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Prochains articles :MORTESIUM...INVERCAULD...KAMMARHEIT...
...musiques obscures, funèbres, oniriques et dépressives ...
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DARK, BLACK AND HAUNTED SOUNDSCAPES

DARK, BLACK AND HAUNTED SOUNDSCAPES
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RAISON D'ÊTRE (II)

2ème Partie : 2003....à aujourd'hui



Requiem for Abandoned Souls
(Cold Meat Industry, 2003)



1- In Abandoned Places,
2- The Shadow Of The Soul
3- Disintegrates From Within,
4- Towards Desolation,
5- Becoming The Void Of Nothingness



Dans la droite lignée de « The Empty Hollow Unfolds », « Requiem for Abandoned Souls » est une superbe messe industrielle et ambiante, l’un de ces albums dont on ne ressort pas indemne. Intervenant après une longue volée de cloche et construit sur une ligne de fond de remous industriels, au-dessus de laquelle surnage douloureusement des voix esseulées et graves, des voix qui semblent déformer par la distance, par la profondeur, le premier titre « In Abandoned Places, » donne le ton de l’album.
Ce sera donc la douleur, le recueillement, la solitude qui émergeront de cette marée crépusculaires de sons. Témoin le fantastique « The Shadow Of The Soul », lent, fascinant et trouble comme les eaux qui viennent battre, à minuit, les quais délaissés de nos villes. Les cliquetis, les tintements discrets, les éclats sourds qui viennent créer des remous soudains autour des chœurs lointains, des synthés, évoquent la beauté visuelle des tableaux de ce peintre méconnu et talentueux qu’est John Atkinson Grimshaw, avec ces paysages nocturnes, ces ruelles crépusculaires abandonnées à quelque silhouette hâtive, ces bords de mers perdus sous des clairs de lune fantomatiques… Le morceau devient, en sa seconde partie, d’une beauté mystique et hantée qui ne pourra laisser indifférent.
Tout aussi ambiant, rampant, et perdu en ces remugles industriels, « Disintegrates From Within, » évoque à merveille les cinq différentes photos utilisées pour servir de couverture à « Requiem for Abandoned Souls ». Chants douloureux et traînants remontant de quelques mines abandonnées, grincements lointains de métal se répercutant en échos dans une friche industrielle, grondements souterrains ne semblant venir de nulle part, mais se glissant le long de corridors arachnéens, souffle imprécis qui vous glace le sang sans que l’on sache vraiment pourquoi en ces lieux désolés.
« Towards Desolation, » poursuit ce funèbre requiem pour les âmes abandonnées, celles qui errent en ces souterrains, ces galeries perdues à jamais, ouvrant les voies pour le fatidique et ultime titre : « Becoming The Void Of Nothingness ».
Et jusqu’au bout, « Requiem for Abandoned Souls » aura tenus ces douloureuses promesses.

Metamorphyses
(Cold Meat Industry, 2006)



1- Metamorphyses I
2- Metamorphyses II
3- Metamorphyses III
4- Metamorphyses IV
5- Metamorphyses V
6- Metamorphyses VI

Plus sombre, plus chtonien que jamais, « Metamorphyses » est fait de mélodies rampantes, de grondements souterrains, les voix y sont rares, mêmes les synthés, quand ils sont présents, se perdent dans les drones mouvants, dans le bouillonnement de sons inquiétants qui nous entoure.
Un peu à la manière de New Risen Throne, de certains des titres les plus ambiants du regretté Heid ou d’Inanna. On songe aussi à Lustmord bien sûr, mais RAISON D’ÊTRE ne devient en aucun cas une copie de ces formations, « Metamorphyses » n’est que le prolongement des recherches musicales de Peter Andersson, une approche plus abyssale de son œuvre.
Le premier titre, « Metamorphyses I », est une réussite du genre, lourd, aquatique, grinçant, profond comme un album d’Olhon, bouillonnant comme certain des meilleurs passages de Kraken, il tisse lentement son sortilège de sonorités imbriquées, entremêlées en un noir maelström, autour de notre esprit.
Le court « Metamorphyses II » ne parvient pas à détendre l’atmosphère mais annonce déjà la lente montée chromatique du titre suivant. On retrouve ici certaines des ambiances propres à Bocksholm dans ces instants les plus sournois, le côté percussif et bruitiste en moins, car si les grincements, les bruits torturés de métal, les échos sourds et gémissants, s’enflent, forment un tourbillon noir de sons qui égare l’esprit, comme avec « Metamorphyses IV », les morceaux restent toujours ambiants.
La tension ne s'évacue pas, demeure palpable, avec « Metamorphyses V », et on retrouve là aussi ces drones infinis, tourbillonnants, hypnotiques et multiformes, comme dans les œuvres les plus réussies de Troum, d’Aidan Baker, mais de façon beaucoup plus personnelle, comme un attribut supplémentaire qui se superposent à un fond ambiant et industriel déjà très riche.
Le dernier titre reste dans ce même esprit, ces spires bourdonnantes et plaintives de sons qui enflent lentement, s’étirent, se mêlent en une étrange osmose. Assez réussi, mais malgré tout, à l’écoute de ces derniers titres, on regrettera juste, et c’était déjà le cas depuis « The Empty Hollow Unfolds », qu’une part de la magie, de l’envoûtement présent dans les albums « In Sadness, Silence and Solitude » et « Within the Depths of Silence and Phormations » soit absente de ce CD, et que, d’album en album, les traces en deviennent de plus en plus rares.

The Luminous Experience (Live In Enschede 2008)
(Cold Meat Industry, 2008)


1- The Invisible Gate Of The Temple
2- Metal Stone Mental Heart
3- The Luminous Shield
4- Metamorphyses - Phase III
5- Metamorphyses - Phase IV
6- Wasteland
7- Mouldering The Forlorned - Part I
8- Pathfinder
9- The End Of The Key



