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Prochains articles :MORTESIUM...INVERCAULD...KAMMARHEIT...
...musiques obscures, funèbres, oniriques et dépressives ...
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DARK, BLACK AND HAUNTED SOUNDSCAPES

DARK, BLACK AND HAUNTED SOUNDSCAPES
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KRAKEN

......THE KRAKEN IS COMING......



Abyssale, torturée ou hypnotique, l’œuvre de KRAKEN est multiforme, tentaculaire, et semble évoluer d’album en album, insaisissable, mais toujours aussi noire, noire comme les abîmes dont elle est issue…


AQUANAUT
(Spectre – Nautilus) 1999 LP


At Dawn Nobody Knows Where He Will Sleep That Night
A1 Liquid Enchantress / Lured Underneath
A2 Demagogic Journey
A3 Point of Submersion / Maelstrom

He Who Gazed Into The Abyss For Too Long...
B1 Profound Aquatic Stasis
B2 Descending Into The Abyss
B3 Cerebral Core Of The Octopus / Hypnotic Preassure



Lourd, minimaliste et menaçant… « Aquanaut » n’est pas à mettre entre toutes les oreilles.
« Liquid Enchantress / Lured Underneath » débute cette étrange plongée dans les abysses où règne le KRAKEN. Sans doute le meilleur titre de l’album, le plus insidieux, hypnotique et abyssal, celui qui traduit avec évidence une sourde menace, une présence obscure que l’on ne voit pas mais que l’on sent, toute proche, de l’autre côté de la coque, où dans les eaux noires derrière le hublot d’un submersible. Drones évanescents, comme le sifflement lointain d’une machinerie, comme un son remonté d’une profondeur incommensurable, auxquels s’ajoutent des échos sourds, des remontées imprécises de chœurs, et surtout une voix de femme qui murmure quelques mots et confère au morceau une aura sensuelle et vénéneuse.
« Demagogic Journey » enchaîne avec toujours les mêmes boucles entêtantes, rituelles et hypnotiques, ici des sons de cloches déformés par la pression, des larsens, des drones toujours aussi sournois.
« Point of Submersion / Maelstrom » termine la face A intitulée : At Dawn Nobody Knows Where He Will Sleep That Night. Toujours aussi minimaliste et inquiétant.


La face B (He Who Gazed Into The Abyss For Too Long...) commence par « Profound Aquatic Stasis », encore plus sournois et minimaliste : quelques stridulations, quelques remontées de bulles grondantes…
Vient ensuite le grondant « Descending Into The Abyss » sonars irritants, bourdonnements, drones abyssaux… On peut se demander si cette descente est volontaire ou si, au contraire, nous n’aurions pas plutôt perdu le contrôle du submersible, si nous ne sommes pas dans un navire en train de sombrer ?
La face se termine par le plus fantomatique « Cerebral Core Of The Octopus / Hypnotic Preassure ».
Un premier essai envoûtant dont on regrette malgré tout qu’il ne soit pas moins minimaliste, que des sons étouffants, d’autres samples viennent s’ajouter ici et là à chaque descente, ou, à tout le moins, que les morceaux n’aient pas tous la puissance évocatrice de « Liquid Enchantress / Lured Underneath ».


FÖRLISA
(Spectre – Nautilus) 2003 CD





1- Förlisa
2- Tuerie à la Port de Blankenberghe
3- La Cabine Noire
4- Le Buccin Perdu et la Néréide
5- La Petite Histoire de la Cuisinière Rasée et le Capitaine Barbu
6- The Seamen’s Club
7- Le Secret du Matelot R. Vego
8- The Chant for the Kraken

