EN ABÎMES PROFONDS
Plus que sympathique collaboration entre deux projets déjà forts sympathiques eux-mêmes, à savoir AH CAMA-SOTZ et ISZOLOSCOPE, CAMANECROSZCOPE évolue dans un univers sombre et abyssal, et nous offre deux véritables bandes-sons lovecraftiennes à ne pas mettre entre toute les oreilles… car noires, torturées, pleine de chuchotements et de glissements qui agitent l'abîme et effrayent l'esprit...
En effet, si au travers de leurs musiques industrielles et rythmées, le plus souvent supportée par des phases, voire des titres (quand il ne s'agit pas d'albums entiers…) d’un dark ambient inquiétant, AH CAMA-SOTZ et ISZOLOSCOPE n’avaient déjà rien de bien gaie, avec CAMANECROSZCOPE les deux projets ne font que concrétiser toutes les ambiances noires générées par leur imagination et on ne pouvait donc qu’augurer de ce que cela donnerait avec un projet commun et purement dark ambient, et, tentacule sur le Cthulhu… euh, non, pardon, cerise sur le gâteau, un projet qui s’intéresserait plus particulièrement à évoquer le mythe des Grands Anciens cher à Lovecraft !
(On songe pour ISZOLOSCOPE à Au Seuil Du Néant et Coagulating Wreckage, entrecoupés de titres ambiants des plus sinistres, ou Aquifère entièrement fait d’un dark ambiant abyssal et glauque; mais AH CAMA-SOTZ n’est pas en reste avec des albums tels que Dead Cities ou La Peste.)
Echoes Ov Who Lieth Dead But Ever Dreameth
Spectre, CD, 2003
1- Invocating The Dead But Ever Dreameth
2- Irion-Estyon
3- Xenthono-Rohmatru
4- Zodcarnes
5- Yog-Sothoth
6- Dho-Hna
7- Damamiach
Necronomicon (Christophe Gans)
8- Closing With The Sign Of Koth
Voici un album qui aurait pu sortir chez Nautilus (aux côtés de KRAKEN et OLHON), défunt sous label de Spectre dévolu aux évocations noires et claustrophobiques de l’océan, car ECHOES OV WHO LIETH DEAD BUT EVER DREAMETH est un album d’une lenteur sinistre, une bande-son lovecraftienne d’une noirceur évidente, qui se manifeste au travers de chœur désolés, de voix désenchantées qui traversent des abîmes profonds pour remonter, fantomatiques, hésitants, à la surface d’un océan existentiel, témoignant malgré tout qu’il se passe bien quelque chose, là-bas - en bas - dans ce royaume de ténèbres et de mystères. Un album onirique aussi donc, car après les clapotis, les lointains chants orientaux évocateurs de l’arabe dément Abdul Alhazred, Irion-Estyon, Xenthono-Rohmatru et Zodcarnes plongent au cœur de cet univers crépusculaire, hypnagogique, au sein duquel se manifeste les Grands Anciens, que ce soit au travers de rêves sinistres, ou dans les profondeurs ténébreuse des océans, là où se trouve R'Lyeh, la cité engloutie. Et toutes ces ambiances se traduisent par les chants létales, les bouillonnements distants de sons évoquant quelque mal secret et millénaire qui, en plus d'interpréter à merveilles les ambiances des nouvelles de Lovecraft, me rappelle une scène mémorable du Guérisseur de Cathédrale, chef-d’œuvre noir et sans concession de Philip Dick, où le personnage principal, plongé dans les eaux noires et alluviales de quelques océans extra-terrestre, y rencontre, en une vision symbolique et sinistre, son propre double à demi décomposé qui lui parle tandis que l’on sent, tout autour, des présences obscures et gigantesques qui s'agitent.
Yog-Sothoth rappelle les drones abyssaux de KRAKEN, cette impression tenace d’un univers noir et claustrophobique entrevu derrière les hublots d’un submersible. Tout un monde inconnu, un univers impitoyable dont on sent l’irrémédiable poussée sur les parois fragiles du submersible, et dont la seule trace de vie réside en ces flashs phosphorescents qui s’agitent ici et là, témoignant de formes de vie qui semblent émaner de rêves grotesques et magnifiques mais dont on suppute qu’elles ne sont que l’avant-garde de créatures bien plus incroyables encore.
L’album se poursuit avec deux titres au dark ambient rampant, deux titres qui distillent savamment leurs peurs, leurs angoisses, au travers d’un bouillonnement instable de sons ; on remarquera les mélodies désolées de Dho-Hna, les barrissements démoniaques de Damamiach au sein d’un titre tout en peurs rentrées mais qui suinte l’abîme et le monstre.
On termine l’album avec Closing With The Sign Of Koth, fameux signe protecteur des Anciens Dieux... Mais n'est-il pas déjà trop tard ?
Loin d’être statique et conventionnel comme je l’ai parfois lu (mais c’est là, bien entendu, une question de goût), ECHOES OV WHO LIETH DEAD BUT EVER DREAMETH est un album essentiel pour tout fan de musique fantastique et ténébreuse.
Echoes Ov A Beckoning Arcanum
Spectre, CD, 2006
1- For All Things Now Dead And Gone
2- A Horrible Excess Of Stench...