« The Luminous Experience » reprend l’intégralité d’un live datant de 2008 ; l’essentiel des titres sont inédits ou proposent des versions adaptées pour l’occasion de titres déjà existants et issus de « The Empty Hollow Unfolds » ou de « Metamorphyses ».
« The Invisible Gate Of The Temple » marque un retour vers les œuvres plus sacrée de RAISON D’ÊTRE, même si le fond industriel, les cliquetis et autres grincements métalliques, restent toujours présents, les voix s’élèvent de nouveau de ce brouillard mélancolique de sonorités riches et hantées que nous offre ce premier titre.
« Metal Stone Mental Heart » reste en revanche beaucoup plus anodin ; en effet, on y retrouve pas la magie hantée et mélancolique d’« In Sadness, Silence and Solitude » ni la noirceur rampante des albums suivants dans ces boucles répétitives de cliquetis, ces échos métalliques lancinants.
« The Luminous Shield » commence en douceur, offre lui aussi les mêmes boucles mouvantes de sons, riches, multiples, superposées en des phases complexes qui forment un tout, et on atteint ici une richesse des textures que même les spécialistes du genre comme Troum atteignent rarement. Bribes oniriques de voix féminines, de chants, de cloches, ajoutent au mystère de ce titre qui va crescendo.
Les deux titres suivants renouent avec la noirceur de «Metamorphyse » et semblent assez proche des originaux. En revanche les voix sont plus absentes de « Wasteland » et n’envahissent pas l’espace avec autant de grâce qu’elles le font dans l’original. Le morceau parait donc plus sombre, plus proche des titres de « Metamorphyses ».
Autre inédit, « Mouldering The Forlorned - Part I » est sans contexte le titre phare de l’album, celui qui renoue avec la magie du passé, avec ce côté rituel et hypnotique que revêtaient certaines des œuvres plus anciennes de RAISON D’ÊTRE. Percussions discrètes mais fatidiques, marquant tout un univers de tintements, d’échos, dont s’élèvent la pureté désenchantée des voix et des synthés. La magie est bien de retour avec ce titre…
« Pathfinder » se révèle plus menaçant, plus inquiétant avec ces notes sifflantes, ces multiples échos dont émergent des bourdonnements, des notes perdues de cloches.
Et on termine cet album live avec « The End Of The Key ». Tout aussi beau que « Mouldering The Forlorned - Part I », le titre commence en douceur, avec des échos résiduels de cloches qui se fondent dans un éther de synthés, de voix naissantes, de remous marins et de bruits qui plongent l’esprit dans une sorte de rêverie hypnagogique. Les sons s’intensifient, s’amplifient, plongeant l’esprit avec plus de force dans cette espèce de songe hypnotique. Là aussi, la magie des meilleurs moments de RAISON D’ÊTRE n’est pas loin… On peut la sentir glisser en un flot mystérieux, impondérable, insaisissable, du début à la fin du titre…et, dans la grisaille des jours, cela fait drôlement du bien…



The Stains of the Embodied Sacrifice
(Cold Meat Industry, 2009)


01. If It Bears Thorns Its End Is to Be Burned
02. Withstand the Fire
03. The Spirit Will Not Share the Guilt
04. Desecrated by the Blood
05. Purified with Fire
06. Without the Shedding There Is No Forgiveness
07. Death in the Body but Made Alive by the Spirit
08. The Temple Is Eternal Sacred

Avec le temps, au fil des ans et d’une œuvre de plus en plus riche, on se rend compte que chaque album de RAISON D’ÊTRE est à lui seul l’archétype de ce que tout bon album de dark ambient devrait être : à savoir un savant compromis de beauté et de douleur, de lueurs et de ténèbres : une douloureuse invocation des ténèbres, une lente introspection au sein de l’ambiguïté de l’esprit humain, de son manichéisme à jamais souillé par l’ambivalence d’une âme qui ne trouvera jamais le repos, mais qui, pourtant, n’aura de cesse de le rechercher.
THE STAINS OF THE EMBODIED SACRIFICE peut se décomposer par thématiques, d’abord de courts morceaux industriels, grinçants, gémissants, faits de métal tordu, au-delà desquels pointent des synthés imperturbables. C’est le cas du second titre et de « Purified with Fire », puis de longues œuvres éthérées et mystérieuses, mêlant synthés, drones, voix, à des éléments plus industriels.
Et on entre réellement dans le vif du sujet avec « The Spirit Will Not Share the Guilt » : là tout le savoir-faire de Peter Andersson pour créer des atmosphères tristes et éthérées, mélancoliques et oniriques, se met lentement en place au travers de plages de synthés brumeuses, de notes égarées de piano, de voix discrètes et envoûtantes, et même si le morceau n’atteint pas les instants les plus fascinants, les plus magiques, de l’œuvre du suédois, il reste néanmoins efficace et marque presque un léger retour en arrière par son style de composition. 
Avec « Desecrated by the Blood », tout commence dans un gémissement de notes, de violons aux stridulations maîtrisées, qui s’étirent lentement et se parent peu à peu de sonorités industrielles, de drones caverneux, d’une marée montante de sons qui s’imbriquent, se complètent, et éclatent parfois en fracas, se dispersent en cliquetis, et dont quelques notes émergent, quelques harmonies à peine ébauchées.
« Without the Shedding There Is No Forgiveness » est sans doute le titre le plus onirique, le plus chargé émotionnellement de l’album, celui qui plonge l’auditeur avec le plus de force dans  l’univers inénarrable de Peter Andersson. En effet, la magie est là, elle se cristallise autour de nous, formant d’étranges motifs en notre esprit,  réveillant de curieuses formes oubliées, des fantômes qui s’étirent et se parent de mille souvenirs.
On poursuit dans cette même optique avec « Death in the Body but Made Alive by the Spirit ». Et la mystique, l’hermétique des titres se répercute dans l’œuvre, la nourrissant de son ambiguïté, de ses méditations nocturnes, de ses mortifications les plus secrètes. Lent, méditatif, introspectif, religieux et hanté, la musique de ce titre est faite pour célébrer de bien curieuses vêpres, en des chapelles oubliées, des cathédrales abandonnées…
Et que dire de « The Temple Is Eternal Sacred » ? Morceau d’une beauté envoûtante… longues volées de cloches à demi noyées dans un brouillard onirique de sons…
Une fois de plus, avec THE STAINS OF THE EMBODIED SACRIFICE, on se rend compte que RAISON D’ÊTRE est unique ! Tout simplement : UNIQUE…



Live Archive
Infinite Fog Productions, 3CD, 2010


















1-1 Reflecting In Shadows
1-2 In Absence Of Light
1-3 The Well Of Sadness
1-4 Deep Enshrouded
1-5 Moulding And Destruction I
1-6 The Eternal Horizon
2-1 The Transformal Landscape
2-2 The End Of The Key
2-3 Metamorphyses Phase IV
2-4 Mouldering The Forlorned - I
2-5 The Transformal Landscape
2-6 The End Of The Key
3-1 Dawn Of The Metal Projection
3-2 Dawn Of The Metal Projection
3-3 The End Of The Key

When the Earth Dissolves in Ashes (live 2010/2011)
Cold Meat Industry, CD, 2012




















1- The Everlasting Fire (Linecheck) 
2- Summoning
3- The Unclean Spirit 
4- Shedding
5- Darken My Soul 
6- The Water Of Cleansing 
7- Disowned Before The Angels Of God
8- The Dark Age Will Come
9- Spira Mirabilis
10- Sharing The Guilt 
11- My Soul Is Darkened 
12- The Everlasting Fire 
13- Reconstructing The Void 
14-  Shadow Weaver