Beaucoup plus cauchemardesque et violent que le premier LP, « Förlisa » descend d’un pallier encore dans la noirceur et l’étouffement…
Tout commence avec le titre éponyme : « Förlisa » et ces drones tourbillonnants, ces grincements mauvais, ces voix plaintives et gémissantes de femmes allant jusqu’aux hurlements, le tout aux confins du death ambient et de l’industriel cauchemardesque.
Le supplice continue de plus belle avec « Tuerie à la Port de Blankenberghe » : multiples samples de voix, hurlements, au-dessus desquels on retrouve les structures hypnotiques d’« Aquanaut ». Mais tout reste toujours dans le cauchemar, le bourdonnement sonore, les stridulations, sans que l’on soit pour autant dans un pure album de noise, car il y a une certaine structure, une harmonie dans toute cette noirceur, toute cette haine.
Plus apaisé, « La Cabine Noire » n’en est pas moins aussi sinistre. Plus proche d’ailleurs d’une séquelle du premier LP, le morceau renoue avec le minimalisme des débuts.
« Le Buccin Perdu et la Néréide » reste dans le même esprit, avec un côté fantomatique, mystérieux, en plus.
Et avec « La Petite Histoire de la Cuisinière Rasée et le Capitaine Barbu » on entre au cœur de l’album, là où se cachent les plus belles pièces de ténèbres. Ce titre est un véritable morceau de dark ambient : arpèges ondoyants, drones grondants au fond de quelque abîme et dont on ne perçoit que le bruit lointain, nappes de sons monotones et sournoises exerçant leurs pressions sur la coque d’un navire, voix douloureuses… Quelle est donc l’histoire sordide de ce capitaine et de cette cuisinière ?
Tout aussi fascinant, « The Seamen’s Club » et son drone terrifiant, qui envahit l’espace, noir et infernal, se suffisant presque à lui-même jusqu’à l’arrivée de distorsions, de bruits épars et marquant le retour d’une certaine tourmente.
Autre cauchemar : « Le Secret du Matelot R. Vego » : drones vibrants, chœurs noirs, nappes de sons qui se décalent lentement d’une ou deux notes, voix déformées ou douloureuses. Quelque soit cette histoire, elle ne semble pas non plus très optimiste.
« The Chant for the Kraken » reprend certains chants tribaux mêlés de clapotis, de flutes, de bourdonnements et autres bruits indéfinissables.

AMORE
(Spectre) 2005 2CD




CD1
1- Kamer 354
2- In De Regen Gaat Het Ook
3- Veraad Van Rijovego
4- In De Diepte Is Alles Goed
5- Drie Wegen Naar De Dood
6- Alles Wordt Wit
7- De Hoorn In Je Hoofd

