce qu’ils avaient trouvé sur place, les passèrent tous au fil de l’épée
avant de les démembrer et de les brûler en de vastes bûchers !
L’endroit
connu, tout au long de l’histoire, de grands bouleversement (templiers, alchimiste,
sorcellerie, guerre, hôpital psychiatrique, détenus politique…) mais avec
toujours une constante : une nette propension à l’horreur, à l’obscurité
et à la folie… SCHLOSS TEGAL !
PROCESSION OF THE DEAD
Tegal Records, 7 , 1989
A-Procession Of The Dead
B-Dreamtime
On peut
dire qu’avec PROCESSION OF THE DEAD,
SCHLOSS TEGAL commence sa carrière
avec brio ! Voici un titre sombre, rituel, et dont on ne se lasse pas.
Cela tient essentiellement à cette voix de prédicateur dément, hululant, qui
intervient tout au long du morceau et auquel on prête volontiers toutes les
haines, les aveuglements et insanités de l’époque ! Un morceau qui
s’inscrit à merveille dans la thématique de démonologie, d’hystérie et
d’inquisition de THE SOUL
EXTINGUISHED sur lequel le titre est ressorti, en une version rigoureusement
identique, en 1991.
En
revanche, Dreamtime, sans doute lui aussi plus rythmé que ce à quoi le duo nous
habituera par la suite, reste malheureusement plus anodin et ne semble pas justifier
l’achat de ce vinyle.
THE
SOUL EXTINGUISHED
Tegal Records, LP, 1991, CD, 1997
Part Pnakotik
1- The Brides Of Loudun
2- Immunde Spiritus
3- Cadaver Obedience
4- Procession Of The Dead
5- Autopsy The Animal
Part Ektopik
6- The Visitation
7- Adoration Of Teitan
8- Godvision
9- Malefacia
Sorti à l’époque où Cold Meat
Industry, Old Europa Cafe et autres labels underground parfois éphémères,
pressaient leurs premiers albums (STRATVM TERROR, MEGAPTERA,
BRIGHTER DEATH NOW, MEMORANDUM, IN SLAUGHTER NATIVES…), THE
SOUL EXTINGUISHED fait office de pionnier dans la
musique industrielle telle qu’on la connaît aujourd’hui avec un CD qui sent le
souffre, l’hérésie, et où l’on découvre déjà certains des thèmes fétiches du
duo.
On commence avec l’affaire des
possédées de Loudun, The Brides Of Loudun,
appuyé par de nombreux samples, cris et dialogues, peut-être tiré du film de
Ken Russell lui-même, sujet béni pour Richard Schneider et Mark Burch puisqu’il leur permet
de confronter pêle-mêle démonologie, psychose, crises d’hystérie (manipulés à
l’époque par un clergé peu scrupuleux), obscénités, chasse aux
sorcières, inquisition et autres tortures propre à ces années troubles.
Même ambiance insane qui sent le
succube et l’ectoplasme, toujours avec samples à l’appui, bribes de discours,
voix et notes gémissantes comme offerte à la géhenne d’une musique sulfureuse,
pleine de cris, de hurlements et d’éclats de voix, pour le bien nommé Immunde Spiritus.
Cadaver Obedience poursuit dans cette voie. Tout en échos, en voix
démoniaques posés sur un arrière-fond instable de remous sonores, répétitifs et
industriels des plus glauques.
Procession Of The Dead est sans doute le titre le plus marquant de
l’album avec ces notes grinçantes et gémissantes, au-dessus desquelles plane
une voix chantante de prédicateur. Les hurlements de la foule rendent cette
procession des morts, ce pseudo chant dément et spectral, vraiment efficace.
Tout simplement sinistre et envoûtant. Dommage que SCHLOSS TEGAL n’est pas réitéré l’expérience dans les albums
suivants.
Autopsy The Animal est tout en échos de sons superposés et
torturés, de notes à la limite du souffle, qui confèrent au morceau quelque
chose de spectral et haineux qui clôt à merveille cette première partie.
The Visitation est un titre morbide et déréglé qui annonce une
partie des œuvres futurs du duo : notes décalées, boucles répétitives de
sons, des voix qui répètent toujours le même discours qui laisse une
désagréable impression de menace ; une froideur toute scientifique, l’idée
d’être le cobaye d’un monde voué à la folie expérimentale de quelques
vivisecteurs insensibles et méticuleux. L’idée que pour avancer, la science n’a pas
uniquement besoin de cadavre, mais d’êtres vivants.