Bien que live, WHEN THE EARTH DISSOLVES IN ASHES est un album à part entière puisque tous les titres sont ici inédits, et ce,  même s’ils utilisent des sonorités, des bribes de morceaux tirés d’albums passés (In Sadness, Silence And Solitude et Metamorphyses, de même que le précédent album : The Stains Of The Embodied Sacrifice), cela reste en fait totalement indiscernable, et les morceaux ne donnent pas lieu à des versions alternatives de titres déjà existants, mais forment un ensemble original, puissant et évocateur.
WHEN THE EARTH DISSOLVES IN ASHES est un album tout en clair-obscur, de la semi lumière (ou pénombre !) de The Unclean Spirit ou Sharing The Guilt, à la beauté onirique de My Soul Is Darkened, du lancinant Shadow Weaver et surtout de Shedding, morceau lent, mystérieux, dont on trouve certains échos dans les productions récentes de chez Cyclic Law (PARHELION, SHRINE…) mais peut-être moins puissant qu'ici. On passe aux voix plus méditatives de Darken My Soul, avec toujours ce mélange de chants discrets, en contrepoint, sur un fond industriel où se noient des drones profonds, des nappes éparses et douloureuses de sons ; on retrouve aussi des titres où le métal gémit, grince et cliquette en arrière plan (The Everlasting Fire & Reconstructing The Void) parfois sur des drones mystérieux, lancinant, qui occupent l’espace, comme sur The Water Of Cleansing .
Disowned Before The Angels Of God est sans doute le morceau le plus sinistre de l’album, celui où le côté industriel, bouillonnant et gémissant, ressort le plus ; celui où tout parait sombrer dans une torpeur roide et grinçante de lendemain d’apocalypse. Ici les gémissements du métal emplissent l’espace, deviennent souffrance, cris, et le morceau rappelle les deux superbes titres du LUCIFUGUS d’OLHON. Quelques chœurs noirs et hantés portent le morceau vers de nouvelles souffrances.
Certains titres sont plus froids, plus désolées, comme The Dark Age Will Come et Spira Mirabilis, mais l’ensemble de l’album forme un tout varié où quelques rêves, quelques espoirs fallacieux, accrochent ici et là leurs reflets mourants au hasard d’un univers de cendre et de ruines.
Encore une réussite pour Peter Andersson...


Mise en Abyme
Transgredient Records, CD, 2014


















1- Abyssos
2- Infernos
3- Katharos
4- Agraphos


1ère Partie : 1991 - 2002

http://raison-detre.info/main.html
https://www.youtube.com/user/raisondetremusic

Projets parallèles de Peter Andersson :
Atomine Elektrine
Bocksholm
Cataclyst
D:Combe (pré-Raison d’Être)
Grismannen
Necrophorus
Panzar
Stratvm Terror
Svasti-Ayanam

RAISON D'ÊTRE (I)



1ère Partie : 1991-2002
(2ème Partie : 2003....à aujourd'hui)

Prospectus I
(Cold Meat Industry, 1993)



1- Katharsis
2- Ordeal In Chapel
3- Ascension De Profundis
4- Mourning
5- Mesmerised In Sorrow
6- Cenotaphium
7- Synopsis
8- Anathema/Apotheosis
9- Penumbra

Premier véritable album à sortir en 1993, après la k7 « Après nous le Déluge », « Prospectus I » jette les bases de ce que l’œuvre de RAISON D’ÊTRE évoquera dans l’imaginaire des fans du genre. Bien entendu, le style de Peter Andersson évoluera par la suite, se diversifiera, s’enrichira, mais lorsque que l’on compare une œuvre à celle de RAISON D’ÊTRE, c’est immanquablement aux travaux des premiers jours que l’on pense : synthés mélancoliques, boucles de chants religieux, samples de voix altérées, cloches, tout cet univers faits de tristesse, de méditations, d’introspection et de beauté, souvent copié, mais jamais égalé, sinon par ceux qui ont su trouver leur propre style et pour lesquels RAISON D’ÊTRE n’a été qu’un tremplin à une imagination déjà fertile.
Que les titres soient sombres et menaçants, comme le très réussi « Ordeal In Chapel », « Ascenssion de Profundis » avec ces synthés douloureux, ces chants religieux neurasthéniques, ces samples de voix soutenus ici et là par de discrètes percussions, ou alors le plus recueilli et funèbre « Mourning » (forcément…), « Prospectus I » est à lui seul le manifeste du dark ambient qui prendra son essor dans ces années cruciales, avec l’émergence d’un style Cold Meat, ou de façon plus générale, scandinave. (Comme cela existe aussi pour le black, le doom ou le pagan/viking metal).
Et paradoxalement, même s’il y a un fond de mélancolie inhérent à chacun des morceaux, avec « Mesmerized in Sorrow » ou « Synopsis » , c’est une impression de calme, de beauté, qui se dégage de l’ensemble. Etrange et mystérieuse catharsis, qui, comme chez Caul ou Desiderii Marginis, par exemple, sublime la douleur en une forme de beauté.
On retrouve même cette vision sacrale de la douleur, de souffrance sublimée en une forme d’art, dans le plus industriel et mécanique « Cenotaphium ». Né de ce mélange industriel/chants religieux/synthé qui fera la marque de fabrique de ces débuts.
Et en effet, la pochette de l’album, reproduction partielle et remaniée d’une toile de Friedrich, semble – comme souvent chez Cold Meat – particulièrement bien adaptée à cette œuvre. On pense aussi, toujours de Friedrich, à ce moine errant, courbé, sur le sable d’une plage face à l’immensité ténébreuse d’un océan menaçant.
« Anathema/Apotheosis » se fait l’archétype de cette idée abstraite que l’on a des premiers RAISON D’ÊTRE : mélopées puissantes et religieuses, boucles industrielles mêlées à une lente montée chromatique de synthé, appuyées par des rythmes discrets. Rituel, triste et religieux…
« Penumbra » se rapproche plus de « Reflections from the Time of Opening » ou de certains des premiers albums d’Atomine Elektrine : mélodies répétitives, entêtantes, synthés pulsant énigmatiquement dans les ténèbres, envolées sombres et sournoises qui rappellent vers la fin le sublime « Dream's Essence » de « Within The Depths Of Silence And Phormations ». Ainsi « Penumbra » apparait dans sa deuxième partie comme le plus complexe, le plus travaillé des titres, peut-être aussi celui qui annonce certaines œuvres futurs comme « Elinros » de Necrophorus.