3- ...Thrown Up By The Profound Abyss
4- What Comes Forth From Obscurity
5- Among The Blackest Souls Below
6- Governed By The Sphere Of Mars
7- From The Gulf And Into Existence
8- Ancient Voices Haunt The Deep
9- On The Brink Of The Steep
Toujours aussi Lovecraftien dans l’âme, ECHOES OV A BECKONING ARCANUM poursuit avec succès son exploration sonore de l’œuvre du maître de Providence, et ce, même si le nom de Lovecraft n'apparait nulle part : l'esprit demeure - et la peur, la noirceur perdurent.
Moins aquatique sans doute que le premier album, les titres se parent ici et là de rythmes rituels et tribaux (What Comes Forth From Obscurity et From The Gulf And Into Existence), qui rappellent le sinistre MEMORANDUM (Ars Moriendi), mais l’essentiel reste d’un dark ambient sombre à souhait, plus complexe peut-être que sur ECHOES OV WHO LIETH DEAD BUT EVER DREAMETH, et toujours aussi évocateur de l'horreur cosmique propre à l'auteur.
Moins aquatique sans doute que le premier album, les titres se parent ici et là de rythmes rituels et tribaux (What Comes Forth From Obscurity et From The Gulf And Into Existence), qui rappellent le sinistre MEMORANDUM (Ars Moriendi), mais l’essentiel reste d’un dark ambient sombre à souhait, plus complexe peut-être que sur ECHOES OV WHO LIETH DEAD BUT EVER DREAMETH, et toujours aussi évocateur de l'horreur cosmique propre à l'auteur.
On songe parfois à un compromis entre le premier album et certaines œuvres de NEW RISEN THRONE, de KRAKEN, voire parfois aussi de NORDVARGR : avec par exemple...Thrown Up By The Profound Abyss ou Among The Blackest Souls Below.
On y retrouve aussi, mais de façon plus discrète, les chœurs, les voix abyssales du premier album, ce mélange de sons, de mélodies éparses qui plongent l’esprit en quelques profondeurs dont on ne peut que revenir changé – lorsque l’on en revient bien sûr… C’est particulièrement vrai sur le dernier titre, On The Brink Of The Steep, même si cette impression de déréalisation, de drones lancinants, de voix imbriquées à des sonorités fluctuantes, demeure moins prégnante que sur le premier album, on sent que l'on touche à quelque chose de terrible - et de fascinant.
Toujours aussi ambiant donc, mais sans doute plus cinématographique, notamment avec des titres tels que ...Thrown Up By The Profound Abyss, Among The Blackest Souls Below ou Governed By The Sphere Of Mars qui montent d’un cran dans l’angoisse. On regrettera peut-être de ne pas y trouver plus souvent ce mélange de voix/chœurs désolés qui faisait toute la puissance du premier album, mais ce choix est délibéré, et permet à l’album de ne pas être qu’une simple réédition du premier opus et de trouver sa voie au travers de titres plus fouillés, qui exhalent l'abîme et qui n'ont pu voir le jour, les ténèbres!, que sur les berges hantées de la Miskatonic, où au sein des demeures les plus antiques de la sinistre Innsmouth. Pourtant, en plus du dernier titre, les voix refont surface au début de What Comes Forth From Obscurity, rapidement supportées par les rythmes rituels et tribaux. Et malgré ces rythmes l’ambiance demeure intacte, on la sent toujours présente au travers de petites touches atmosphériques, de sons qui jalonnent le titre, et des voix qui interviennent avec régularité. Il faut bien avouer que le titre reste sans doute moins évocateur, moins sombre que les morceaux purement ambiants de l’album mais ils ajoutent néanmoins à l’angoisse du propos, un peu comme les percussions infernales qui marquaient le superbe The Old Ones Return que John Carpenter avait composé pour son film l’Antre de la Folie.
S’il n’est pas rares aujourd’hui de trouver des œuvres inspirées par Lovecraft, il faut avouer que la plupart d’entre elles, que ce soit dans les musiques industrielles et ambiantes ou bien dans le métal, restent assez fades pour ne pas dire ridicules ; il faut donc saluer avec un profond respect ceux qui, comme CAMANECROSZCOPE, s’en sortent avec brio !
A écouter en savourant l’œuvre du Maître…
...En ces heures difficiles, tu... n’es... pas... tout... seul…
Necronomicon (Christophe Gans)
2 commentaires:
Bonjour, je viens de découvrir Deutsch Nepal avec Erosion. J'aime beaucoup et pense essayer de trouver les autres cd. Qu'en pensez-vous? un article de prévu dessus?
Merci pour votre intérêt Memories_Hunter !
J'aime bien EROSION aussi, mais hélas je ne suis pas un grand fan de DEUTSCH NEPAL (désolé !). En fait je n'accroche généralement qu'à un ou deux titres par albums de Peter Andersson. Mais c'est personnel bien sûr, et je comprends que l'on puisse apprécier sa musique. En fait, je mens un peu puisque, vérification faite, j'aime bien trois titres sur EROSION...
Et pour répondre à votre question pas d'article sur DEUTSCH NEPAL dans l'immédiat - mais il est évident que le projet fait partie des incontournables, alors, tôt ou tard...
Je n'ai pas réécouté les albums depuis un bon moment, mais je me souviens surtout de The Since Long Lost Lust sur Only Silence Among the Filthy. Le morceau est vraiment efficace. En revanche, je ne connais quasiment pas les albums sortis après EROSION.
Bonne écoute et à bientôt !
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