Même impression avec Adoration Of Teitan, mais sans les voix
et avec une musique qui rappelle Cadaver
Obedience. Musique répétitives comme un mauvais rêve donc et dont on ne
parviendrait pas à émerger ; musique clinique et se perdant dans les
méandres d’une psychiatrie douteuse – douloureuse, qui s’affirme de plus en
plus avec le maladif Godvision, lui
aussi de plus en plus décalé, et là aussi à prendre comme une sorte de mauvais
rêve cathodique, passant d’une chaîne, d’une fréquence à l’autre, comme un
poste défaillant, mais avec pour constante cette impression de cauchemar qui se
poursuit jusqu’au bout de l’album avec Malefacia.
Un premier album plutôt réussi
pour SCHLOSS TEGAL, surtout lorsque
l’on songe qu’il est sortit en 1991.
THE GRAND GUIGNOL
Artware Productions, CD, 1993
1 Meatgaze (Gnillik)
2 The Cannibal
3 Anthropophagy
4 Black Dahlia
5 Hunting For Humans
6 Certificate Of The Wound
7 From The Light Into The Darkness
8 Look At The World
9 Watch Me Flop Around
10 Epilogue
Avec THE GRAND GUIGNOL, SCHLOSS TEGAL entre vraiment dans le vif du sujet, de ce qui fera le "fond de commerce" de l'œuvre du duo, à savoir psychopathologie (ici le "Psychopathia Sexualis" du Baron Von Kraft-Ebling), meurtriers en
série, perversions sexuelles , ufologie, horreur de la
chair, dégoût de l'existence, d’une humanité qui ne semble devoir évoluer que
dans l’atrocité et la haine. Certes, là aussi, on sent chez SCHLOSS TEGAL, comme chez l’ensemble
des projets morbides et sans concession d’une certaine forme d’industrielle
noire et underground de l’époque (BRIGHTER DEATH NOW, ATRAX MORGUE, MEGAPTERA et autres MURDER CORPORATION), ce désir de choquer par n’importe quel moyen : images chocs et idées
choquantes s’entremêlant en un carnaval d’horreurs et de grotesques qui semble
devoir se suffire à lui-même. Pourtant, il paraît dommage que les sujets n’aient
pas été poussés plus avant, qu’ils n’aient pas l’élaboration méthodique et
sans concession d’un bréviaire de Schopenhauer ou de tout terroriste
contemporain de la pensée qui s’inscrirait en faute d’une société - d’une
humanité - ne devant mener nulle part.
THE GRAND GUIGNOL fait évidemment référence au théâtre parisien qui
ne survécut que de quelques années aux horreurs de la seconde guerre mondial,
et qui reçut le coup de grâce dans les années 60, sans doute décrédibiliser par
toutes les horreurs du monde rendu disponible pour tous par le cinéma.
Incroyablement trouble, glauque,
à fort volume, THE GRAND GUIGNOL est
un véritable bourbier de sons, de sonorités cauchemardesques et imbriquées en
une apostasie douloureuse, un dégoût existentiel prononcé. Et même si le
résultat n’est pas toujours à la hauteur, SCHLOSS
TEGAL a ce désir d’aller voir au plus profond de l’âme humaine, de plonger
dans les cloaques insoupçonnés de l’esprit et de voir ce qui macère en ces
profondeurs ténébreuses.
Rarement bruitiste (quoique Watch Me Flop Around
n’en soit pas loin), mais plus industriel, expérimental et… nauséeux,
comme le fourmillant Meatgaze, le
sournois Anthropophagy
proche des morceaux les plus dark ambient du MEGAPTERA (voire du DEUTSCH
NEPAL) de la même époque, et on
retrouve les cauchemars (forcément), les mauvais rêves récurrents de THE SOUL EXTINGUISHED, avec le réussi Black Dahlia ou l’aquatique et létal Hunting For Humans. Là aussi révélateur d’un
dark ambient déjà au mieux de sa forme, et déjà distinct des courants
industriels et ambiants de l’époque. On plonge dans la folie et les
hurlements avec Certificate
Of The Wound, on demeure à la limite du power-electronics avec The Cannibal, bref
un album que Cold Meat Industry, à une certaine époque, aurait qualifié de sick food for sick minds…
A
découvrir…
ORANUR III "The Third Report"
Tegal Records, CD,1995 /CDr 2006
Artware Production, LP, 1995
1- Oranur III
2- Dark Eyes
9- L5
4- Coital Affirmation
5- DOR Manifestations
6- Beyond The Wall of Sleep
7- Orop Desert EA 1954-1955
8- We Just Got Tired
9- You Can't Wake Up
Etrange
mélange que celui du dérangeant et paranormal ORANUR III.