Enthraled by the Wind of Lonelienes
(Cold Meat Industry, 1994)



1- The Awakening
2- Spire Of Withhold
3- In Lonelienes
4- The Narrow Gate
5- Sophrosyne
6- Spiraal
7- Pathaway

.A la croisée des chemins entre RAISON D’ÊTRE et Necrophorus, « Enthraled by the Wind of Lonelienes » est une sorte de voyage au sein d’un univers mystérieux, envoûtant, qui pourrait tout aussi bien être un hymne à la nature, une œuvre vouée à la contemplation, qu’une plongée attristée au sein de l’être.
« The Awakening » est un titre ambient, doux, calme, évoquant un levé de soleil sur une forêt séculaire et rappelant bien entendu aussi certain titres de « Underneath the Spirit of Tranquility », de Necrophorus, qui date sensiblement de la même époque (1994 -1995). Et si « The Awakening » est un titre ambient, il ne se dégage pas moins de la production ambient habituelle, souvent agréable, mais plus rarement transcendante. On y trouve ici une touche personnelle, un souci du détail, une richesse des sons, des mélodies discrètes qui arrivent à point nommé, et que l’on retrouve rarement ailleurs.
Encore assez proche dans l’esprit de « Prospectus I », « Spire Of Withhold », quoique non dénué d’une certaine tristesse, exprime davantage la face lumineuse de RAISON D’ÊTRE. Samples de voix religieuses, percussions, synthés tristes et éthérés.
Suit «In Lonelienes » et ces chants monastiques sur fonds de synthés planant et caverneux. On notera ici l’orthographe (volontairement approximative ?) du titre ; de même que le titre de l’album et ces deux fautes d’orthographe.
« The Narrow Gate » rappelle certains morceaux de Svasti Ayanam : synthés planant, sonorités secrètement ethniques et percussions. Le thème principal est intéressant, sorte de mélopée flûtée, douce et amer comme un curieux sortilège issu du fond des âges. Et même si certain morceaux de « Sanklesa » semblent bien plus envoûtant, son atmosphère feutrée distille avec une certaine réussite sa part de venin, et sa seconde partie, faite de bruissements, de craquements, sur fond de synthés, quoique évidente, restent particulièrement réussi.
Vient ensuite le très religieux « Sophrosyne », mêlant voix, cloches, tintements cristallins à des notes de synthés accablées. Triste et éthéré une fois de plus, jouant sur cette ambivalence des sentiments, comme le souvenir d’une journée passée, douce, agréable, auprès d’un être cher disparu.
On poursuit avec « Spiraal » dont les notes graves de synthés et les voix se mêlent et acquièrent une profondeur troublante, à laquelle s’ajoutent peu à peu des enchevêtrements indistincts de sons qui en renforcent l’effet. Le titre, dans ces différentes phases, se révèle à la fois méditatif, arcanique, pouvant aussi bien évoqué le survol mystérieux d’une cité oubliée qu’une plongée dans les méandres inconnus de l’âme.
« Pathaway » termine en beauté cet album. Commençant de façon tout aussi énigmatique que « Spiraal », se perdant en grondements lointains, en mélodies sombres et soutenues par des voix discrètes et fascinantes, pouvant exprimées la pureté inaccessible de l’âme aussi bien que la douleur sublimée de l’existence. Ce titre se perd ensuite dans un brouillard introspectif de sonorités, dont émergent de nouveau les mélodies douces et tristes, belles et éthérées, des synthés, s’élevant en une sorte de spirale contenu de sons, de voix, de grondements, de plus en plus fascinante. Pas de grandiloquence ici, tout reste feutré, mais d’une grande puissance évocatrice. Ce seul titre justifie à lui seul l’achat d’« Enthraled by the Wind of Lonelienes ».
Merci Peter Andersson



Within the Depths of Silence and Phormations
(Cold Meat Industry, 1995)



1- Sephiroth
2- Ascent Of The Blessed
3- In Abscence Of Subsequent Ambivalance
4- Fall Of The Damned
5- Euphrosyne
6- Inner Depths Of Sadness
7- Of Dying Relics
8- Dream's Essence

Ahhhh, « Within the Depths of Silence and Phormations »…
Comment parler d’un album qui, au même titre que « In Sadness, Silence and Solitude » vous envoûte. Un album qui, depuis sa sortie déjà lointaine, continue de passer régulièrement sur votre lecteur…
Tout le talent de Peter Andersson, c’est d’arriver avec autant de force à évoquer les conflits de l’âme, cette dualité qui pousse l’être vers la pureté, vers la beauté, tout en lui laissant les pieds dans la fange, le cœur noyé dans la grisaille du quotidien et les pensées empêtrées dans la noirceur de l’existence.
Dans la même veine que les précédents albums, « Sephiroth » distille ce subtil mélange de chants religieux, de samples de voix monastiques, de synthés graves, et de percussions posées en contrepoint de l’ensemble. Mais ici, et à contrario du titre, il se dégage quelque chose de sombre, d’inquiétant de l’ensemble, une sourde menace qui ne nous lâche pas.
« Ascent Of The Blessed » nous plonge lui dans un univers mélancolique de son, de voix féminines issues de nulle part, remontant de quelques limbes douloureuses, et l’on se met à penser aux visions de ruines, de destructions, que nous offre la pochette de l’album ainsi que son livret. Des notes planantes, traînantes de synthés s’ajoutent aux voix, en renforcent la puissance évocatrice, et laissent la douleur ainsi magnifiée, s’échapper vers quelques obsédantes lueurs qui tache ce paysage de grisaille.
Vient ensuite le superbe « In Abscence Of Subsequent Ambivalance ». Bruissements lointains, frémissements souterrains d’eau, éclairés ici par la douleur de notes de pianos plaqués en échos sur ce paysage intérieur d’une sombreur sans limite. Tout un remuement chtonique et industriel de sons s’ajoute un instant aux notes de pianos, aux frissons, puis des notes de synthés d’une pureté envoûtante, d’une tristesse sublime, surgissent de toute cette brume intérieur ; et une voix, une voix de femme, énigmatique, comme sortie des profondeurs d’un rêve dont le sens nous échappera à jamais. « What happen there? » « Where is the key? » « A place where we’re going to ». Tout simplement magique. Tout ici est simple, pure, envoûtant, et triste.
Puis les remuements industriels et souterrains reprennent le dessus jusqu’à la fin du morceau, emportant avec eux le souvenir de cette voix, les synthés envoûtants… La noirceur, le mystère, l’inconnu et le doute reprennent leurs droits.
« Fall Of The Damned » est plus discret, presque plus sournois, des voix émergent ici aussi d’un brouillard de sons. D’abord mystérieuses, perdues en échos dans toute cette brume, puis des sortes de cris à demi retenues, comme on en attend dans les premiers albums de Lustmord.
Le religieux « Euphrosyne » semblerait presque plus gaie après, s’il il n’y avait cette terrible nostalgie dans les boucles de chants monastiques, les quelques notes et arpèges de synthés. Là aussi on se retrouve pris dans une sorte de spirale belle et attristée de sons.
Très proche du fascinant « In Abscence Of Subsequent Ambivalance », le morceau suivant, « Inner Depths Of Sadness », en recrée toute l’atmosphère : bruissements d’eau, remous industriels feutrés, puis les mêmes notes de synthés d’une beauté rarement égalée reviennent nous tirer de notre torpeur existentielle, et ici c’est le lointain discours d’un homme qui remonte des profondeurs hypnagogique dans lequel nous plonge ce morceau. Puis une voix de femme, tout aussi fascinante que dans « In Abscence » poursuit son ensorcellement. Et même après toutes ces années, toutes ces écoutes, la magie est toujours là.
Autre instant magique, mais rituel et digne de n’importe quel album de black ambient, « Of Dying Relics » nous plonge dans les visions glauques et infernales de Jérôme Bosch avec son rythme hypnotique, ses synthés gutturaux, son sample de voix démoniaque. Mais attention, ici tout reste subtil, point de hurlements, de martèlements douloureux, de criailleries. Si l’enfer attend, ce n’est que dans nos rêves les plus sombres que nous en entrevoyons les portes brûlantes…
Et voici donc le dernier titre, le fascinant « Dream's Essence ». Sans doute l’un des plus beaux morceaux de Peter Andersson. Tout commence en douceur pendant plusieurs minutes, dans un brouillard de sons divers qui ne laisse rien augurer du choc à venir. Car si un morceau mérite bien son nom, c’est celui-ci. Si la vie n’est pour vous qu’une suite de visions troubles et incohérentes, une succession de blessures infligés par des êtres auxquels vous ne comprenez et ne comprendrez jamais rien, bref, si ce monde n’est pas le votre pour une foule de raisons qui hantent votre quotidien, vos relations avec vos « proches », les journaux télévisés, si tout ce qui vous intéresse encore dans l’existence ce sont les visions troubles que vous percevez un instant, au plus profond de vos rêves, l’éclat subtile d’une lueur impossible, inatteignable, alors « Dream's Essence » est pour vous. Et seulement pour vous. Pour les autres, ce ne sera qu’un morceau ennuyeux de plus…