CD2
1- Untitled I
2- Untitled II

Différents des deux premiers albums et surtout du terrible et abyssal « Förlisa », « Amore » n’a d’amour que le nom, car ici les sentiments n’ont pas leur place. L’amour en question étant réduit à l’acte sexuel, au sida, et à la prostitution, voire même au film pornographique… Voici donc les nouveaux abîmes que KRAKEN souhaitent explorer (pas de mauvais jeu de mot ici) : la froideur, l’inhumanité, la détresse des rapports humains, même - et surtout - quant il s’agit d’amour.
Assez proche l’un de l’autre, « Kamer 354» et « Veraad Van Rijovego » propose une sorte d’ambient sombre, mêlée d’influences orientales, de field recordings venu tout droit de quelques villes lointaines et fourmillantes. Plutôt réussis mais décidemment bien loin de la noire terreur de « Förlisa ».
« In De Regen Gaat Het Ook » est une longue pièce plus inquiétante, notes se succédant avec froideur, bruits à demi estompés, voix fugitives, encore une fois, il n’y a pas ici d’amour… Tout est froid et glacial ; on a plus l’impression d’explorer une maison abandonnée, un soir de pluie et de désespoir, dans quelque banlieue déprimante… Si l’amour n’est pas qu’une illusion de plus parmi toutes les croyances hypocrites des hommes : religions, philosophies, science… ce n’est pas ici que nous en aurons la preuve !
Le quatrième morceau, « In De Diepte Is Alles Goed » reste dans cet esprit, mélodies profondes, gémissantes, semblant venir d’une cave, cris éloignés, presque inaudibles. Et toujours, au début ou à la fin des morceaux, ces dialogues en français sur la prostitution, le quotidien sordide, scabreux, du commerce de la chair.
On continue dans cet esprit avec les boucles hypnotiques (retour aux sources ?) de « Drie Wegen Naar De Dood » et ses rires obscènes et moqueurs, ses gémissements outrés, ses cris de douleurs, qui semblent venir droit d’un film pornographiques. Là aussi, aucun espoir de trouver l’amour, il n’y a que la chair offerte en sacrifice, les corps meurtris et souillés.
Vient ensuite le très hanté et hypnotique « Alles Wordt Wit ». Boucles fantomatiques, voix spectrales, samples habités…Un très beau morceau, rappelant quelque peu le superbe « Liquid Enchantress / Lured Underneath » d’ »Aquanaut ». Style que l’on retrouvera aussi par la suite, dans les albums suivants, et avec le plus grand plaisir !
« De Hoorn In Je Hoofd » poursuit dans ce dark ambient plus sournois, foisonnant de sonorités mystérieuses, de voix outre-tombales, d’échos et de rythmes feutrés. Riches et fascinants, ces deux titres révèlent tous les talents de KRAKEN pour créer des atmosphères troubles.
Le second CD propose deux morceaux sans titres, le premier de plus de 70 min.
Ambient épurée, minimaliste, mais dans un sens différent d’«Aquanaut » dont les boucles mesmérisaient l’espace de chaque morceau. Loin d’être aussi personnel que le premier CD, ce titre rappelle bien trop de morceaux ambient et interminables du même genre pour attirer vraiment l’intention (Caul avec Hidden ; Endvra avec The Watcher, Dense Vision Shrine, Troum entre autres…).
Alors que dire de ce nouveau CD ? De cette réorientation ? Et bien il ne s’agit pas réellement de réorientation : KRAKEN poursuit son exploration de tous les abîmes de l’existence ; sa musique est différente à chaque album et pourtant si proche. La première réaction peut être la déception après la noire fureur de « Förlisa » mais cela passe vite, tant certains morceaux sont fouillés, prenants, et toujours aussi hypnotiques.

CHAGRIN
(Spectre) 2006 CD


1- Drijvende Honden
2- Je Zus En Het Verkeerde Been
3- Valstrik In De Muur
4- Vrees Voor Vlees
5- Rouw Voor De Veerman
6- Splinterwoord
7- Het Gevaar Van De Starre Gedachte
8- Good Voor De Veerman
9- Elisa
10- Tor Aan Het Plafond En In De Wolken

Plus expérimental sans doute que les albums précédents, « Chagrin » semble être une sorte d’écho déformé, plus avant-gardiste, d’« Amore ». Sans doute moins marquant aussi, mais dont une part de l’étrangeté, de la noirceur, apparait encore ici et là. De plus en plus évidentes à chaque écoute.
On perçoit dans le premier titre quelque chose de la sombreur, de la violence de certains passages de « Förlisa » : chœurs maléfiques, déluge angoissant de sons, discours émergeant parfois en arrière-fond.
Avec le second morceau se profile une sorte d’ambient expérimentale, chargée de fréquences, de stridulations ; puis soudain c’est l’explosion, on tombe dans les boucles rythmées et industrielles de Stratvm Terror ou de Bocksholm.
Avec « Valstrik In De Muur » on retrouve une part des ambiances orientales, du field recordings d’«Amore », puis la musique émerge, boucles noires, et une certaine angoisse s’installe peu à peu, lavée de toutes ces sonorités.
« Vrees Voor Vlees » est un morceau purement expérimental, mélange de fréquences curieusement modulées, de discours, qui peut faire regretter aux fans de la première heure, la noirceur abyssale et suffocante de « Förlisa » ou les boucles hypnotiques d’« Aquanaut ».
On reste dans cette atmosphère avec « Rouw Voor De Veerman ».
« Splinterwoord » est plus fantastique, spectral, en tout cas dès que la musique se dégage de ses voix déformées, des dialogues, qui, il me semble, ne sont pas cette fois nécessaires.
« Het Gevaar Van De Starre Gedachte » gagne en intensité vers la fin dès que ces contours se définissent, que la musique s’affine, et devient véritablement hanté.
« Good Voor De Veerman » est un long morceau ambiant, triste, épuré, rappelant au début le second CD d’«Amore » mais qui décolle peu à peu, distillant au fur et à mesure que les minutes s’égrainent, une sorte de noirceur insidieuse aux sonorités riches mais toujours aussi tristes.
Petite pièce fantomatique avec « Elisa » qui sert de prélude à « Tor Aan Het Plafond En In De Wolken », onirique, planant et mystérieux. Nouvelle facette du tentaculaire KRAKEN.
« Chagrin » est un album contrasté, mêlant l’expérimentation, les harmonies spectrales de certaines de ses œuvres passées, mais aussi la tristesse et l’angoisse. Il faut l’écouter plusieurs fois pour commencer à en saisir toutes les nuances, toute la richesse qui peut ne pas être évidente de prime abord. Bref, après quelques hésitations, encore un très bon KRAKEN