Etrange
car traitant d’une figure controversée de la psychanalyse mondial, à savoir Wilhelm
Reich, née en 1897 et mort en 1957 en prison aux USA après une existence assez
chaotique. ORANUR
III explore l’essentiel de l’œuvre de Reich et s’intéresse aussi bien à la théorie de l’Orgone (universal
cosmic and biological energy) développé par celui-ci, qu’aux dernières années
de ce personnage qui sillonna les USA, notamment le Nouveau Mexique, l’Arizona,
en expérimentant dans le désert sur l’énergie cosmique et se passionnant
pour l’existence des extra-terrestres. Sans parler du fait que Wilhelm
Reich est l’un des pionniers de la sexologie… Personnage dérangeant donc,
dérangé diraient ses détracteurs.
A cela,
nous dit-on, vient s’ajouter le matériel suivant : voices from space, crop
circle recordings, sex and orgasms, UFO encounters, abduction experiences,
cattle mutilations… encore un jolie mélange de théories et de thèmes qui, s’ils
ne semblent pas devoir être pris au second degré, s’y prête néanmoins très
facilement. Détonnant mélange
donc, comme souvent chez SCHLOSS TEGAL.
Alors
qu’en est-il de la musique ? Et bien l’ensemble tient plus
qu’honorablement la route. ORANUR III
(Oranur du nom de « Orgonotic Anti-Nuclear Radiation », machine créée
par Wilhelm Reich pour soigner le cancer… et qui
semble avoir irradié certains de ses patients…) est en fait un très bon album
de dark-ambient aux consonances cosmique et paranormal.
Un album aux titres lents,
sournois, insidieux (Oranur
III, L5 ou Beyond The Wall of Sleep) ; parfois
plus rituel, comme sur Dark Eyes
et ses samples de voix tirées – j’imagine – de témoignage sur les
extra-terrestres (pale colors… dark eyes…).
Et on retrouve
tout au long de l’album ce côté trouble, dérangeant, comme sur Coital Affirmation : un arrière-fond sonore d’un onirisme sournois, avec voix de
femmes en plein orgasme, et autres samples de voix plus doctoraux, pour un
morceau obscur et délétère comme un mauvais rêve (oui, je sais, c’est une constante
dans l’œuvre de SCHLOSS TEGAL).
Et on pourrait dire la même chose de DOR Manifestations. Forcément, puisque
DOR signifie Deadly Orgone Radiation… véritable leitmotiv que cette ambiance complexe, d’un onirisme
interlope, qui revêt toujours à un moment ou un autre, de part les samples, les
dialogues, les sonorités inquiétantes, ce côté dégradant, mauvais, qui fait
référence au bas instinct de l’homme (violence sexuel, meurtre, souffrance
animal, etc.…)
Faut-il
voir une référence à Lovecraft dans Beyond
The Wall of Sleep ? Ou bien est-ce le chapitre de l’un des nombreux
livres de Wilhelm Reich ? (qui finirent tout de même brûlés dans un
incinérateur aux USA sur décision de justice…). En tout cas l’ambiance y est
foncièrement paranormale, bien plus que sur BLACK STATIC TRANSMISSION qui devait sortir quelques années plus
tard, en 1999. L’impression de plonger lentement dans un autre univers. L’Au-delà
de Lovecraft, justement, ou certaines œuvres (hélas) méconnues de Rosny-Ainé
(Un Autre Monde ; Dans Le Monde Des Variants) ou encore Clark Ashton Smith
(La Lumière de l’Au-delà, Mutation Cosmique…). Un morceau des plus réussi donc.
Plus sombre, plus angoissant
aussi, Orop Desert,
qui marque les dernières années de recherches de Reich dans le désert avant l’emprisonnement
- et la mort.
Cosmique, dérangeant
et paranormal…
AUBE / JOHN DUNCAN / SCHLOSS TEGAL
THE MIND OF A MISSILE
Heel Stone Records, CD, 1996
1- Schloss Tegal – Anti-Life Equation
2- John Duncan – Change
3- Aube – Bugs In The Circuits
Plus
spatiale que d’habitude, Anti-Life
Equation rappelle par certain côté BAD
SECTOR (le plus récent KOSMODRON)
et se démarque légèrement de l’œuvre habituelle du duo, sans être toutefois
réellement incontournable.