Reflections from the Time of Opening
(Bloodless Creation, 1997)


1- Auto-Dafé
2- Sub Specie Aeternitatis
3- Archetypon Ataraxia
4- Faceless
5- The External World
6- Metamorphe
7- Gwynn-Ap-Nudd
8- Reflectio Mediato
9- Arbitaire Emotion
10- The Maturation Of Nature
11- Death Pit Of Ur
12- Hell Is Trembling, And The Gates Of Death
13- Le Temp Et L'Espace
Extra-tracks (Cold Meat Industry, 2005)
Ruins
The Verge Of Somnolence
Procession
Forgotten Mound
Cenotaphium
Penumbra
Summoning The Void

« Reflections from the Time of Opening » est une compilation de titres plus anciens, pour la plupart issus de la k7 « Conspectus » sortie chez Old Europa Cafe en 1994, et agrémentée de raretés. On pense étonnement à « Elemental Serverance » d’Atomine Elektrine, le côté électronique et spatial en moins bien sûr, mais surtout à « Gathering Composed Thoughts » ou « Moments of Sleeping Sadness (Early Works) » de Necrophorus dont « Reflections from the Time of Opening » semble être le plus proche, tant au niveau des ambiances que des compositions.
Il faut donc prendre cet album, non comme un nouveau CD, mais plus comme une compilation d’œuvres rares et anciennes, à l’instar des CD de Necrophorus précitées.
Et si l’on pouvait s’attendre à un certain éclectisme, à des morceaux de moindre importance, voire à des fonds de tiroirs, il faut bien avouer qu’il n’en est rien et qu’il se dégage de l’ensemble de l’œuvre une atmosphère particulière que l’on ne retrouve réellement nulle part. Il y a même une incroyable unité dans le choix des morceaux.
Les titres sont d’un néo-classicisme plus marqué, construits autour de petites mélodies qui tournent en boucles, où parfois se mêlent divers samples, des percussions, et autres bruits de machines et d’eau.
Et malgré l’unité, les atmosphères y sont assez variées, d’« Arbitaire Emotion » qui pourrait illustrer une scène d’action dans un film, au menaçant et lourd « Metamorphe », de l’épique et religieux « Auto-Dafé » au mystérieux et lancinant « Archetypon Ataraxia » mais toujours reliés entre elles par une certaine mélancolie, comme dans les arpèges terriblement évocateurs de « Gwynn-Ap-Nudd ».
Le très jolie « Reflectio Mediato » pourrait à lui seul incarner l’album avec ces synthés tristes et méditatifs, ses mélodies répétitives qui dégagent une certaine magie, les notes graves de pianos qui arrivent en contrepoint pour annoncer l’imminence d’une tragédie, ou simplement pour renforcer une persistante impression de nostalgie.
« The Maturation Of Nature » est un très joli morceau au rythme envoûtant, à la fois rituel, menaçant, et qui ne lasse jamais malgré son côté répétitif. « Hell Is Trembling, And The Gates Of Death » joue sur le même registre avec presque autant de réussite.
Plus sournois, mais tout aussi réussi, « Death Pit Of Ur » à lui aussi quelque chose de magique et d’inquiétant, de part ces mélodies insidieuses, répétitives, son fond sonore industriel et de mauvaises augures.
« Reflections from the Time of Opening » apparait donc comme une œuvre à part dans la discographie de RAISON D’ÊTRE, délicate, magique, d’une simplicité et d’une beauté qui ne rompt pas avec la qualité des créations de Peter Andersson pour le plus important de ses projets.
L’achat de la ré-issue sortie chez Cold Meat peut se justifier par le superbe « The Verge Of Somnolence », présent sur la compilation « The Absolute Supper », parfaite introduction à la production scandinave de l’époque (Nacht, Megaptera, Hazard, Archon Satani etc…). Titre religieux, éthéré, nostalgique et enchanteur à souhait !
Suivent ensuite les sympathiques « Procession» et « Forgotten Mound » présent sur une autre estimable compilation : « Funeral Songs », sortie chez le (hélas) défunt label Crowd Control Activities. Ces deux titres sont tout aussi indispensables, religieux, triste et méditatif, ils raviront les fans de ce style, et sont parmi les plus beaux du genre.
Les deux remix tirés de « Prospectus I » ne sont en revanche pas indispensables, de même que l’inédit « Summoning The Void », et le très court « Ruins » tiré de « Conspectus », mais ils sont malgré tout les biens venus…
On regrettera juste sur la ré-issue de Cold Meat l’absence de la très belle pochette de Simon Marsden connu pour ces vues en infrarouge de vieux manoirs abandonnés, de galeries hantées et de cimetières photographiés sous des cieux tourmentés !