DRIFT
(Spectre) 2007 CD



1- Vechten Met Potvissen
2- De Zoute Avatar
3- Zonder Morgen
4- De Patroondenker
5- 12 Mijl Buiten Westen
6- Baleinen Zijn Geen Paraplu's
7- Tuigbrander
8- Afscheid Van Een Zeemier
9- Stigma Plus
10- SOS Blauwvintonijn
11- Rode Vlekken
12- Sushi Is Moord





Superbe, d’une puissance évocatrice et sombre rarement égalée, « Drift » est un monument d’ambiances troubles et oppressantes, fantastiques et hantées…
Conclusion de la trilogie sortie chez Spectre, et non chez Nautilus, sous-label dédié à l’océan et aux bruits d’eau de façon général, « Drift » apparait d’emblée comme un superbe dernier chapitre, plus abouti encore que les deux volets précédents qui, d’une manière ou d’une autre, malgré leurs qualités relatives, nous poussaient toujours à regretter « Förlisa ».
Depuis « Amore » le style de KRAKEN semble de plus en plus défini.
« Vechten Met Potvissen » est un très bon morceau d’industriel tourmenté, hanté, plein de bruits et de bourdonnements.
« De Zoute Avatar » est un court interlude qui distille une sournoise angoisse, dans la voix de la femme, les craquements et les crachotements qui emplissent le morceau.
Tout aussi réussi, « Zonder Morgen » avec ses nappes spectrales, voix et synthés, ses agitations lointaines, au-dessus desquels une voix (sortie d’une mission spatiale ?) se noie de plus en plus, recouvertes par les harmonies cosmiques et hantées.
Curieux morceau de percussions ou instruments ethnique, rappelant certaines productions d’Alio Die ou de Robert Rich, « De Patroondenker » est une agréable parenthèse, plus apaisée, moins inquiétante que le reste de l’album.
Retour au spectral, à l’angoisse sournoise avec « 12 Mijl Buiten Westen » qui nous replonge presque dans les abîmes hypnotiques d’« Aquanaut » mais avec une plus grande maîtrise des ambiances troubles et pernicieuses. Lent, plein de souffles, de boucles envoûtantes, de nappes brumeuses, de voix éloignées qui sombrent dans le mystère fébrile de l’atmosphère. Très beau.
« Baleinen Zijn Geen Paraplu's » continue dans ces ambiances moites et sinistres qui rappellent décidemment bien les premières plongées de KRAKEN mais avec quelque chose en plus, une force dans la composition, l’élaboration de ses boucles oppressives et noires. Superbe aussi, ce morceau descend encore d’un cran dans l’angoisse, le mystère et la peur qui suintent littéralement de ce titre. Abyssal !
Suit le fantastique « Tuigbrander » : petites notes répétitives, boucles menaçantes, voix et instruments sinistres, l’ambiance est là et ne faiblit jamais, bien au contraire !
Plus sournois, « Afscheid Van Een Zeemier » commence par des drones remontant lourdement de quelques profondeurs inexplorées, grincements arrivant progressivement, chants égarées de sirènes dépressives, quelques paroles obscures ici et là, et nous voilà naviguant sur (sous…) les eaux troubles d’un océan maudit. Envoûtant… mais de l’envoûtement d’une goule maladive qui essaye de séduire sa proie…
« Stigma Plus » reste dans les mêmes eaux troubles, la même moiteur mauvaise, et – faut-il encore le rappeler ? – toujours très réussi, comme le court et fantastique interlude « SOS Blauwvintonijn ».
Il est mille manières différentes d’explorer les abîmes, que ce soient ceux de l’existence, de l’âme humaine ou des profondeurs de l’océan, KRAKEN en est la preuve au travers de chacun de ses albums, mais on pourrait aussi citer le méconnu Olhon. « Rode Vlekken » est une autre de ces descentes éprouvantes pour le corps, pour l’esprit.
Le CD se termine par « Sushi Is Moord » hypnotique, mystérieux, qui semble une version alternative du superbe « Liquid Enchantress / Lured Underneath » présent sur « Aquanaut ».
Véritablement hanté, très différent de « Förlisa » mais tout aussi superbe et noir, « Drift » est un monument de dark-ambient abyssal qui doit absolument figurer dans toute collection digne de ce nom.
A ne surtout pas manquer !