John DUNCAN est un compositeur qui
évolue essentiellement dans une forme d'experimental sans concession, aux lointains relents industriels. On retrouve ici un mélange de
drones, d’expérimentations sonores pour un titre assez peu convaincant, il faut
bien l’avouer, en ce qui me concerne. Sans doute moins expérimental et décalé
que PLEASURE ESCAPE et plus linéaire
que RIVER IN FLAMES par exemple.
Pour qui
ne raffole pas franchement des musiques purement expérimentales et bruitistes,
le Bugs In The Circuits d’AUBE ne présente lui aussi qu’un
intérêt très limité.
Il est
vrai que l’œuvre de Nakajima Akifumi est multiforme, du field recordings plutôt sympathique de
certains albums de la série MILLENIUM,
en passant par le plus connu LE SYNDROME
AQUATIQUE, le dark ambient expérimental de METAL DE METAL (entre autres), jusqu’aux expérimentations sonores
parfois bruitistes comme CEREBRAL
DISTURBANCE. On pourrait aussi citer des albums plus ambiants, comme certains des Reworks de Maurizio BIANCHI qui rappelle l'excellent SUMMER FEELINGS de TOMASZ BEDNARCZYK.
A noter, Anti-Life Equation a été repris sur NEOTERRIK RESEARCH en une version plus
courte.
HUMAN RESOURCE EXPLOITATION
Noise Museum, CD, 1997
Tegal Records, CDr, 2006
1 Toxified Systems Resistor
1a Remake Zero
1b Quantaplex
2 Electromagnetic Subliminal Implant
3 Batch Consignment
3a EEG Entrainment
3b Automated Elf Functions
3c Hallucination
4 Alternative III
5 The Power Process
Il faut
effectivement écouter HUMAN RESOURCE
EXPLOITATION à fort volume pour saisir le potentiel de chaque boucle de
sons, comme cela est d’ailleurs conseiller sur le livret, sinon les morceaux
peuvent sembler assez lassant. Notamment sur Toxified Systems Resistor, long morceau plutôt dépouillé, voire à
la limite du minimalisme, n’étaient les nombreux samples de voix et autres
dialogues qui émaillent ces quelques 30 minutes. On y retrouve le fameux We are using reality technology to detoxify
all of the technologies, car HUMAN
RESOURCE EXPLOITATION s’intéresse aux
rapports entre l’homme et la technologie. Longue suite d’interrogations donc,
plutôt pessimistes, comme on peut facilement l’imaginer lorsque l’on prend la
peine de s’intéresser à nos rapports avec celle-ci, à la dépendance –
inconsciente ou non, qui est la notre. Ainsi peut-on lire sur le
livret : never forget that the
humans race with the technology is like a drunk with a barrel of wine. When this is disrupted mayhem is assured. (!)
Musicalement,
la comparaison s’impose avec les albums précédents, avec THE GRAND GUIGNOL et ORANUR
III, eux-mêmes beaucoup plus fourmillant, et le moins que l’on puisse dire,
c’est que HUMAN RESOURCE EXPLOITATION
parait plus contrasté, alternant des passages presque fade par certains côtés
avec d’autres beaucoup plus marquant. On le constate dès le premier titre,
émaillé de passages vénéneux, subtils, qui relèvent le propos et semble renouer
avec ce côté paranormal et délétère qui traverse l’œuvre de SCHLOSS TEGAL. C’est particulièrement
vrai au début et la fin du morceau qui semblent plus marquants ; les
passages où interviennent les samples de voix, les longs discours ont trop
tendances à éteindre la musique, à la reléguer dans un arrière-fond où elle
semble s’étioler et perdre de son étrangeté.
Même
constat pour un deuxième titre plus industriel, qui se complexifie lentement,
et devient nettement plus intéressant dans sa seconde moitié, à l’instant où l’ambiance
se développe, envahit l’espace. Assez proche d’abord des expérimentations
sonores d’AUBE ou de Maurizio BIANCHO, le titre devient de
plus en plus rituel, tout en gardant ce côté industriel et puissant :
souffles répétitifs, couches de sons superposées, remous industriels des plus
efficaces que l’on retrouve, avec la même efficacité, sur le dernier titre.
S’il
manque parfois cette part de folie, d’angoisse, de surnaturel, qui remontait à
la surface des albums précédents avec une régularité métronomique, HUMAN RESOURCE EXPLOITATION mérite néanmoins que l'on s'y intéresse car on y retrouve dans le premier titres les passages
étranges, presque surnaturelles des albums précédents, et les deux titres
suivants préfigurent les tourments industriels des albums à venir.