In Sadness, Silence and Solitude
(Cold Meat Industry, 1997)

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1- Reflecting In Shadows
2- In Abscence Of Light
3- The Well Of Sadness
4- Deep Enshrouded
5- Falling Twilight
6- Passing Inner Shield

Voilà donc à mon sens l’une des œuvres majeurs de la production de Peter Andersson, sinon l’un des albums les plus marquants du dark-ambient.
Ce manifeste absolu commence donc par « Reflecting In Shadows » : noirceur industrielle des sons fondus en une somptueuse apostasie existentielle, à laquelle s’ajoute le paradoxe de chants religieux qui renforce ici la froideur du propos, le sentiment de doute persistant, de confinement, car au-delà de toute religiosité, ils évoquent la tristesse, les tourments de l’âme, et nous mettent en tête des vues de couloirs sans fin, de cryptes sans issues, et des visions de souterrains industriels abandonnés. La lumière, ou en tout cas une vague lueur fantomatique, intervient vers la fin avec ces bribes de chant de femme, délayées dans les ténèbres, ponctuées d’éclats sourds de sons qui nous rappellent le terrible contraste entre, d’une part, certaines des aspirations les plus nobles de l’âme humaine et, de l’autre, l’étau pesant de la réalité qui broie tout en nous.
Le requiem se poursuit avec « In Abscence Of Light » et ses boucles religieuses de chants d’une beauté désespérée, ces synthés enivrant ponctués par des percussions qui ajoutent au côté rituel et hypnotique de l’œuvre. Magnifique et inoubliable, tout simplement…
« The Well Of Sadness » utilise toujours le même processus créatif, chants religieux, voix perdus dans un océan houleux de sonorités industrielles, synthés d’une beauté à vous couper le souffle, formant un tout, une unité magique et éplorée, jouant subtilement entre la noirceur de l’œuvre et les lointains reflets qui en transpercent les ténèbres de façon plus ou moins troublantes.
Evidemment, « Deep Enshrouded » apparait d’emblée encore plus sombre, plus industriel aussi ; ici les lueurs deviennent rares, elles ne parviennent que rarement à percer le linceul du quotidien, ce halo perpétuel de grisaille qui étreint l’esprit. Sombre, menaçant, « Deep Enshrouded » n’en reste pas moins d’une grande beauté. Et c’est une part du talent de Peter Andersson, car en ces œuvres les plus noires, les plus sombres, il y a toujours une magie des sons, quelque chose d’inexprimable, qui tient aux harmonies utilisées, à leur pureté, qui confère à l’œuvre une beauté unique.
Invocation suivante, le subtil « Falling Twilight ». Ici le mélange de sons fonctionne une fois de plus, tintements lointains, halo indistincts de sons qui forment un tissu sonore unique, renforcé par des boucles régulières de voix de moines, des arpèges discrets. Là aussi la noirceur revêt un côté fortement rituel et hypnotique, avec ces sonorités insidieusement ethniques qui donnent à ce morceau une malignité exotique.
Puis arrive le plus long titre de l’album « Passing Inner Shield ». Le morceau commence en douceur, dans une sorte d’aura crépusculaire de sons feutrés, d’abord rampant, puis plus énigmatiques, et des voix apparaissent, les synthés s’extirpent de la brume, des arpèges envoûtent l’espace, et le titre devient d’une grande beauté, l’un de ces instants magiques dont Peter Andersson a le secret.
« In Sadness, Silence and Solitude » est tout simplement LE CD que tout adepte de ce genre de musique se doit de posséder….
Inoubliable

Lost Fragments
(Original release Yantra Atmospheres 1998)
(Cold Meat Industry, 2002)



Fragment A
1- Reflecting In Shadows
2- In Absence Of Light
3- Ba-umf
4- The Well Of Sadness
5- Deep Enshrouded
6- Ascent Of The Blessed
7- Katharsis
8- Ascension De Profundis
9- Catharsis II
10- Saivo II
11- Spiraal II
12- Katharsis - Early Version
13- Pernumbra - Alternative End

Fragment B
1- In Extremis
2- The Revival
3- Enshrouding
4- Dissection I
5- Carnificina I
6- Decay I
7- Dissection II
8- Decay II
9- Synopsis I
10- Inquest
11- Carnificina II
12- Dissection III
13- Synopsis II
14- Maze Shrine

Originellement sorti en 1998 sous forme d’un seul CD chez Yantra Atmospheres, le label de Peter Andersson, sa ressorti chez Cold Meat en 2002 se verra augmenter d’un second CD de live et de raretés ou, en tout cas, de versions alternatives de titres souvent disponibles par ailleurs.



Fragment A
Essentiellement tirés de « In Sadness, Silence and Solitude », les six titres live sont assez proche des originaux, mais toujours plaisants à entendre. Le court « Ba-umf » est un morceau inédit et « Ascent of the Blessed » tiré de « Within the Depths », bref un très beau live…On regrettera quand même que les versions présentées ici collent autant aux originaux.
« Katharsis » et « Ascension de Profundis » sont des versions remixés – et à mon sens alternative en ce qui concerne la première - des titres présents sur « Prospectus I ».
Les trois titres suivants, présentés lors d’une représentation de l’italien Michele Pingitore sur le thème des anges, collent bien audit thème. Les ambiances y sont calmes, doucement éthérées, agréables, même si elles n’ont pas la puissance des meilleurs œuvres de Peter Andersson. Seul « Spiraal II » revêt un côté plus inquiétant. Il s’agit ici de versions alternatives de morceaux existants déjà.
Le CD « bonus » se termine par deux versions plus anciennes de titres présents sur « Prospectus I ».