NACHTSCHADE
Spectre 2008



CD
01. N14 6:54
02. A01 4:50
03. C03 14:42
04. H08 6:44
05. T20 2:38
06. S19 5:40
07. C03 6:33
08. H08 5:22
09. A01 4:49
10. D04 8:59
11. E05 2:08
12. ---- 3:31

DVD 13 Chapitres 63:18



CD : NACHT
Parfait mélange d’expérimentations, d’ambiances troubles et agonisantes, de bandes-sons fantastiques et glauques, « Nachtschade » est une œuvre angoissante, noire et fascinante, parvenant à se hisser à un niveau que bien peu parviennent à atteindre. Et comme les grands noms du genre, le mérite de KRAKEN c’est de réussir, d’album en album, à proposer une œuvre cohérente, créative et passionnante.
KRAKEN, au travers de « Nachtschade » renouvelle une fois de plus le dark-amb… la musique dirons-nous. KRAKEN réussit toujours, et avec autant de brio, à utiliser l’arsenal d’outils que l’industrielle, l’expérimentale et le dark-ambient mettent à son service : boucles récurrentes, field-recordings, drones mauvais, pianos naufragés, synthés susurrants, comptines blafardes, voix et messages radios captés d’outre monde, ondes torturées, grincements noisy, bref la liste et longue – et passionnantes.
Le premier titre, « N14 6:54 », est une véritable bande-son de film noir, pianos lointains et mélodies inquiétantes se perdent dans l’obscurité, tachée uniquement par des bruits impossible à identifier, des bribes de sons fantomatiques. Plusieurs noms viennent à l’esprit, Onirot, Atrium Carceri, Raison d’Être ou Fennesz, mais il s’agit encore et toujours de KRAKEN et non d’un vulgaire ersatz de ces derniers, même si leurs univers, par certains angles impossibles, se côtoient volontiers.
« A01 4:50 » débute comme une expérimentation sonore de plus, mais rapidement, de ces tournoiements d’ondes se dégagent une sinistre volonté, un désir de nuire qui traverse l’éther ainsi perturbé pour nous atteindre.
Tout se poursuit avec le sournois « C03 14:42 » : voix lancinantes en arrière-fond, mélodies suspectes au premier plan, et malgré sa longueur, le titre ne lasse pas. Et les boucles endeuillés de « H08 6:44 » prennent possession de l’espace, simple mais efficace, à la manière de l’étrange comptine du morceau suivant « T20 2:38».
Le titre suivant fait penser à quelque étrange morceau de Northaunt, de Vinterriket ou Ildfrost, car on y retrouve les notes éparses de pianos propres à ces formations, ce côté mélancolique et brumeux, présent aussi chez Tor Lundvall.
Beaucoup plus fantomatique en revanche, et certainement l’une des meilleures ambiances aussi du CD, « C03 6:33» est vraiment réussi. Les deux titres suivants s’avèrent tout aussi hanté et efficace, comme « H08 5:22 », présent sur le DVD au chapitre 8, avec ces boucles spectrales d’arpèges.
Moins fort en revanche les titres suivants, comme le plus ethnique et ambiant « D04 8:59 » qui laisse la place au court « E05 2:08 » puis au dernier morceau qui n’atteint pas la puissance des meilleurs moments de l’album.