Petite
précision, le CD ne comporte que trois titres, difficile donc de savoir à quoi
correspondent les morceaux quatre et cinq… S’agit-il de subdivision
supplémentaire à ajouter au dernier morceau ? Qui sait…
BLACK STATIC TRANSMISSION
Cold Spring, CD, 1999
1- Black Static Transmission
2- Tachyon Bombardment
3- Toxified Systems Resistor #2
4- Blind Fault Upheaval (R'Lyeh Rising)
5- Necronaut
6- Terra-Insanium (The Overbeast)
7- Into The Quantaplex
Autre album à la thématique
complexe, BLACK STATIC TRANSMISSION s’intéresse
essentiellement à l’anti-monde, cet anti-monde qui doit bien exister quelque
part, nous dit-on dans le livret intérieur, quelque part dans le royaume de
notre expérience, bien que nous ne puissions le sentir ou le voir.
Then the anti-world
would constitute a continuous spectral band of oscillatory waves of black
static which exist not only on the plane of oscillation in the cosmic spectral
band that we are not able to perceive.
Cet anti-monde est étroitement lié aux sons,
aux fréquences : These stellar
transmissions have targeted our world and continually transmit a cosmic message
whose meaning has yet to be deciphered.]…[ It now appears to be more readily
comprehensible that certain frequency bands of electromagnetic oscillation can
constitute a bridge between the planes of ambient-space fields.
On comprendra donc mieux ce que
sont ces BLACK STATIC TRANSMISSION,
auxquelles il faut ajouter les voix EVP ou Electronic voice phenomena,
c’est-à-dire des enregistrements de voix supposées venir de l’au-delà, et
sensées avoir été enregistrées par le duo lui-même avec l’aide d’un certain EN
LLEWELLYN, spécialiste en la matière.
L’anti-monde semble donc aussi
hériter, pour une bonne partie au moins, de l’œuvre de Wilhelm Reich, et on y
retrouve aussi des thématiques chères aux deux compères, telles que les énergies
cosmiques et les rapports complexes, destructeurs, que l’homme entretient avec
les technologies.
Black Static Transmission est un long
titre bouillonnant, plein de drones instables, de voix surgies de nulle part,
de bribes de dialogues, d’éclats industriels et de sons saturés qui traversent
l’espace et forment une sorte de gestalt sonore, d’entité multiple et complexe,
mais on ne pouvait pas attendre moins d’une thématique aussi complexe et ambitieuse.
Et une constatation s’impose, si
les deux comparses cherchent à mettre en évidence l’existence, la possibilité
d’un au-delà potentiel, de cet anti-monde, il faut bien avouer que cette vision
semble bien sombre, presque infernal par certains côtés, et on se rend
rapidement compte que dans ce flots de fréquences, d’énergie, ce bombardements
cosmique, l’homme - l’âme ? - ne semble pas avoir réellement de place.
Rien de calme, d’apaisé, dans ces
vagues de sons où se noient des voix d’outre-tombe, des bribes de phrases, et
si la tension semble retomber à certains moments, ce n’est qu’un leurre, car
elle garde ce côté surnaturelle et dérangeant. On retrouve un peu dans ce morceau
la noirceur bouillonnante et industrielle des deux derniers titres de HUMAN RESOURCE EXPLOITATION.
Et s’il semble parfois manquer
une certaine cohérence, une certaine unité dans ce titre sombre et angoissé,
car la musique donne parfois l’impression de se perdre en des méandres
inutiles, vagues, et abscons, cela ne l’empêche pourtant pas, au final, de
laisser cette désagréable impression d’avoir – un instant au moins – regarder
au fond d’un puits ténébreux et d’y avoir vu les formes obscures, les êtres
égarés et douloureux d’un autre monde.
Le second long morceau va de Tachyon Bombardment à Into The Quantaplex.
Après le
minimaliste Tachyon Bombardment qui ne présente qu’un
intérêt limité, le second titre Toxified
Systems Resistor #2 paraît déjà plus intéressant, plus varié, et plus dense
que la première version présente sur HUMAN RESOURCE EXPLOITATION ; on y
retrouve ce mélange d’industrielle, de sons mécanique et de voix (We are using reality technology to detoxify
all of the technologies) qui ouvre sur des passages puissants et
industriels.
Le meilleur reste cependant à
venir, car les autres titres, dans leur ensemble, quoique parfois répétitifs,
semblent beaucoup plus marquants. Par exemple le déluge industriel et rituel de Blind Fault Upheaval
qui marque l’un des passages les plus vivants du cd, même si la version
présente sur TERRA INSANUM s’avère
meilleur, car plus élaborée.