Fragment B
Le second CD reprend l’intégralité des titres de la première version de « Lost Fragments », exception faite de « Decay I » tiré de la cassette « Conspectus », et proviennent de la version démo de « Prospectus I ». Oui, je sais, pas facile de suivre…
Assez proche dans l’esprit des titres de la cassette « Après nous le Déluge », « Lost Fragments » est à prendre comme une sorte de rétrospective de l’œuvre de RAISON D’ÊTRE, avec ce côté beaucoup plus « artisanale » mais authentique propre aux débuts de Cold Meat, annonçant la naissance du dark ambient, ou plus généralement de l’industrielle tel que nous la connaissons aujourd’hui sous ces multiples formes.
Composé donc avec du matériel « low-budget » comme tient à le rappeler Peter Andersson, mais remasterisé pour l’occasion, « Lost Fragments » est à mettre en parallèle avec les premiers travaux de Lustmord compilés sur « A Document of Early Accoustic & Tactical Experimentation », qui devaient jeter les bases de l’œuvre de Lustmord dans les années à venir.
Les morceaux datent de 1992, un an avant la sortie de « Prospectus I » dont ils sont – en quelque sorte – le « brouillon ».
Et à l’instar de « Après nous le Déluge », tout est déjà là dans ces premières œuvres : titres lourds, ambiants et répétitifs comme « In Extremis », chants religieux avec « Enshrouding » et « Synopsis I », morceaux rituel et religieux avec le très réussi « Decay II », mais aussi synthés enchanteurs et tristes comme dans le jolie « Dissection III » ou le tout aussi réussi « Inquest ».
Bien entendu, difficile ici pour ceux qui ont « Prospectus I » ou la vieille cassette « The Ring of Isvarah » de ne pas faire ici et là l’analogie entre certains de ces titres et leurs version futurs, mais il faut avouer que ces premières jets, plus que les énièmes versions alternatives que l’on retrouve sur les bandes originales de film et qui n’ont, admettons-le, souvent rien de vraiment « alternatif », il faut bien avouer donc que ces premières versions sont dans l’essentiel fort sympathiques et justifient amplement l’achat de ce double CD !
On continue avec les samples industriels et inquiétants de « Carnificina I » et ses raclements, ses synthés lugubres, mais aussi le sombre « Decay I » qui symbolise déjà les futurs travaux de « Prospectus I » : bribes de dialogues, synthés, samples grondants en arrière-fonds, flux sonores indistincts, tout est là ou presque.
On notera que les percussions jouent aussi ici un rôle plus important que dans les œuvres futurs de RAISON D’ÊTRE, comme c’était le cas avec « Après nous le Déluge ».
« The Revival » fait penser à certaines des premières œuvres de Deutsch Nepal, Brighter Death Now de l’écurie Cold Meat, parmi une foule d’autres projets de l’époque (Die Sonne Satan, Archon Satani, etc…).
Même si certains morceaux sont parfois anodins, comme les deux premières versions de « Dissection » qui conviendrait mieux parfois au déroutant Grismannen, autre projet souvent décalé de Peter Andersson, il faut bien admettre que ce Fragment B retient l’attention de l’auditeur sans peine, même s’il reste souvent en-deçà des plus belles œuvres du talentueux scandinave.
On peut aussi regretter que, faute de place sans doute, les quatre titres que Peter Andersson avaient sortis sous le nom de D:COMBE sur la cassette « Semblance » n’y trouvent pas leur place, car ils ne figurent, à ce jour et à ma connaissance en tout cas, sur aucun CD.

Collective Archive
(Cold Meat Industry, 1999)


1-1- Cantharsis
1-2- Chalixtins
1-3- Decalogue
1-4- Out Of The Depths...
1-5- Pharynx
1-6- Intrinsic Reason - Version I
1-7- In Brooken Shields
1-8- Brooked Shields
1-9- Intrinsic Reason - Version II
1-10- Wisdom Of Withhold
1-11- Saivo - The Kingdom Of Dead
1-12- Saifeiod - Extended Version
1-13- In Emptiness

2-1- Through An Arcane Passage
2-2- Mesmerized In Sorrow
2-3- Ordeal In Chapel
2-4- Mourning
2-5- Anathema / Apotheosis
2-6- Synopsis
2-7- Après Nous Le Déluge - Acte I
2-8- Raison D'Être
2-9- The Final Wagon
2-10- Moribund
2-11- De Profundis
2-12- Death Brightens With Sorrow
2-13- Ignesco Comburo
2-14- Memento Mori
2-15- Aprés Nous Le Déluge - Acte II
2-16- Paragon Sequence
2-17- Frigus Membra


CD1
Présent sur la mythique et introuvable VHS « Sakral Wounds », « Cantharsis » est une jolie introduction à ce double CD composé de raretés, d’inédits et de versions alternatives des premières œuvres de RAISON D’ÊTRE.
« Chalixtins » rappelle lui les titres présents sur « Prospectus I », de même que « Decalogue » présent sur la mythique compilation « From Sickness to Death » sorti chez Slaughter Productions.
« Out Of The Depths...» reste dans le même esprit, samples de voix religieuses, percussions, bruits répétitifs en arrière-fond, synthés planant. Pour ceux qui restent nostalgique de cette période, « Collective Archive » est une véritable mine d’or puis qu’il reste essentiellement sous l’emprise du style présent sur « Prospectus I ».
Autre titre sorti chez Slaughter Productions, le très jolie et évocateur « Pharynx », lent méditatif, avec ses voix évanescentes qui traversent un éther mystérieux de sons planant, d’échos indistincts.
Viennent ensuite trois titres tirés de la cassette « Conspectus » dont tous les morceaux ont été repris sur « Reflections from the Time of Opening » (version Cold Meat), « Lost Fragments » et « Collective Archive ».
Plus sombre, plus insidieux que les titres précédents « Intrinsic Reason - Version I » est fait de roulements lointains, d’échos sournois, de souffles de sons allant et venant sur cette horizon pénombreux. « In Brooken Shields » et « Intrinsic Reason - Version II », entre lesquels se trouve le discret et aquatique « Brooked Shields », restent dans le même esprit de rampements sonores, de mouvements chtoniens, dont percent ici et là une certaine lumière comme à la fin du premier titre où dans la seconde partie du deuxième, où des bribes de chants reviennent hantés l’horrizon.
Autre jolie morceau, « Wisdom Of Withhold » baigne dans une aura magique, dans une profonde mélancolie, malgré sa simplicité.
Plus anodin dans un premier temps peut-être, le long morceau « Saivo - The Kingdom Of Dead » demeure lui aussi dans l’esprit de « Prospectus I ». Le titre devient de nouveau empreint d’une douce mélancolie vers la fin avec l’émergence des synthés.
« Saifeiod - Extended Version » est un jolie titre évoluant entre certaines des pistes de « Reflections from the Time of Opening » et certaines œuvres de Necrophorus, période « Underneath the Spirit of Tranquility ». Titre planant, mystérieux, fait de souffles, de tout un va-et-vient de sons, de voix, qui recrée un univers enchanteur autour de nous.
Le CD 1 se termine en beauté avec le douloureux et envoutant « In Emptiness ». Rappelant le magique « Dream’s Essence » de « Within the Depths » ou ces autres morceaux fragiles et éthérés présents sur les compilations « The Absolute Supper » et « Funeral Songs ».

CD2
Après un court morceau inédit, les cinq titres suivants sont tirés de « Prospectus I », en des versions légèrement alternatives issues pour certaines de la vidéo « Sakral Wounds » ou de la cassette « The Ring of Isvarah ».
Les morceaux 7 à 15 sont tirés de la toute première cassette de RAISON D’ÊTRE : « Après nous le Déluge ». Et si on peut évidemment sentir dans ces premiers morceaux certains tâtonnement, si le style RAISON D’ÊTRE n’est pas encore tout à fait en place comme dans « Après Nous Le Déluge - Acte I » et surtout sur le titre « Raison D'Être » qui rappellent les explorations industrielles de l’époque, les samples industrielles sont déjà là, les synthés font leur apparitions dans « The Final Wagon », les voix religieuses dans « Moribund ». L’ensemble des titres restent beaucoup plus rythmés que l’ensemble des œuvres de RAISON D’ÊTRE, un peu à la manière des travaux de Svasti Ayanam, d’autant plus marquant avec le titre « Ignesco Comburo » et ses mantras.
C’est en effet un RAISON D’ÊTRE légèrement différent auquel il faut s’attendre ici, pour témoin « Death Brightens With Sorrow » qui n’a qu’un lointain rapport avec l’essentiel des œuvres du suédois, sinon avec « Lost Fragments ».
Avec « De Profundis » on se rapproche un peu plus de « Prospectus I », mais surtout avec le sympathique « Memento Mori » et ses mélodies entêtantes, ses samples de dialogues et ses synthés.
Les deux derniers titres de ce CD viennent de la version démo d’« Après nous le Déluge », et, curieusement, restent plus marquant que certain des titres de la version définitive. Notamment le doux et triste « Frigus Membra ».Même si certains de ces morceaux ne sont pas indispensables, ils nous permettent de voir l’évolution du processus créatif de Peter Andersson au travers de RAISON D’ÊTRE, et dans tous les cas, même s’ils n’ont pas la beauté de certaines œuvres futurs, ne paraîtront jamais vains ou ennuyeux aux adeptes du genre.