DVD : SCHADE



Essentiellement dérangeants, hantés et dotés d’une beauté fatidique, les différents titres de ce DVD trouvent sans problème leur place dans la discographie déjà riche de KRAKEN. Et ce, dès le malfaisant et glauque premier titre, illustré par une suite d’images superposées, de fondu enchaîné sans fin de corps, d’yeux, de formes indistinctes ; le second titre est plus ambiant, mais encore hanté et trouble, et prend possession de notre esprit avec ce buste de femme tournant sans cesse sur des superpositions incessantes d’images.
Tout aussi hanté et trouble donc que le CD, ce DVD apporte une nouvelle preuve de la puissance créatrice des deux compères. Et même si certains titres sont repris d’anciens albums, comme « De Patroondenker » tiré de « Drift » (chapitre 4) ou « Cerebral Core of the Octopus - Hypnotic Preassure » remontant à la genèse de l’œuvre de KRAKEN avec l’album « Aquanaut » (chapitre 12), l’ensemble des autres reprises, à différents degrés, sont vraiment originales. Pour exemple « Goud Voor de Veerman », tiré de l’album « Chagrin » en devient presque méconnaissable ainsi combiné à d’autres éléments. Et justement, la puissance de ce DVD, c’est de nous offrir une œuvre originale, même au travers des quelques reprises présentées, car les sons se combinent les uns aux autres, sont retravaillés de façon indéchiffrable et nouvelle. Et en effet, on reconnaîtra pêle-mêle certains éléments tirés de l’ensemble de l’œuvre de KRAKEN. A noter aussi que certains titres du DVD sont déjà présents sur le CD, comme les chapitres 8 (H08 5:22) et 9 (E05 2:08).
Il convient pourtant de faire une mise au point sur les vidéos présentes ici, car si la musique de KRAKEN m’intéresse, je suis en revanche moins fan de ce genre d’expérimentation vidéo, qui, si elles s’intègrent bien à un live, me semblent plus aléatoire sur DVD. C’est d’autant peu de chance pour moi, que présentées – en partie - comme proche de l’œuvre de Lynch, les différentes vidéos en rappellent plus les récentes œuvres que le magnifique et sombre Eraserhead des débuts. Ces dernières œuvres du cinéaste étant plus hermétiques, plus impénétrables, mais, et cela n’engage que moi, il faut bien avouer que le côté abscons d’une œuvre n’est pas forcément gage de qualité du propos.
On remarquera cependant la qualité irréprochable de l’image, la recherche esthétique et visuelle systématique dont on fait preuve les membres de KRAKEN ici, et même si je ne suis manifestement pas la personne la plus passionné par ce genre d’image, certains passages, comme le dérangeant chapitre 7, inquiétant, multiforme, autant par l’image que par le son, ou l’hypnotique chapitre 2, déjà évoqué, allient à merveille images et sons.
Bref, même si l’on reste insensible à certaines de ces explorations visuelles, cela ne gâche en aucun cas la puissance musicale des œuvres présentées ici, et, selon nos propensions esthétiques relatives, en renforce même l’impact.