Difficile parfois de faire le
distinguo entre les titres, de savoir à quel moment se termine l’un et commence
l’autre. Néanmoins si l’on excepte le plus bruitiste Terra-Insanium, la suite reste
des plus intéressante, que ce soit le plus apaisé Necronaut (avec son sample de Black Sabbath ?), ou Into The Quantaplex et
son mélange de voix religieuse et de bruissements industriels.
Plus sûr
que le paradis, l’anti-monde vous attend...
LIVE AT THE
ARSENAL
Tegal Records, CDr, 2001,2002,2005
1 - Toxified Systems Resistor
a - Remake Zero
b - Quantaplex
a - Remake Zero
b - Quantaplex
2 - Black Satanic Transmission
a - Tachyon Bombardment
b - Blind Fault Upheaval (R'iyeh Rising)
c - Necronaut
d - Terra Insanum (The Overburst)
e - Into The Quantaplex
a - Tachyon Bombardment
b - Blind Fault Upheaval (R'iyeh Rising)
c - Necronaut
d - Terra Insanum (The Overburst)
e - Into The Quantaplex
Il est dommage de constater que
l’ensemble des enregistrements lives de SCHLOSS
TEGAL datent à peu près de la même
époque, (plus ou moins 1999-2002) et – forcément – tournent autour des mêmes
albums, enfin surtout de BLACK STATIC
TRANSMISSION, et de la première version de Toxified Systems Resistor présente sur HUMAN RESOURCE EXPLOITATION. En dehors
de ces deux albums (enfin surtout le premier si l’on excepte HUMAN RESOURCE EXPLOITATION LIVE), il ne
faut pas espérer entendre grand-chose, voire rien… Dommage pour ORANUR III, THE GRAND GUIGNOL
ou les titres présents sur l’anthologie NEOTERRIK
RESEARCH qui auraient tout simplement mérité d’y
figurer, ou en tout cas avec plus de régularité pour les rares élus.
LIVE AT THE ARSENAL ne fait donc pas exception à la règle. On y
retrouve l’éternelle première version de Toxified
Systems Resistor et le Black Satanic
Transmission déjà présent sur BLIND
FAULT UPHEAVAL et BST LIVE. Le
son n’est pas extraordinaire et, comme souvent avec les CDr, il est vivement conseillé
de faire une copie lossless de l’album avant qu’il ne plante irrémédiablement…
Dommage, il existe pourtant des CDr qui ne se bousillent pas au
bout de quelques années.
Un enregistrement quelconque
donc, où les sons manquent de nuances, ou tout parait écrasé (toute proportion
gardé bien sûr…), et dont seuls les samples de voix semblent s’en tirer à bon
compte. L’étrangeté des meilleurs moments de Toxified Systems Resistor est ainsi plus ou moins étouffée.
Par rapport à ce qui est noté sur
le CD, Toxified
Systems Resistor #2 apparait juste après Tachyon Bombardment. Le timing des morceaux n’est pas toujours le
même et certains titres semblent assez différents, mais cela tient surtout à
l’enregistrement qui privilégie certaines sonorités au détriment d’autres. Pourtant
il existe des différences notoires, notons simplement, parmi d’autres, les
drones lancinants et les notes aigues de Tachyon
Bombardment qui relèguent les bombardements en arrière-fond. Le CD se
termine aussi sur quelques secondes de techno…
Un album rare, mais pas indispensable
pour ceux qui possèdent déjà BLACK
STATIC TRANSMISSION ou HUMAN RESOURCE EXPLOITATION. On préférera les deux DVDr sortis chez
Ars Morta Universum en 2002 qui bénéficient d’un meilleur son, sans
parler de l’image…
TERRA INSANUM
Ars Morta Universum, DVDr, 2002
1 Technocore
2. Alternative III
3. Invitation To An Outrage
4. Toxified System Resistor #2
5 Blind Fault Upheaval
6 Necronaut
7 Terra Insanum
8 Into The Quantaplex
Technocore/Alternative III
rappellent certains passages d’ORANUR
III, des nappes crépusculaires de
sons sur des remous et des vagues plus industriels.
Invitation To An Outrage est présent sur l’anthologie NEOTERRIK RESEARCH en une version assez proche, mais moins saturée par les samples de voix, et donc, meilleur en ce qui me concerne.
Black Satanic Transmission reprend en une version rigoureusement
identique le second long morceau de BLACK
STATIC TRANSMISSION (de Toxified Systems Resistor #2 à Into
The Quantaplex). Identique, soyons franc, pas tout à fait, ici et là des
sonorités additionnelles ajoutent une touche particulière à l’oeuvre, la
rendant plus vivante, plus rythmée et renforçant son côté industriel. Comme sur
Blind Fault Upheaval, Necronaut avec ses souffles ou Into The Quantaplex avec ses vagues
circulaires de sons par exemple. Malgré tout, rien de
particulier à signaler sur ce live qui, forcément, demeure assez statique.