The Empty Hollow Unfolds
(Cold Meat Industry, 2000)



1- The Slow Ascent
2- The Hidden Hallows
3- End Of A Cycle
4- The Wasteland
5- The Eternal Return And The Infinite Horizon

Avec « The Empty Hollow Unfolds », Peter Andersson poursuit avec brio son exploration musicale du dark-ambient ; ici, et avec plus de force encore que dans les précédents albums, les voix religieuses ne sont plus utilisées que comme de simples boucles qui déchirent le voile de grisaille de la musique, mais forment de véritables nappes sonores qui remplacent ou complètent les harmonies mélancoliques des synthés, et c’est ce que l’on ressent à l’écoute du premier titre : « The Slow Ascent ».
« The Hidden Hallows » est sans doute l’un des plus beaux titres de l’album. Magique, onirique et triste, voix et synthés s’élèvent de concert par plonger l’esprit dans un tourbillon intérieur de doutes, d’espoirs déçus et de regrets. Et on remarque rapidement une chose, si la beauté est toujours là, les morceaux sont sensiblement plus sombres que d’habitude, plus désespérés aussi, les lueurs qui en déchirent les ténèbres semblent encore plus ténues, encore plus fragiles que d’habitude. Riche, varié, « The Hidden Hallows » porte en lui toute la palette de nos tristesses les plus secrètes sans pour autant se départir totalement de cet irrépressible sensation d’envoûtement né de l’influence des sons, de ce mélange subtil de synthés, de voix, de bruits indistincts et de ronflements souterrains.
Grondements, roulements métalliques, grincements qui montent en un tourbillon fatidique de sons, « End Of A Cycle » se poursuit avec ses chœurs noirs et nihilistes qui emplissent l’espace, se mêlent aux bruits les plus inquiétants, et laisse l’esprit glisser en quelque limbes sans retour.
Le très métallique « The Wasteland », fait de grincements, de déchirements de tôles, sur lesquels planent des voix irréelles, et qui poursuit en beauté cette exploration sonore qu’est « The Empty Hollow Unfolds ». Et malgré ces grincements, ces roulements de métal malmené et jeté en des caves obscurs, des cryptes industrielles désenchantées, est comme une douleur trop forte qui enivre les sens, les égare.
En ces instants, Peter Andersson devient une sorte de philosophe, un dangereux prêcheur annonçant qu’il n’y a aucun espoir, que la lutte est vaine, mais que, justement, c’est ce qui en fait toute sa beauté. La beauté de ce combat inégal et perdu d’avance contre l’existence, pour l’existence.
Le long morceau « The Eternal Return And The Infinite Horizon » clos l’album de son flux et de son reflux abyssal qui remonte peu à peu vers nous, s’extirpant de quelque puits sans fonds, de quelque abîme insondable, pour venir s’échouer sur les berges dévastées de ce monde à l’agonie. Le morceau s’enfle, prend vie devant nous, se transformant en quelque créature rampante, quelque hideuse puissance issue des profondeurs les plus noires de l’être.
Les éléments s’ajoutent les uns aux autres pour former une véritable envolée rituelle de sons.
Un grand moment de plus dans l’histoire – secrète – de la musique.



Projets parallèles de Peter Andersson :
Atomine Elektrine
Bocksholm
D:Combe (pré-Raison d’Être)
Grismannen
Panzar
Stratvm Terror
Svasti-Ayanam

LAUDANUM

Laudanum
Archana Records 2001



Part I
Part II
Part III

Projet éphémère d’Amir Baghiri, surtout connu pour ses explorations électroniques et tribales (Yalda ravira les amoureux du genre), et de Rüdiger Gleisberg dont les projets les plus connus sont Solitaire ou Nostalgia (avec Mathias Grassow notamment) auquel on doit « The House on the Borderland » illustration sonore du superbe et terrifiant roman du même nom du romancier Anglais William Hope Hodgson, LAUDANUM ne peut laisser indifférent les fans d’ambiances troubles et oniriques.
Sans doute quelque part entre l’ambient introspective et mystérieuse de certains albums de l’infatigable Aidan Baker comme « Book Of Nods » ou « At the Fountain of Thirst » (parmi une foultitude d’autres albums) mais aussi d’œuvres plus sombres comme le suggère le très réussi « Part I » qui n’aurait pas dépareillé dans un CD de Raison d’Être ou de Desiderii Marginis.
Car s’il est une qualité de ce maxi CD, c’est la richesse des compositions, longues plages de synthé envoûtantes, samples de voix mystérieuses qui perce la musique comme des cris issus de quelques rêves doux-amers, bruissements et clapotis sonores qui se mêlent à des notes éphémères de pianos, des mélodies incertaines comme on en trouve dans l’œuvre intemporelle de Tor Lundvall.
« Part I » est une succession des ces instants éphémères, jouant sur le registre de la tristesse, du rêve, du mystère, comme une étrange introspection dont résulterait un sentiment confus, indéfinissable, fait de petits rien, de joies oubliées, de souffrances distantes, auquel se mêlent parfois des chants religieux ajoutant, non au mysticisme, mais à une sorte de douleur contenu, de beauté intérieur née de tout ce tumulte abscons de souvenirs.
« Part II » poursuit ce trouble et délicat mélange de sentiments ; voix religieuses noyées dans un brouillard confus de son, de plages de synthés douces et mélancoliques, évoquant des paysages de brumes et d’iridescences issus de nos visions oniriques les plus riches.
Tout aussi trouble et enchanteur, « Part III » est une sorte de rêve éveillé, distillant lui aussi sa part d’ombre et de lumière, de reflets de soleil couchant – ou de lune – à la surface d’un lac.
En fait, laissons la parole à William Hope Hodgson qui pourrait avoir inspiré une part au moins de l’œuvre de LAUDANUM :
« Etrange comme le reflet de la lumière spectrale à la crête des vagues, la nuit »
Les Pirates Fantômes
En fait, le seul gros défaut de ce CD, c’est de ne faire qu’une vingtaine de minutes !!!