STROP
Raubbau 2010




















1.   Waar Handen Falen
2.   Muziekje Om Te Kotsen
3 .  Onder Je Wil
4.   Ze Komen Me Halen
5.   Vriend In Een Fles
6.   Morgen Zal Mijn Reet Roesten
7.   Praatjes Van Je Sloerie
8.  Visioen Met De Gedrogeerde Puppy
9.   Afschrift Van De Hopeloze Daad

Étrangement plus calme que d’habitude, mais toujours aussi inquiétant, noir et claustrophobique, le nouvel album de KRAKEN, STROP, est un chapitre de plus dans l’œuvre infernal et obscure des deux compères. Et si l’album peut sembler aussi plus minimaliste, non pas à la manière du LP AQUANAUT, mais davantage dans l’optique de certaines œuvres plus récentes, plus épurées, comme Nachtschade (surtout le DVD), l’angoisse des précédents albums n’en demeure pas moins omniprésente. Pour témoin le premier titre, « Waar Handen Falen », lourd, sinistre, qui ouvre la voie au plus fantastique « Muziekje Om Te Kotsen » avec ces courtes mélodies hantées et décalées.
Avec le troisième titre, KRAKEN renoue avec certains drones mauvais, certaines boucles de sons sinistres, déjà utilisés (avec brio) par le passé et tout aussi efficace ici. L’angoisse va crescendo, répandant sa noirceur visqueuse dans l’esprit de l’auditeur, jetant ses spires glacées au plus profond de sa chair.
Suit le légèrement plus expérimental « Ze Komen Me Halen », qui rappelle certains titres d’AMORE ou de CHAGRIN, tout en continuant de jouer sur les ambiances troubles et glaçantes dont KRAKEN raffole. Field recordings, drones louvoyant sur quelque océan ténébreux, sons déformés et boucles malsaines s’étirent sur plus de douze minutes sans jamais faiblir. Et si, effectivement, quelque chose arrive vers vous – comme le dit le sample de voix – on se demande bien ce que cela peut être ?
« Vriend In Een Fles » fait partie de ces pièces fantastiques et inquiétantes, comme on en trouve dans l’essentiel des albums de KRAKEN, parfait préambule au court et industriel « Morgen Zal Mijn Reet Roesten ».
L’avantage, avec un album de KRAKEN, c’est que l’on a droit à toutes les palettes de l’horreur, en tout cas de l’angoisse, et on s’en rend une fois de plus compte avec le plus ambiant « Praatjes Van Je Sloerie ». Ambiant, oui, mais on reste ici dans le même registre : craquements, chants religieux, samples de voix, drones brumeux, et même si ce morceau demeure l’un des plus faibles de l’album, on ne peut pas dire qu’il respire la joie…
Autre morceau ambiant et fantomatique, « Visioen Met De Gedrogeerde Puppy », sorte de souffle planant et délétère… et une fois de plus, les titres des morceaux semblent à la fois ironiques, mordant et décalés - voire surréalistes ? -, car s’il est bien ici question de chiots, il ne peut s’agir que de spectres errant dans un laboratoire d’expérimentations animales, et soumis, par le despotisme aveugle et destructeur de l’homme, aux pires abominations de la chair et de l’esprit.
Quant au dernier titre, il fait penser à certaines boucles hypnotiques de sons utilisées par TROUM, notamment dans la série des « Tjukurrpa ».
Si STROP n’atteint pas la puissance évocatrice et ténébreuse de FÖRLISA ou de DRIFT, il n’en reste pas moins un album riche, à la noirceur rampante, plein de zones d’ombres et baignant dans une atmosphère étouffante et glauque à souhait. KRAKEN, quoi…

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Enorme post, énorme artiste, cependant je cherche désespérément l'album "Aquanaut" en format mp3, j'ai beau avoir chercher partout, je ne l'ai trouvé en vente qu'en vynil ou 33 tours... Un petit coup de pouce ?