La qualité
d’image reste correct, mais franchement pas extraordinaire. Quant à la jaquette
elle est inexistante, impression noir et blanc des plus minimaliste. Le DVDr
déraille vite, et il vaut mieux en faire une copie le jour de l’achat, sinon on
est sûr d’avoir des soucis et de ne plus réussir à lire quoi que ce soit, et
ce, encore une fois, très rapidement…
BLIND
FAULT UPHEAVAL
Ars Morta Universum, DVD, 2002
1- Toxified
Systems Resistor
2- Black Static Transmission
3- Blind Fault Upheaval (R'Lyeh Rising)
Enregistré live en 1999 lors du
Black Static Transmission Tour, BLIND
FAULT UPHEAVAL nous offre trois classiques de SCHLOSS TEGAL.
D’abord Toxified Systems Resistor, proposé en une version très proche de
l’album, on pense aussi à la version
présente sur LIVE AT THE ARSENAL,
mais avec des samples de voix plus soutenus. Black Static Transmission est lui présent en une version plutôt
efficace et on termine avec Blind Fault Upheaval (R'Lyeh Rising).
Même recommandation pour ce
DVDr que pour TERRA INSANUM (ou
tout autre CDr de chez Tegal Records aussi d'ailleurs) : il vaut
mieux en faire une copie le jour de l’achat (si ce n’est pas trop tard…), sinon
on est sûr d’avoir des soucis et de ne plus réussir à lire quoi que ce soit
assez rapidement…
NEOTERRIK RESEARCH
Cold Spring, CD, 2004
1- Last Glint Of Consciousness
2- Zero Situation
3- Felgeschrei (Folkstorm ST Remix)
4- That Demon That Feeds On The Chaos Of Man
5- Collapse Of The Wave Function
6- Unsub (Insect Mind)
7- Technocore (Iteration X)
8- Anti-Life Equation: Auto-Special Doctrine / Strike Code Launch / Autonomous Killing Systems
9- Black Static Transmission
10- The Hidden Variable
11- Invitation To The Outrage (Reptilian Mind)
Album au dark ambient marqué,
noir, et aux ambiances fantastiques et sinistres, NEOTERRIK RESEARCH est à mon sens l’un des meilleurs albums de SCHLOSS TEGAL,
d’ailleurs, hasard ou nom, NORDVARGR
ne s’y est pas trompé avec Felgeschrei,
remix signé FOLKSTORM qui pourrait
figurer en bon place de l’infernal HELVETE.
Fait étonnant donc, car NEOTERRIK RESEARCH est en fait une succession de morceaux tirés de
compilations oubliées, rares et introuvables, voire aussi d’inédits comme le
remix cité plus haut. Et pourtant, il y a une unité de ton dans cet album. On y
retrouve ce côté trouble et surnaturel qui marquait certains titres d’ORANUR III. Peut-être manque-t-il un peu de la noirceur surnaturelle et
industrielle de BLACK STATIC
TRANSMISSION (encore que des titres comme Unsub (Insect Mind) ou The
Hidden Variable génèrent cette impression de noirceur bouillonnante,
d’au-delà chaotique que l’on retrouvait sur cet album), mais l’ensemble
reste, de fait, plus proche d’un dark ambiant "classique" et hanté.
Les ambiances ont quelque chose
de surnaturelle, Last Glint Of
Consciousness, Collapse Of The Wave
Function, et se perdent en vagues de sons indiscernables, sinistres et
inquiétants, et virent parfois au cauchemardesque (le remix de FOLKSTORM et The Hidden Variable) ou, à défaut, au mauvais rêve avec Technocore (Iteration X).
La courte version de Black Static Transmission comporte elle
aussi des EVP (Electronic voice phenomena) et ne respire pas non plus la joie
de vivre. Une fois de plus, si l’anti-monde existe bien, et ce, malgré le death is not the end qui apparait en
leitmotiv tout au long du titre, il exhale plus le chaos, la solitude et le
désespoir qu’autre chose. Amis croyants, s’abstenir…
Invitation To The Outrage (Reptilian Mind) apparait ici en une
version très proche de celle présente sur TERRA
INSANUM, toutefois cette dernière, plus riche, moins marquée par les voix,
semble meilleur. D’ailleurs, on peut lire sur la page discogs du CD que
certains des titres apparaissent ici en des versions différentes de celles
présentes sur les compilations. J’avoue, en dehors de THE MIND OF A MISSILE, ne posséder aucune des compilations
originales. Peut-être cela vaudrait-il le coup d’y jeter une oreille ?....
On notera aussi le plus spatial Anti-Life Equation, qui rappelle certain
titres de BAD SECTOR, parmi les plus
ambiants, et déjà présent - en une
version plus longue – sur le trois pouces THE
MIND OF A MISSILE évoqué plus haut. Cette version, plus recentré, semble aussi
plus efficace et moins lassante que l’originale.
Indispensable.
THE
MYTH OF MEAT
Waystyx, CD, 2006/Tegal Records, CD, 2008
1 Death Car Display
2 Cannibal Communion
3 Urban Funk Campaign (Feraliminal Lycanthropizer)
4 Panic Man
5 Custom Slaughtering
6 The Long Pig
7 Mes' Haf I Resh
8 Butchermaster's Meal
9 Bind Torture Kill (BTK)
Album de dark industrial assez
classique, aux consonances expérimentales, THE
MYTH OF MEAT s’attache à comprendre les rapports de l’homme avec la viande,
ou, de façon plus générale, avec la chair : on y retrouve pêle-mêle nourriture,
torture, psychopathologie (les meurtriers en série). Vaste thème donc dont les
accointances avec cette exploration des tréfonds de l’âme humaine cher au duo, semblent
d’emblée évidentes.
We believe in torture and we will torture you, apparaît comme
slogan sur le livret intérieur. Cela peut aussi bien s’appliquer à nos rapports
avec les animaux de boucherie (en effet qui se soucie sincèrement de savoir comment un steak arrive dans son assiette)
mais aussi la chair meurtrie : accident de voiture de Death Car Display (fascination de la chair blessée que l’on
retrouve dans le roman de Jim G. Ballard, Crash, adapté au cinéma par David Cronenberg
sous le même titre), de même que la violence bestial des tueurs en série. On
pourrait étendre ce domaine de la lutte sanguinaire à la pornographie, mais
aussi à la mode, capacité de chacun à vêtir ce steak pas cuit qui est le notre.
Boulimie et anorexie ne seraient alors que les deux extrêmes de cette vision
réductrice (ou non) de soi.
Malgré la richesse de cette
thématique, il faut bien l’avouer, THE
MYTH OF MEAT n’est pas le meilleur album de SCHLOSS TEGAL. Quelques morceaux
sortent néanmoins du lot, comme Cannibal
Communion ; forcément, avec un tel titre, on ne pouvait pas en
attendre moins. Grinçant, gémissant, dérangeant, mélange d’industrielle
répétitive aux consonances expérimentales, où l’homme, la bonté, se noient dans
ce devenir de steak qui est le lot de tout être vivant (de l’asticot à la maladie,
en passant par tous les prédateurs imaginables, de la simple bactérie aux
autres carnivores, ou pire : l’homme lui-même).
Butchermaster's Meal, sans fioriture pourtant, est assez sinistre
lui aussi. Urban Funk Campaign, avec
entre autres leitmotiv, des samples répétitifs tel que : I don’t want to die… est un morceau
rythmé, de plus en plus industriel vers la fin.
Mais l’album reste
malheureusement très inégal ; certains titres sont nettement moins
marquant, comme The Long Pig, morceau
qui rappelle le DEUTSCH NEPAL des début, et pas au mieux de sa forme, ou les machineries de Panic Man qui, certes, sont stressantes, mais somme toute assez
ennuyeuses aussi. On pourrait aussi
citer Bind Torture Kill.
D’autres titres, comme Death Car Display, Custom Slaughtering ou Mes'
Haf I Resh, quoique pas inintéressants, semblent aussi très linaires, sans
réelles variations, et très loin des bouillonnements létaux de BLACK STATIC TRANSMISSION.
On l’aura facilement compris,
sans être mauvais bien sûr, THE MYTH OF
MEAT n’est pas le meilleur album de SCHLOSS
TEGAL, loin s’en faut d’ailleurs. Il lui manque le côté dérangeant et paranormal d’ORANUR III, la noirceur sinistre de THE GRAND GUIGNOL, ou les bouillonnements paranormaux et ténébreux
de BLACK STATIC TRANSMISSION.
Sans parler de la très bonne anthologie qu’est NEOTERRIK RESEARCH.
Dommage, tout y était...
1 commentaire:
Salut sylween, merci pour toutes ces infos...
Enregistrer un commentaire